> Critiques > Labellisés



L’impression d’être tombé dans une faille spatio-temporelle. La dernière fois que j’ai entendu parler de La Lucha Libre, le groupe se présentait ainsi : « El Flaco, le maigre, El Gordo, le gros et El Loco, le fou, ex-catcheurs mexicains contraints de quitter précipitamment Guadalajara suite à de sombres affaires qu’il est sage de ne pas évoquer ici. Ils traversèrent l’Atlantique en barque ou en pédalo selon qui raconte la légende, et perdirent tout accent latino en débarquant à Brest. ». Le trio finistérien œuvrait alors dans un registre électro-punk de bon aloi, sortait des chansons sur disquette (!!!) et ouvrait pour Didier Super, Asian Dub Fondation ou Soviet Suprem. Avec la publication en 2020 de l’album Mokusatsu, bas les masques (de catcheurs) et les tenues bariolées, le groupe revendique désormais des influences britanniques (de David Bowie à Suede) tout autant qu’indie US (Queens of the Stone Age, Pixies et Weezer). Rejoints par le guitariste Laurent Balay, David Penberthy (chant), Jean-Sébastien Serreau (guitare, basse), Pierre-Yves Boussard (batterie) ont passé ces dernières années à peaufiner leur nouvel opus, Songs from Bedlam, dont l’intitulé évoque le Bethlem Royal Hospital, établissement fondé en 1247, funestement connu pour les mauvais traitements psychiatriques infligés à ses patients et qui vaudra à Voltaire les mots suivants : « Ce monde est un grand Bedlam, où des fous enchaînent d’autres fous ». Si les membres de La Lucha Libre, supporters hardcore du Stade Brestois 29 (remember Saint Bruno Grougi) et fans de football tout court (outre le contre-hymne de l’Euro 2016, ils ont composé une chanson dédiée au défenseur international Jean-Pierre Adams, décédé en 2021 après quarante ans passés dans le coma) n’en oublient pas de glisser une song honorant leur club de losers préféré (From The Seas To The Stars), Songs from Bedlam aborde des registres et des thématiques moins espiègles, même si tout n’est pas mélancolique, à l’instar de l’inaugurale Coming So Fast, pop song catchy aux guitares tournoyantes, portée par une basse linéaire et une batterie métronomique, et dont la mélodie à la fois répétitive et addictive rappelle le meilleur de Phoenix. Entre ballades millimétrées (l’éthérée Hold On, quasi shoegaze ; l’émouvante So Still nimbée de piano ; Solastalgia, violons et post-rock), mid-tempo paradoxalement ébouriffants (le tubesque Shout It Out rappelle Arcade Fire et U2 ; Pangolins) et mutations aventureuses (Banger For Boomer = glam + heavy ; Flesh on Flesh = punk + garage + western +surf), le quatuor maîtrise son sujet, nous livrant un opus particulièrement abouti, sensible et élégant.




 autres albums


aucune chronique du même artiste.

 interviews


 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.