> Critiques > Labellisés



La légende de Mr Créosote y Karen Carpenter

Il faut l’apnée, il faut se submergé dans les bribes profondes pour découvrir Marianne, et même ainsi, a plusieurs reprises, j’ai du arrêter ma lecture, poser le livre sur la table a coté du café, respirer, reprendre l’air, prendre une distance physique avec ces mots, sans pourtant pouvoir quitter le regard de l’objet, le fixer, comme pour lui demander la profondeur de quelque chose, la palpabilité et la conjugaison de son âme, et l’effet de ses verbes sur le corps, puis je reprenais la lecture, les poumons enflés, prêt a me plonger dans ce combat sous-cutané. On associe trop souvent profondeur avec lourdeur, densité, la profondeur de "Not me" est un voyage du centre, du magma, jusqu’au ciel, ce n’est pas creuser, c’est tenter le vol, n’allez donc vous effrayer de tourments romantiques sucrés jusqu’a l’indigestion, ici, les écrits cherchent a digérer la vie passé, amalgamer les vides et pleins, l’osmose des peines et joies, si infimes soient elles.

Butterflies moments in the great war

Marianne, décrire Marianne au-delà de son rôle et talent d’artiste multi-discipline, décrire Marianne comme une personne douée de fragilité autant que de force, tentant de joindre les rangs de l’humanité comme finalement, nous essayons tous, sans omettre que nous sommes tous des étincelles variées. Marianne est cette petite française virevoltant entre Tucson et l’Italie, entre ciel et terre, en quête de "moments papillons dans la grande guerre", une femme cherchant la solution a tout ce monde qu’elle est, dans les maladies encore masquées, anorexie, boulimie, et la trainée que laisse la biographie le long des années, parfois blessante, souvent d’absences, et par moments, rayonnante. "Not me" parle de cela, des pourquoi cherchés et certains découverts (cette famille qui ne rutile que par l’argent, mais est un écart, un impasse, presque un mur, une présence sans matière que le chat équilibre de ses quelques impacts ci-et-là), parle de musique comme fuite, nomade et du Yoga comme demeure, sédentaire, et des routes tissées entre l’un et l’autre de ces états d’âme qui ont corps, le physique et le spirituel s’unissant dans l’acceptation de ce que l’on est.

6 Eggs 6

Voici le cheminement, le voyage fait en longue distance, armé de ces six œufs pour survivre aux trajets, ces œufs dont la coquille, a image et ressemblance d’elle, est aussi fine que protectrice dont la texture de papier résiste souvent jusqu’a se briser, Marianne est papier, peut être plus que pellicule, fine, froissable, déchirable, mais capable de recevoir les histoires qu’on ne dit mais écrit, les listes de pro et contre, les lettres lointaines, le poids des traits calligraphies, l’agenda des médicaments, les notes prises sur les rebords des bidets, signés, saignés, rendus, vomis, Marianne est papier, cruellement, aveu et jugement, notes prises dans le creux du ventre, dans les poubelles du quartier, dans la honte éprouvée et surpassée d’un geste, et un papier parfumé des doigts dans la bouche et des poissons d’Espagne, Marianne écrit sur elle même les bouts de vie doux amers mordus, cet art presque vicieux de contrôler son monde pour donner jour aux chaos des tables, aux détours des jours. Tous ces détails d’existence, système digestif des calendriers, sont ici mis en lumière par la simplicité du récit, l’imagerie digne d’un Jheronimus Bosch de chaque instant, d’un humour intelligent, heureux, fluide, ce n’est pas un livre gouffre, c’est un livre d’aile, d’elle, un cheminement.

