Ayons une pensée pour un homme à l’écoute du premier album solo de Beth Gibbons : Geoff Barrow. Comment lui et le sculpteur sonore Adrian Utley vont-ils pouvoir distiller des ambiances aussi adaptées à la voix aussi terrifiante, glaçante que poignante de Beth. Comment vont-ils pouvoir faire monter Beth à des sommets plus haut ! A l’écoute de ce LP on repense à ce soir béni où numb passa pour la première fois à la radio (chez Lenoir). Et puis nous maudirons cet instant car nous déciderons de le répéter à l’infini jusqu’à en changer sa vie. A l’écoute de ce LP l’histoire se répète en pire. Sur tom the model, Beth qui a les sanglots dans la gorge, accompagne un orchestre funèbre sous assistance respiratoire, comme par magie 10 ans après. Et de là à se demander si Portishead été avant tout porté par la voix de Beth, il n’y a qu’un pas que je n’hésite pas à franchir. Sur une ligne de piano, show, basique en mode mineur, elle égale les plus grandes chanteuses black des années 30, étouffant de chaleur la glaçante Bjork et son décorum clinquant. Car même en plombant l’atmosphère, Beth réussie la prouesse de nous réchauffer, nous installant dans un confort malgré tout très instable. Il y en a des tonnes à dire sur ce disque, qui restera un de ceux de ce début de millénaire. Avec une structure peut innovante, Beth aligne des classiques (le très hollywoodien romance à l’accent de portishead) et laisse un chef-d’oeuvre s’installer définitivement pour les mois et les années à venir. Out of season, se dégustera sous ces saisons hostiles, narguant le soleil et la lumière tout en nous défendant. Attention chef-d’œuvre.