Quatrième album, mais premier dans l’approche son auteur, Chrysalide est une métamorphose éclatante de Louis Arlette. Disque des rues pavées, des places bétonnées offertes aux grands vents, Chrysalide est surtout la démonstration que la langue française est une commode à la taille des dieux de la mythologie, tant les tiroirs sont nombreux, offrant à celui qui en a les clés, le droit de se servir ou de se déplacer dans chacun d’entre eux. À l’instar de Bashung ou de Gainsbourg, Louis Arlette, dépeint les vicissitudes quotidiennes de la mode obligée, des obligations contractuelles de la vie en société, faisant de la métaphore le dernier bouclier pour se défendre contre la folie mentale à usage unique, celle d’avant la mort totale. Ici, la poésie n’est pas un vain mot, ni une posture, elle est comme l’air, nécessaire à la vie et à la respiration de son auteur. Sur des lignes musicales qui pourraient aller de Massive Attack circa Mezzanine (Lapis Lazuli) à Mathieu Boogaerts dans la façon de ne chalouper que pour mieux faire pulser et remonter les idées et les images, Louis Arlette est un commentateur brillant et grinçant, un Loïc Prigent de la comédie humaine, fragilisée par ses contradictions et ses contractions du temps pour ne pas se servir du solde. Presque trop foisonnant (Magnifique porte à merveille son nom, Dis Donc Enée un exercice au style épatant) le disque regorge de chausse-trape, de porte dérobée, véritable labyrinthe qui arrive à ne pas voir nos poils se hérisser face à des jeux de mots (Croque Odile) les emballants avec un tissu patchwork du plus bel effet.
Papillon qui ne nuit pas, ce Chysalide est un combat avec la prose, à fleuret moucheté, avec grâce et classe, touchant avec la pointe les bobards pour les poinçonner. Le premier disque à la profondeur gargantuesque.