Depuis qu’un chanteur français évitable a utilisé ce mot pour un de ses plus gros tubes, apesanteur est de facto bannie quand on parle de musique, de peur de phagocyter le cerveau de l’auditeur ou du lecteur avec ce mot et la pauvre mélodie qui en découle. Pourtant, en écoutant « Plastic Shores » de Jim Ballon, c’est irrémédiablement vers ce mot que je me suis tourné.
Pas seulement pour le vol, tout à fait explicable (maintenant on nous explique tout, c’est chouette le monde !) de chaises de jardin en plastique qui semblent poursuivent des membres du groupe, sur la pochette. Mais surtout pour cette musique, qui nous fait très rapidement décoller, ne nous faisant jamais redescendre, prenant un malin plaisir à utiliser comme route virtuelle celle des perturbations, nous secouant, sans nous interdire les moments de quiétude (As Far as Can Think).
Car « Plastic Shores » est un disque planant et joueur comme peuvent l’être ceux d’Animal Collective. Déjà, car le groupe sait à l’image de ce que pouvait faire le Velvet, étirer sans faire craquer le fil qui nous relie à lui. Ensuite, car comme les contemporains de Black Angels les membres du groupe savent jouer avec la pression, la diluant subtilement avec une force étonnante, ici coloré d’un psychédélisme rageur. Les titres s’enchaînent, s’offrant dés la première écoute, mais surtout comme après le premier saut en parachute avec les jambes en coton, nous n’avons qu’une envie, c’est remonter pour que le plaisir grandisse, nous habituant de plus en plus avec ce voyage tout autant physique que sensoriel.
Alors fermez les yeux, appuyer sur play écoutez « Airline » pour un décollage en douceur, planez comme jamais avec « Evol » en vous habituant aux soubresauts, tournoyez sur vous-même comme dans le ventre de votre mère (Psalm 4) apaisé par des harmonies vocales, ou décrochez la ceinture que vous comptiez utiliser pour vous protéger afin de mieux apprécier (Speed Cobra). « Plastic Shores » est une montée bien réelle, combinant la flamboyance avec la contemplation, nous projetant entre bois et électricité à une altitude telle, qu’il sera difficile de redescendre sans trouver la vie au sol bien fade. En apesanteur.