L’ album de Julien Appalache sort dans une semaine. Pour faire court (sinon, ré-écoutez l’interview), et pour l’avoir rencontré il y a un an lors d’un « Jeudi du Port » brestois mémorable, Julien Appalache brille d’une aura (sans le côté new-age) arc-en-ciel (sans le côté gay) ultra-lumineuse et chaleureuse. On a envie de le regarder, de l’écouter et d’entendre son rire pendant trois semaines. C’est un peu comme la cigarette mais faite musicien et sans danger (et qu’on n’écrase pas, ÉVIDEMMENT, c’était une IMAGE). En fait l’album de Julien Appalache est attachant. Attachant et optimiste.
Il y a les chansons, les albums. Julien aura conservé dix titres pour Désolé pour la Gêne Occasionnée. « Je ne suis pas Jesus-Christ » « moi je préfère faire des tartes plutôt que d’en donner… » À qui ? « à mes enfants évidemment ». Ça commence fort. « Et toi, tu ressembles à qui ? À toi à moi, ou bien à luiiiiiiii ? ».
Coller à des étiquettes ? Rentrer dans un moule ? Avoir des sosies ? Non merci. Julien Appalache en sait quelque chose de ça, des étiquettes. Société étiquetée, normée, labellisée + nutriscorisée = détresse absolue. Personne ne ressemble à personne. Et cet album ne commence comme aucun autre. Pour connaître sa passion pour un certain live d’un certain groupe qui trippe sur les flamants roses, on y entend - entre autres - des accords posés au Rhodes. Sa guitare, rarement psychédélique, a un petit quelque chose de ce groupe britannique mais le chant est tellement différent de celui de David Gilmour ouuuuups j’ai écrit le nom ! Un peu de Moog, du Mellotron (on adOOOOre le Mellotron, merci merci), des decrescendos (« La Pluie ») qui tombent comme des gouttes de pluie. Mais ça sèche toujours après, la pluie. Et c’est là que l’arc-en-ciel débarque, tous les gosses savent ça, ils le guettent. Courber l’échine, rabattre la capuche du ciré le temps que ça passe et que l’arc-en-ciel arrive. C’est ça le secret.
« Là où je vis, des premiers rayons du soleil au crépuscule vermeil, j’attends avec impatience le réveil »… « Extraordinaire » deuxième titre de Désolé pour la Gêne Occasionnée. Se contenter de ce que la nature, de ce que la vie dépose au seuil de notre porte, c’est néanmoins faire preuve de cette exigence musicale, tout en vivant dans l’amour absolu, inconditionnel de ses proches et de cette terre qui est comme « notre mère » pour Julien Appalache le bien-(sur)nommé.
Oui, chez ADA on aime ce genre de deal : « je me sens capable de dire non à partir d’aujourd’hui » (…) « sang (sic) colère et sans haine dans mes veines ». Ouais, décidément il nous faudrait un peu plus de Julien Appalache en intraveineuse. Disons que ça réchauffe le coeur, ça le rebooste tiens…
Lorsqu’un patient victime d’un infarctus arrive à l’hôpital, l’urgence est de désobstruer l’artère coronaire (vous le saviez). Il y a une manière médicamenteuse : on administre un traitement anti-coagulant (anti-agrégeant). Dans un certain nombre de cas, on fait une coronarographie pour faire une désobstruction mécanique de l’artère coronaire (angioplastie). Nous on écoutera Désolé pour la gêne occasionnée.
Une pensée pour le personnage qu’incarnait Harvey Keitel (pourquoi ? Je vais pas vous le dire, tiens, ça vous apprendra à être si pressés) dans Lulu On the Bridge. Il est saxophoniste dans un club de jazz (the basic routine in the city of New York City) en gros… Ben il a bien fait de « s’enivrer du présent ». Fin du teaser. Regardez-le, ADA le veut.
« U Essayes (Invisible Odyssey) » débarque justement pour conquérir le marché américain… Oui, Julien A. assume ses « rêves de hippie ». Il n’est pas le seul, il le sait bien. « Danse, danse, danse » nous donne envie de continuer à vivre bien entouré(e)s : batterie, accords de guitare nickel / maîtrisés, chœurs doux sur nappes de synthés… Tous les ingrédients d’une variété chic. Un nouveau genre, sans genre d’ailleurs, ni étiquette. Zéro entre-soi. Générosité colorée et authentique. Nutriscore arc-en-ciel.
On n’oubliera pas de recommander l’écoute du « French Quarter Faggot » de Quintron pour tendre un miroir américain à « La Lose » et à « U Essayes (Invisible Odyssey) » « Toi tu t’habilles comme un va-nu-pieds alors que t’as trente ans passés » ! Le voilà peut-être le fuck de Julien : il le tend en chansons - encore plus cool qu’avec le majeur. L’ art nous sauve, décidément. « Tu n’as rien à perdre » non, et nous non plus. Bien au contraire, c’est tout bénéf. Les tourneurs appellent ça du win-win (les opticiens aussi, je sais).
Julien Appalache, avec un nom pareil tu ne peux que nous rendre encore plus mystiques que nous ne souhaitions le devenir. Au sommet des montagnes nous dansons autour d’un feu géant, nous nous donnons la main, nous sommes cinq cents. Marion Collé, poète, qui dit « aime encore, aime plus fort, traverse les murs opaques, perce le tympan du temps, l’ amour est une lave en révolte contre la mort et le néant » l’écrit mieux que nous. Gênons, gênons, et surtout vivons.
Le morceau on le savoure comme une bonne tarte aux blettes. Le suivant c’est « Mes Amis », intro mélancolique plutôt bossa (le Rhodes encore ?) on remue le popotin et on danse direct. L’ amitié qui frétille… Ils viennent d’où nos amis ? « C’est la vie qui nous choisit », les chœurs sont choux, les accords nostalgiques juste ce qu’il faut, parce que les amis on ne vit pas avec, hélas. Mais ils sont toujours là quelque part, dans un endroit qui s’appelle le coeur.
La chanson (ce solo de guitare réverbérée et limite héroïque évoque un décollage de Concorde) pose les derniers jalons de l’album, on arrive presque à son terme, c’est dur, c’est dur, « on se retrouvera au Paradis ». Et toi Julien, et ton groupe, on vous retrouvera sur scène et là ça va être *emoji* fiesta-pinãta-qui-explose-de-plein-de-serpentins-arc-en-ciel. Ne soyons pas désolés, de la gêne y en a zéro. C’est peut-être même ça qu’on appelle la liberté. Pour info sa mise en place s’est échelonnée sur près de 150 millions d’années, à la chaîne des Appalaches. Le moule est cassé, évidemment. D’ailleurs y en avait pas.