Ah, l’an 2000 ! Quand j’étais jeune, ça faisait rêver : les voitures volantes, les fringues en aluminium, les glaces qui ne fondent jamais, la disparition des religions (du consumérisme comme spiritualité nouvelle), le partage des richesses, les enfants du monde entier qui se tiennent par la main, bah sorry les cœurs tendres, c’était du bull-shit, tout n’a fait qu’empirer. On suppose donc, au vu du cocasse intitulé de son second album, que la fougueuse québecoise Virginie B va en rajouter une couche, et ce avec la manière. En effet, à l’image d’une contemporanéité universelle où – via Internet et les réseaux sociaux – les registres culturels se mêlent, s’emmêlent et s’ensemencent, Astral 2000 convoque tant et tant d’influences que le concept d’hyperpop, qui jusqu’à ce jour m’apparaissait intellectuellement frelaté, la pop étant déjà – par essence – le très / trop large dénominateur commun d’une modernité avant tout plastique (à y réfléchir, la musique baroque était intrinsèquement pop), paraît pertinent. Et donc, Virginie B fonce tête baissée dans un registre nouvellement nommé (pour ceux qui me lisent en dormant : l’hyperpop), qui recouvre une infinité de sous-registres, soit un spectre sonore très large et particulièrement ébouriffant. Au fil des douze compositions d’Astral 2000, l’on perçoit tout autant l’influence de Grimes que des fourmillantes bandes-son d’anime, réputées pour leurs absences d’œillères (clin d’œil au génial JoJo’s Bizarre Adventure). Il faut dire que l’on est emporté dans un irrésistible tourbillon de sensations et de climats desquels il est difficile d’émerger, tant tout attire l’attention et surprend et suspend notre incrédulité face à tant inventivité décomplexée : j’aime beaucoup Angèle et Christine and the Queens, mais en matière de décontraction solaire, Virginie B se pose, tant elle sait faire le grand écart entre sonorités mainstream cheap et citations underground malicieuses. Pêle-mêle, j’entends le pire de la french touch (tautologie), du RnB 00s, de la musique de jeu vidéo, le générique de Gym Tonic, l’éphémère Koxie, le funk plastoc du Prince version Courrier International, Kazu de Blonde Redhead et Björk light (9ft tall insect angel steps on you – quel intitulé inspiré, qui souhaiterait se voir suivre par un insecte haut de presque trois mètres ?). Je sais, mises bout à bout, de telles références pourraient effrayer l’auditeur lambda, mais étrangement, ça fonctionne à merveille, tant l’énergie et la conviction sont au rendez-vous. L’hyperpop, c’est l’apologie du bazar, et le bazar, dans un monde de cases et d’étiquettes et de cloisonnements érigés au nom d’un hypocrite respect de l’autre (la fameuse appropriation culturelle, levier réactionnaire au possible), ça fait un bien fou. Virginie B est une voix suave et ample (elle chante divinement bien) et cette voix est l’expression d’une artiste libre, unique et passionnante.