Une voix, quelques doigts et les cordes d’une guitare. Depuis plus d’un siècle, cet attelage a offert à la chanson, cette vorace, des millions de combinaisons pour autant de possibilités. Souvent éprouvée, parfois gravement malmenée par trop de négligence, cette formule archaïque, du moins en apparence, a su rester intemporelle. Et puis vint l’incertitude, créée à l’échelle planétaire par quelques aventuriers qui rafraîchiront tout ça en plongeant la tête la première dans la source de jouvence électrique puis électronique.
Amateurs eux aussi des équations pop à fortes inconnues, les frères Charret aka Yules ont décidé sur leur dernier Lp - A Thousand Voices - après neuf ans d’absence dans les bacs avec de véritables compos, de (re)convier la Fée Électricité (et au passage son pote Roland-Juno 106), laissée depuis trop longtemps de côté. Très bonne initiative !
On se retrouve ainsi avec une nouvelle mouture de Yules. La même voix, celle magique et magistrale de Guillaume Charret, mise au servive d’une musique indie pop toujours ciselée avec finesse, mais plus dynamique, enlevée et éclectique.
Et voici donc un album capable de servir de bande-son au quotidien. Ceux-là, on le sait maintenant, sont rares. On ne s’embarque pas chaque jour sur le long fleuve plus ou moins tranquille de la vie avec n’importe quel disque. Loin de là.
Il doit pouvoir préserver la grâce et la force de ces bouts d’ordinaire faits de tout et de rien, de ces instants, hiver comme été, qui résonnent de mille voix comme de silence sur lesquels se forgent d’intenses et douces nostalgies. Tant de paradoxes.
Combien d’albums sont ainsi parvenus au plus près de nos intimités sans nous intimider, rassurant l’enivrante banalité de ces journées où la lumière s’accorde au temps qui passe dans un mélange vénéneux d’éther et de tendresse ? Pas tant que ça. Rarement avec autant d’élégance et d’efficacité. Alors, quand on en tient un, on ne le lâche pas ; et globalement c’est parce qu’on ne parvient plus à s’en extirper, pris jusqu’à l’os par cette sensation de quiétude un brin inavouable, scandaleusement personnelle.
A Thousand Voices, un disque qui est là, et bien là...Tout simplement !