Quatorze années de silence, le temps de vivre l’âge adulte, cette période exaltante et douloureuse durant laquelle ce que parfois l’on bâtit nous file entre les doigts, et alors les doigts se rappellent les années de lycée, le groupe de rock que l’on a monté à Villeneuve-d’Asq, les concerts, le EP enregistré en 2005 puis, en guise d’apothéose, le si précieux premier album - New Tricks For Old Dog (2009), à l’époque évoqué en ces pages : « Un vrai feu d’artifice qui pourrait voir se rencontrer dans une même pièce Tortoise, Shellac, Radiohead, Aphex Twin, avec au chant un moustique mutant. » – mixé à Chicago dans le studio de l’illustre John McEntire, avant de plonger dans un réel aphone, malgré une courte reformation en 2015. Les Lillois de DLGZ reviennent de loin et avec conviction remettent une pièce dans la machine sonique : après une courte introduction synthétique à l’étrangeté timburtonesque (Quasicrystal), le quintet se lance dans une orgie noise, post-punk et math-rock, Bunker Up en tête, garage, minimal dance et psychédélique, porté par un chant trafiqué à la mélodie solaire, mais solaire d’un soleil noir, au bord de l’explosion. Si le groupe excelle dans les arrangements aventureux (le lit de cymbales, le trombone et les harmonies chorales sixties déglinguées de All Those Witches), il ressort de l’ensemble une mélancolie poisseuse, qui vous saisit à la gorge : Setbacks & Reversals est beau en diable et bordélise tout sur son passage, à l’instar d’un Terence Stamp dans le Teorema de Pier Paolo Pasolini, et ce ne sont pas les dix minutes épiques de Words Come Out All Wrong qui me contrediront. Oui, chez DLGZ, il y va des structures comme des formats, on joue avec la mesure comme un cerveau qui rêve de travers, on joue avec les perspectives, les strates et les contrastes, à l’image du visuel élaboré par Stefan Hayes, on joue avec la mémoire (Carnival Masks & Ego évoque le Freaks de Tod Browning), on joue mais on joue dans la cour des grands. Quatorze années de silence effacées en dix titres passionnants : il suffira de jeter une oreille à First We’ll Drink To Good Times pour s’en convaincre, ce come-back n’est pas vain. Ludique, de par son appétence pour le pas de côté, et néanmoins concentré sur son sujet (les compositions, même étirées, sont toujours – à l’instar de la production, précise mais laissant libre courte à l’inventivité des instrumentistes – maîtrisées), DLGZ nous gratifie d’un retour en beauté : welcome, guys !