Tirant son nom d’un roman de Jules Verne (L’Île à Hélice, 1895) et remarqué en ces pages lors de la sortie en 2019 de leur premier album éponyme (« une fraîcheur bienfaitrice, l’apanage de l’insularité ; comme une histoire d’amour qui commence »), le trio Hélice Island nous revient avec Le Désordre, troisième opus tout sauf confus et qui contredira son intitulé, tant Aurore Bastin, Sophie Katakov et Benoît Malevergne, issus de la scène noise punk parisienne (Tabatha Crash, Sons of Frida, (the) Kandinsky Komplex), maîtrisent l’épure. S’ouvrant sur un lointain cousin du Nude As The News de Cat Power, soit l’hypnotique Step – longue introduction, chant mixte, batterie minimaliste, guitare électrique alternant arpèges et accords joués sur deux cordes, violoncelle en apnée, solo de cornet à piston ; tension qui jamais n’éclate –, Le Désordre lorgne du côté du rock lo-fi 90s, à l’instar du semi-instrumental The Darkness, dont les grilles harmoniques et les ornementations dépouillées évoquent tout autant Smog qu’un Sonic Youth acoustique. En huit titres (soit moins de trente minutes), épaulé par Arnaud Delannoy (trombone, contrebasse) et fort de son penchant pour le sadcore et le post-rock, Hélice Island transcende une formule supposée minimaliste (un violoncelle, une guitare, une batterie + tout le monde chante) pour en tirer des effets du meilleur acabit : de l’espiègle ritournelle Elon (dialogue clin d’œil à notre milliardaire préféré) au théâtral What A Night (il y a du Tom Waits dans l’air, ou plutôt dans le whisky), en passant par la pop mélancolique et catchy de Take A Left (rappelant Baxter Dury époque Happy Soup) ou la menaçante mélopée About A Boat (un petit côté Peter Kernel), le trio excelle dans la construction de poupées russes musicales. Lecteurs parisiens, à vérifier sur place le jeudi 13 février prochain, puisqu’Hélice Island se produira au Cirque Électrique. Immanquable.