Enfant, j’avais bien plus pitié du chien assoupi auprès du clochard que du clochard lui-même, qui me paraissait à côté de ses pompes, s’il en avait. Plus tard, quand dans la rue j’ai fait la manche, sans chien assoupi à mes pieds, la main tendue et l’espérance au point mort, j’ai mesuré la difficulté qu’il y avait à émouvoir le passant pressé, happé par sa vie anesthésiée. Jusqu’à ce que, à mon tour, je devienne un si laid et insensible promeneur. En ce sens, l’histoire de la chienne Laïka, décédée à cause de la chaleur et de la déshydratation lors du lancement de Spoutnik 2, décidé sur un coup de tête (et de communication) par Nikita Khrouchtchev en personne, me touchait tout autant que l’agonie de Omayra Sanchez, la famine en Somalie ou les bébés phoques de Brigitte Bardot. Enfant, on a le cœur sensible, on ne hiérarchise pas. En dix-sept compositions, Vania De Bie-Vernet et Diego Gil racontent l’histoire d’un animal trouvé dans les rues de Moscou, qui entrera dans la légende de l’aventure spatiale pour avoir été le premier être vivant mis en orbite autour de la terre, quand bien même pour le canidé l’aventure s’avéra funeste. 1957 : no croquettes no roquettes, hormis les missiles électroniques élaborés par Vania, architecte sonore d’une narration composite, à la fois ambient et groovy, sur laquelle Diego pose un spoken word avisé. Au delà de la funeste destinée de la chienne Laïka, il s’agira d’évoquer le modernisme fallacieux d’une civilisation passéiste piégée dans son rêve de modernité et les ambitions moroses d’une idéologie mortifère, qui consiste à technologiquement batailler avec des adversaires tout autant arriérés. Électronique fiévreuse, alambiquée, martiale, toujours aventureuse, rétrofuturiste : Le Laboratoire Des Vents Solaires porte bien son nom, tant il exhume et exhorte et nous rappelle que nous sommes les Laïkas de psychopathes bien nés. A charge pour nous de montrer les crocs.