Difficile de passer à côté de l’acteur Caleb Landry Jones, dont le talent protéiforme – doublé d’un bien singulier magnétisme – lui permet non seulement d’incarner un X-Men mais également de jouer pour Jim Jarmusch, Sean Baker, Jordan Peele et… Luc Besson, se voyant au passage récompensé à Cannes du prix d’interprétation masculine pour le glaçant Nitram, réalisé par Justin Kurzel. Moins connu est le musicien, même si une apparition dans la série Friday Night Lights, en tant que batteur du combo de speed metal fictif Crucifictorious, laissait supposer une certaine appétence pour les décibels. Et puis, dans son lycée Texan, Caleb n’avait-il pas fondé – avec son ami bassiste Robert Hudson, que l’on retrouve aujourd’hui sur Hey Gary, Hey Dawn – un groupe de folk rock expérimental nommé David Jones ? (je sais, vous avez la référence). Évidemment, le triptyque belle gueule + filmographie oscillant entre indé et grand public + multi-instrumentiste cryptique vous rappellera l’agaçant Vincent Gallo, et ce ne sont pas les deux volumes de Gadzooks, faisant suite à un premier album (The Mother Stone) paru il y a quatre ans, qui vous rassureront, tant tout y était (volontairement) déglingué. Produit par Nic Jodoin (The Lords Of Altamont, Black Rebel Motorcycle Club, The Morlocks – soit une certaine idée du rock), Hey Gary, Hey Dawn serait pensé pour la scène, Caleb Landry Jones s’avérant novice en la matière et soucieux de brûler les planches du monde entier : le baptême du feu eut lieu en mars dernier, lors du festival SXSW. Le moins que l’on puisse dire au sujet des treize compositions de Hey Gary, Hey Dawn, c’est qu’elles sont kaléidoscopiques au possible, tant par les influences (David Bowie, The Beatles, Meat Loaf) que les registres visités (rock psychédélique 70s, cabaret lounge, grunge) et les structures éclatées (chaque chanson est un mille-feuilles ponctué de syncopes, de ruptures, de pas de côté), par ailleurs portées par un chant rappelant celui de Luke Haines, (malheureusement) jamais avare de théâtralité, un grognement par-ci, du fausset par là, on se demande à force si l’on n’a pas affaire à une parodie de comédie musicale, ou au caprice d’un musicien que rien ni personne ne freine, débordant de créativité au point de s’y noyer et de perdre en route l’auditeur désarçonné. Fourmiller d’idées est une chose, les canaliser en est une autre. Chers Gary et Dawn, je vous salue de loin, je passe mon chemin.