Le nouvel album de Mercury Rev est pour le moins déconcertant, à l’image d’une carrière tout sauf linéaire. En effet, charmé par la déglingue assumée des premiers opus du groupe formé à Buffalo – les abracadabrantesques Yerself Is Steam (1991) et Boces (1993) –, il avait fallu au milieu des 90s, suite au départ du chanteur David Baker, s’acclimater à un drastique changement de registre, au-revoir les grimaces, les excès, la folie, bonjour (ou plutôt bonne nuit) les compositions crépusculaires, magnifiées par la voix aiguë parfois tremblante de Jonathan Donahue, et ce fut – avec le mirifique Deserter’s Songs (1998) puis All Is Dream (2001) – le succès critique. L’acmé, puis le déclin, Mercury Rev s’aventurant dans un psychédélisme peu aventureux, au point de lasser son public, quand par ailleurs les 2000s furent foisonnantes en disques géniaux. Il y avait mieux à écouter, pas grave, c’est la vie. Et donc, quand Born Horses se pointe à l’horizon, malgré un recueil de reprises de la chanteuse folk Bobbie Gentry publié en 2019, c’est comme si les compteurs étaient remis à zéro : l’on n’en attend pas grand-chose, ce qui paradoxalement est salutaire et permet de ne pas sauter au plafond, alors qu’une fois encore Jonathan Donahue et ses comparses, sans malice, rebattent les cartes – elle est passée où, la voix de fausset sensible ? Sur les huit titres vaporeux de Born Horses, d’un ton grave Jonathan murmure, parfois parle, rarement chante, il rêve et se rêve en mots doucereux, pesés et poétiques, posés sur des instrumentaux étranges, entre muzak jazzy lounge atmosphérique, ballades réverbérées sirupeuses, embardées ambient post-rock (Everything I Thought I Had Lost) et lyrisme synthétique 80s (There’s Always Been A Bird In Me – de loin le meilleur morceau), le tout avec une quiétude désarmante qui intrigue, franchement intrigue, m’intrigue à tel point que je suis tout bonnement incapable de me décider, même si ma (trop caustique) pente naturelle m’incite à penser qu’il s’agit d’une purge musicale sans nom : vous vous ferez votre propre avis.