Joined the rank of humanity

"Not me" ou comment avouer, belle ironie, cette typique expression infantile de protection, ce reflexe qu’ont les gamins de mentir si maladroitement que c’est un aveu, quelque chose d’une enfance latente, les parents peu réceptifs (sans trouver une once de haine dans les propos sinon des questions, des doutes), les changements brusques qui bousculent un peu les pas a suivre par les enfants, cette idée de ne pas s’adapter, de ne pas être accepter, de n’avoir la force de s’intégrer dans un violent coup de volant, un virage que l’on a pas préparé, cette sensation de solitude presque voulue (l’intériorisation du yoga aidera en cela sans doute a vivre l’extérieur) qu’une fois encore équilibre la présence du chat, interlocuteur de passage qui transporte dans sa marche féline la sensation presque shakespearienne de la possibilité de vivre. Le chat, est tout autant la preuve de l’inévitable présence de la solitude. La famille, les adresses bousillées, la solitude, le chat, les maris et mariages d’amours sans plus de lignes de commentaires, le sexe, le corps et ses odeurs, les manques, les trop, les extrémités de l’esprit, et puis le yoga, comme seule solution tangible, atteinte, touchée, seule vraie adresse, seule vraie amitié, seule arme, seule nourriture, repos et bataille, seule personne a tutoyer Marianne dans tout ce récit, le yoga, cette salle toujours claire, rythmée, chronique, acte qui ne se bouscule, ne se rejette, ne se nie qui est sien, control, sagesse, lueur, les élèves et ce professeur qu’elle devient et qui l’enseigne, lui marque le point de non retour, le stop, ce moment précis où le cœur de Monsieur Créosote bat encore après l’explosion, cet instant juste où Karen Carpenter devient l’air sans plus avoir a respirer, le yoga, comme part d’un sauvetage.

Move over Jesus, there’s a new martyr in town

Marianne a gardé ce côté nostalgique de la France, cette idée acidulée que le passé a sa magie et que le tordre obligerait a une nouvelle enfance, changer d’école, de pays, de couple et de corps, les traumas se font par détails d’un instant qui vient de s’effacer en laissant un creux au ventre, une famine, une faim, quelque chose a combler a tout pris où a déverser a nouveau pour sentir encore la sensation, une plaie qu’on se plait presque a garder ouverte, intacte, que les doutes ne suturent, comme des nœuds mal fait, on a beau enlever le christ du crucifix, il reste là inconscient, sur le tatou de la croix, entre les bêtes sur nous, de là que le combat soit sournoisement énorme pour éviter l’hécatombe des chairs, ôter les mots a la maladie n’aurait qu’un effet placebo, Marianne parle, avoue, cris, chante et exprime ces particules invisibles des jours qui nous rongent, et crescendo va la salvation, parce que c’est la vérité qu’il fallait vomir et la verité qu’il fallait digérer, une fois attablée, même seule, même si les amis ne viennent pas aux rendez-vous, on vient de nourrir sa vie d’une impulsion le pouls de nos poignets, l’équilibre de la verité, des mots dits, jusqu’a ne plus voir les croyances sur la croix, mais les bêtes totems, les véritables aides, les appuis, les contreforts qui nous bâtissent. Dès lors, il y a une lumière qui entre, un faisceau qui, peu a peu, fait disparaitre la matière des portes closes, les traverse, les annule mais s’en souvient, la mémoire, cette biographie en marche, est l’autre part du sauvetage

Epilogue « I know, I’ve been there, in that black hole »

Je remarque, avec ces quelques heures passées a sortir de l’apnée, une fois avalée (dévorée), les dernières notes qui disent adieu a l’aveu, toute la poésie que je viens d’engloutir, ces images associées qui ont donné la beauté juste a la douleur, ces phrases tournées , timides pour ce qu’elles ont a dire, plus dures encore que les poses yoga qui brulent les vertèbres, car ce récit de batailles internes d’enfant troublé, de femme perdue qui arrive a se trouver dans les mies de pain semées de Paris a Tucson, Palerme, bateau, cette tendre, rude, étude d’une, quête d’équilibre sur reliefs incertains qui se lit comme un dialogue entre images et voyeur, comme dans un ciné de peu de sièges, celui d’une mère plus mur que vitre, celui d’un père presque sans chair, celui d’un chat qui est solitude et foule, celui de Marianne, directrice, capable du bout d’elle de raccrocher l’âme a son corps, et le mien, tiens, votre, si vous osez un tant soit peu, entrer dans l’aveu.