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Pas de repos pour les braves : on attaque cette dernière journée dès l’ouverture du site, car outre les groupes attendus, il est toujours intéressant de découvrir d’autres formations. Dernière ligne droite donc, et c’est Jim Younger’s Spirit qui débute les hostilités avec leur rock psyché aux accents du lointain far west.

On voit qu’ils prennent un grand plaisir à jouer, c’est rafraichissant. Ils font une reprise en hommage à Roky Erickson, songwriter Texan célèbre, mort la veille. Vers la fin du set, un jeune enfant (on saura plus tard qu’il s’agit du fils de la chanteuse) les rejoint sur scène à la guitare pour partager ce bon moment en famille.

On profite du temps qui nous sépare de la conférence du jour pour faire un tour du côté de l’espace Barrio où se déroule alors le désormais célèbre "yoga-bière" qui associe l’art du yoga et la dégustation de bière, tout en mouvements lents et amples. Tordant à regarder, sans doute autant à faire. Pas mal d’animations s’y succèdent, mais en amateurs fous de concert, nous n’aurons pas l’occasion d’y passer souvent.

La dernière conférence du festival voit les auteur·e·s de BD Tanx et Fabcaro, et leur éditeur Miquel Clemente (des excellentes éditions 6 pieds sous terre) débattre sur le thème "indépendance hors format" autour bien sûr de la BD. Pour qui connaît un peu le travail de ces auteur·e·s, on ne sera pas surpris du tour pris par la conversation, entre indépendance radicale et attitude punk pour Tanx, et sens de l’auto-dérision chevillée au corps de Fabcaro. Les échanges avec le public ou entre les intervenants sont évidemment passionnants, et les dédicaces se poursuivent durant 2 heures : un vrai carton ! On profite de cette parenthèse conférencière pour parler de la présence, outre d’un (seul) disquaire cette année, d’une librairie en camionnette qui propose bien entendu les livres / BD de tous les intervenants mais aussi d’autres références…

Le bon côté du Tinals est aussi d’y recroiser des gens qu’on a connu ici il y a quelques années : ainsi on partage une bière et nos impressions sur les concerts avec Clément, qui officie notamment dans l’émission radio "Les apéros d’Acetate" sur RDWA (une radio du Diois, dans la Drôme).

Place sur la scène Flamingo aux japonaises de Shonen Knife : le trio arborant des habits identiques mais aux couleurs différentes (force jaune / bleu / rouge !) est tout sourire du début à la fin du set, et c’est fort communicatif. Presque 40 ans qu’elles délivrent leur power pop en japonais et en anglais, réjouissant et efficace, où l’on parle souvent de bouffe ("Sweet candy power", "Banana chips"…). Tandis que bassiste et guitariste exécutent régulièrement des chorégraphies coordonnées, la batteuse se démène derrière ses (gros) fûts en rigolant.

Déjà vu à Génériq / Dijon, le groupe très en vogue, les irlandais de Fontaines DC sont logiquement très attendus : un public fervent et nombreux les accueille. Les musiciens font un peu la gueule, tandis que le chanteur arpente la scène en regardant la foule avec ses faux airs de Ian Curtis, une fleur scotchée sur sa chemise. Dès les premières notes ça bouge beaucoup et la poussière vole dans la fosse, tandis que les musiciens envoient leur rock post-punk répétitif. Les titres se suivent et sont relativement inégaux, certains rattrapants d’autres moins convaincants. Le set est cependant très court (35 minutes au lieu des 50 prévus) ce qui met en rogne une bonne partie du public, mais le groupe devant rejouer quelques temps plus tard dans le patio (qui sera d’ailleurs pris d’assaut), les fans se consolent comme ils peuvent.

Le groupe à géométrie variable Rinôçérôse originellement formé par le duo Jean-Philippe Freu à la guitare et Patrice "Patou" Carrié à la basse, fait son entrée sur la grande scène Paloma et attaque direct en version dance-floor saturée avec pas moins de 3 guitares. On retrouve notamment Rémi Saboul (My Tiger Side, ex-Drive Blind) qui prend grand plaisir à balancer ses riffs. Tout au long du concert, au rythme des différents intervenants (au chant, à la flûte…), les morceaux prennent des directions parfois différentes (plus electro, plus rock) mais avec toujours une puissance rythmique et sonore.

Rendez-vous, un des groupes français du moment se produit sur la scène Mosquito devant un public chaud et visiblement déjà conquis par leur post-cold-punk lorgnant sur les années 80s. C’est froid et percutant, oscillant entre ambiances essentiellement synthétiques et d’autres chargées en guitares acérées. Pogo, poussière, la fosse bouge en cadence.

Se pose ensuite un dilemme : découvrir sur scène les turbulents anglais Shame, ou revoir les impressionnants Low dont le précédent concert nous avait laissé extatiques. En fait, on n’a pas réellement hésité à retourner voir ses derniers, tant l’impression laissée avait été forte. Évidemment, dès les premières notes, on est baigné dans l’atmosphère à la fois tendue et hypnotique du trio, les lumières sous la forme de 3 "persiennes éclairantes" en arrière scène permettant tout juste de distinguer les silhouettes des 3 musicien·ne·s.

La majeure partie du dernier album est joué (recréé devrais-je dire, d’une façon plus cohérente au live), avec comme climax un "Do you know how to waltz ?", ancien titre particulièrement adapté aux titres joués durant cette tournée. Un peu frustré de la durée du set (par rapport à la fois précédente), on a du mal à redescendre après… et on se dit que ça fait finalement une très belle conclusion sonore à ce festival qui une fois de plus a tenu ses promesses.

Ces trois jours au TINALS ont passé tellement vite, entre soleil, musique et bonne humeur. Nos moments privilégiés : Big Thief, Kurt Vile, Shellac, Low, Poutre. On est également ravi d’avoir pu découvrir des auteurs à un festival de musique, ces conférences sont une belle première et nous voici repartis avec des livres et BD en plus du merch’ habituel. Le festival a battu les records d’entrée avec 18 000 festivaliers (à comparer aux 16 000 de l’année dernière), pour une prog moins mainstream et du coup un billet d’entrée moins cher. Comme quoi, les têtes d’affiches ne sont pas forcément LA solution pour afficher complet. Une programmation indie aux petits oignons avec de belles découvertes et des propositions audacieuses, ça paye ! Musique, bouquins, good vibes, le trio gagnant !

Galerie photo complète : https://www.flickr.com/photos/infinir/albums/72157709008086801