Je ne suis pas le dernier à blâmer la jeunesse et le rapport que celle-ci entretient maintenant avec la musique. Elle a tout sous les oreilles en un clic. Elle a accès à l’histoire complète de la musique, là où il nous fallait du temps, de l’argent et une dose de persévérance qui nous transformant en une espèce d’Indiana Jones de la musique, au look grunge. Pour elle, la musique est souvent gratuite, totalement dématérialisée et ne suscite qu’un intérêt très limité dans le temps, car cette jeunesse passe son temps à essayer d’être en avance là où nous pensions nous à juste être dans les temps. Celle ci ne goûtera jamais le plaisir de la sortie le jour J les oreilles vierges de la moindre chanson, la lecture du livret des collaborations, l’artwork et j’en passe.
Alors qu’espérer d’un jeune homme qui ferait de la musique. On l’imagine aisément rouler des mécaniques en singeant la dernière mode du pseudo-rap contemporain Us (la mode du lundi déjà has been le lendemain) ou avoir une guitare en bandoulière en se faisant passer pour le dernier chanteur de rue rattrapé par la chance divine, ou comme le nouveau porteur d’allégeance à cette génération de la chanson d’ici qui a ruiné tout ceux qui signèrent un viager avec eux.
Avec Feldup, il y a déjà un indice. « A Thousand Doors, Just One Key » sort chez Talitres Records, label que les fanatiques des 7 erreurs détestent, n’en trouvant même pas une en plus de 20 ans, frôlant même la perfection. Impossible donc d’être pris en défaut par le label Bordelais. 20 ans, Félix Dupuis ne les a pas. Il a tout juste 18 ans, et une discographie pouvant déjà remplir le catalogue d’un label en devenir, « A Thousand Doors, Just One Key » étant son dixième album, Felix ayant déjà pas mal expérimenté par le passé (récent son passé, bouleversant également). À 18 ans, il a certainement déjà écouté autant de musique que nous avons pu le faire à nos âges, mais contrairement à un grand nombre de ses contemporains, à l’image d’un paysan artisan dans l’âme, il a pris le temps de séparer le bon grain de l’ivraie. Jamais il ne s’écroulera sous le poids évident des nombreuses références, consolidant son édifice, échafaudant des murs porteurs solides avec une maîtrise dans la construction et dans l’utilisation des matériaux tout simplement étonnante à son âge. Habile sur une portée, Felix l’est aussi avec un carnet à spirale, écrivant avec une maturité presque inquiétante pour lui (mais que lui restera t’il à faire après une telle réussite ! ?). Alors que des musiciens sont encore au pas des portes, n’arrivant pas à rentrer pour refaire un intérieur, Feldup lui a non seulement trouvé la clé, mais semble prédestiné à se construire un village à lui seul, à moins qu’il soit déjà sur un autre projet que musical, qu’il ai quitté Paris où il étudie (quelqu’un qui écrit une chanson avec comme titre « Paris I Hate You » ne peut avoir que ma reconnaissance éternelle).
« A Thousand Doors, Just One Key » provoque à chaque écoute quelque chose qui est devenu irréel, nous replonger dans une époque bénie avec le plaisir aux yeux humides d’avoir trouvé un Graal, le berceau d’une musique sur lequel les fées se sont penchées. Une cure de jouvence, une leçon. Je tape des deux mains et je dis plus que Yeah. Étonnant.