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  • 1er décembre 2018 /
    Léopoldine HH.
    “On voudrait revivre : Gérard Manset par Léopoldine HH & Maxime Kerzanet (Report live à Paris, théâtre Antoine Vitez, le 30/11/18)”

    rédigé par Jean Thooris
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C’est comme si Léopoldine Hummel et Maxime Kerzanet cherchaient à investir la pensée ou la logique enfouie d’icônes françaises mystérieuses malgré tout. Hier Godard, aujourd’hui Manset. Mais telle Gwenaëlle Aubry avec l’œuvre de Sylvia Plath (en 2014 avec la lecture musicale Lazare mon amour, dans laquelle chantait déjà Léopoldine), ce travail analytique se fonde obligatoirement dans une matière intime, malléable.

On voudrait revivre, où comment transmettre la passion Gérard Manset sur les planches d’un théâtre, revisite le répertoire de l’auteur d’Y a une route, mais de façon aussi respectueuse que traître. Le spectacle commence par une vieille interview de Manset, et cette idée que Léopoldine et Maxime vont virevolter dans leurs propres imaginaires, jusqu’à confusion entre ce que nous connaissons (ou pas) de Manset et la réappropriation intime des deux auteurs.

Magnifiquement mis en scène par Chloé Brugnon (également à l’écriture), On voudrait revivre scénographie les grands moments de la discographie Manset. Mais avec un joli grain de folie ! En fait, on ne voit que cela : les cerveaux barrés de Léopoldine et Maxime accordent leurs univers au pessimisme de Manset. Le chaud, le foufou, imprègnent soudainement l’intransigeance musicale d’un artiste distant. Et le spectateur rigole souvent durant la représentation (eh oui : il est possible de s’esclaffer en écoutant Animal, on est mal – on vient d’en faire l’expérience).

La démarche ne tient pas tant de la désacralisation (l’hommage y est constant) que d’un jeu, très espiègle, autour d’une œuvre à investir, donc à commenter, voire à documenter. Et avec Léopoldine et Maxime, on se doutait bien que le résultat joindrait le sérieux au burlesque, qu’un esprit Blumen im Topf offrirait une nouvelle facette à la musique de Manset – ce qui n’exclut pas les moments introspectifs, avec notamment citation du poème de Peter Handke, « Lorsque l’enfant était enfant…  » (qui ouvrait en 87 le film Les Ailes du désir de Wenders).

Les chansons sont interprétées par Léopoldine et Maxime. À égalité. Et c’est une joie de voir Maxime Kerzanet, que nous ne connaissions vocalement que lors des concerts de Léo, s’affirmer, s’imposer comme une grande voix. L’auteur / compositeur, en deux secondes, est capable de transformer une tragique complainte en un grand moment d’autodérision. Et inversement ! Sacré chant, en osmose avec celui de Léopoldine (cette dernière observant parfois son compagnon, admirative, émue peut-être).

De quoi encore plus titiller notre imaginaire au moment d’envisager le prochain album de Léopoldine HH et Maxime Kerzanet… Manset, lui, peut se réjouir : on souhaite à tous les musiciens français une telle exploration de leurs œuvres. Une telle réappropriation caraxienne.