Par la fenêtre en face de moi impossible de voir à plus de dix mètres. Après des journées sous un soleil anormalement chaud et présent, une pluie alternativement fine ou forte donne aux montagnes qui m’entourent le droit de montrer leurs poumons, inondant le paysage d’un brouillard qui rend ces lieux pourtant connus, mystérieux, voire inquiétant (cf Jasmine seule morceau en français). Je couche ces mots comme dans un rêve, celui de la rencontre final avec un disque qui pourtant tournait déjà en boucle, mais souffrait de la chaleur ambiante et d’une lumière qui ne pouvait pas s’acclimater de la chaleur ou du plissage des yeux, mais plutôt d’une cheminée vacillante avec comme compagnon un gros pull ami. Wysteria a certainement puisé son inspiration dans les forêts que j’arpente dans ces Vosges qui sont devenues au fil des années comme ma région d’adoption, y trouvant ce que j’aime, une forme de rudesse, une solitude chérie, l’impression d’être loin de tout, enfin loin de tout. Cyann (Wysteria) est originaire de Nancy, où elle débute la musique par le violon dès l’âge de sept ans au conservatoire de Nancy. Elle apprend ensuite par elle-même, le piano et la guitare acoustique, deux instruments qui sont aujourd’hui au cœur de son processus créatif. C’est fort de cette formation théorique et empirique qu’elle composera ses chansons, lorgnant vers ses inspiratrices que sont Joanna Newsom, Pomme ou encore Vashti Bunyan. Ce qui fait la force de ces chansons, ce sont déjà des mélodies intemporelles, des folks songs que l’on pourra se partager même dans cent ans quand quelqu’un retrouvera les incunables du label Ici d’Ailleurs. Ensuite, ce sont les arrangements qui sont comme des pactes secrets signés entre les forêts couvrant la Lorraine jusqu’aux Hautes Vosges, dans les interstices creusées à même la montagne, se plongeant dans celles-ci quand la pluie lui donne l’occasion de la montrer gonfler ses poumons. Il est alors évident que l’atmosphère n’est pas faite pour endormir les enfants le soir, comme la rencontre avec les fantômes qui accompagnent Wysteria sur Remember, morceau à vous dresser les poils comme un sapin fougueux voulant dépasser son voisin. Le titre de l’album ne nous aiguillait pas vers un univers joyeux, le lycoris est la « fleur des morts » ou « fleur de l’au-delà » au Japon, et son utilisation n’est pas signe d’espérance, mais plutôt de la fin de quelque chose, la vie. Les sujets sont l’amour et les doutes (Will You), le rapport à l’autre et à l’existant ( Alone with people), les erreurs et difficultés de jeunesse ( A mess like this, Jasmine), et l’ambiance est une mélancolie prenante se travestissant parfois dans une forme de morgue, jamais théâtralisée, car ce qui fait la force de ces morceaux, c’est la rigueur quasi-pastorale de leur construction. Au milieu de ce champ de ruines de nos espérances poussent des mélopées presque enjouées comme You’re Lying, qui nous donne de l’espoir et des envies d’en entendre toujours plus, de faire la rencontre de ces légendes qui se cachent derrière chaque roche des chemins brumeux à arpenter. Le disque de mon été.