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L’influence d’un artiste se mesure (entre autres) au nombre de ses clones. En 1994, après la sortie de “Welcome to the Cruel World”, il était impossible, en soirée, d’échapper aux émules de Ben Harper qui, guitare folk à la main, accaparaient l’assistance pour se lancer dans une relecture époumonée de “Like a King” ; seule l’ivresse avancée permettra de supporter une telle punition.

L’on ne saurait imputer au multi-instrumentiste américain, qui réside désormais en France, terre de ses premiers succès, une quelconque responsabilité dans la genèse des inénarrables rastas blancs et autres explorateurs de l’altérité, par ailleurs aujourd’hui objets de la polémique stérile sur l’appropriation culturelle – concept bancal puisque supposant de l’étanchéité entre les peuples, quand bien même la culture, en mouvement perpétuel, se construit justement sur les mélanges -, mais je dois reconnaître qu’à cause de ces avachis thuriféraires de province, j’avais pris en grippe l’auteur de “Bloodline Maintenance”. Aussi soupirais-je grandement à l’idée de chroniquer ce (déjà !) dix-septième album, enregistré avec son groupe fétiche, The Innocent Criminals. Je vous rassure, j’ai survécu.

Avec sincérité et respect, Ben Harper fusionne à merveille les genres, nous offrant un voyage complet dans l’imaginaire collectif musical des States ; l’héritage et la transmission sont au cœur de “Bloodline Maintenance”, aussi bien sur le fond – les thématiques abordées sont graves et reflètent des préoccupations que l’actualité nourrit de faits divers sanglants – que sur la forme – le brassage des styles transforme l’écoute de cet album en un passionnant jeu de pistes, comme en témoigne “Problem Child” et son improbable concrétion de blues, de jazz et de fanfare cajun, saupoudrée de scratchs et de solos de guitare lap steel, la marque de fabrique du natif de Pomona.

Cela étant, une fois passé le charme introductif de“Below Sea Level”, joli gospel avec harmonies à la tierce, les titres de “Blood Maintenance” ne constituent qu’un catalogue de bonnes intentions (et citations) – Percy Sledge versus Bob Marley sur “More Than Love”, Marvin Gaye sur “Honey, Honey” et Jerry Lee Lewis sur le train blues-rock un peu fou de “Knew the Day Was Comin’” –, la faute à des compositions peu mémorables et des fins de morceaux flottantes, qui laissent un léger goût d’inachevé. Pas bien grave, Ben Harper reste un excellent musicien et un guide aux inclinations sûres, que l’on peut suivre les yeux fermés sur les routes tortueuses d’un rêve américain en tous points fracassé.




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