Comment évoquer la cigale – qui donne son nom au nouvel album de Mange Ferraille – sans tomber dans les poncifs animaliers et autres fables de La Fontaine ? Enregistré à Edern, riante bourgade du Finistère, Cicaca Plebeia m’aura donné du fil à retordre, tant sur la forme (drone oblige, on est plus souvent proche du bourdon que de la cigale, à l’instar de la complainte bruitiste Granges Fraîches // Ballata Crudele) que sur le fond (le punk noise ternaire Parla Con Me, baigné de saturations et porté par une rythmique chamanique, est-il un hommage black metal à Eros Ramazzotti ?). Formé en 2014, le trio tourangeau a la particularité de s’affranchir des registres qu’il explore, en témoignent les instruments utilisés durant la conception des quatre plages semi-instrumentales de Cicala Plebeia : une batterie, deux six-cordes (dont une guitare baryton, faisant office de basse), mais également deux orgues, ce qui permet à Anthony Fleury (ex Fordamage), Thibault Florent (So-lo-lo) et Étienne Ziemniak (Electric Vocuhila) de se livrer à une orgie de sonorités brutes, vrillantes et saturées, sur lesquelles parfois Anthony pose (en italien) sa voix : ainsi, Cicale Illuminate // Bocca E Occhi s’ouvre sur une lente et longue ondée d’orgues et de mélopées hypnotiques, avant de s’engager dans un tunnel rythmique à la lisière de l’indus (motifs répétitifs, beat frontal, basse linéaire) – oppressant, oui, exigeant, certes, mais avant tout ébouriffant. Sur un morceau tel que Marécages Mouvants (percussions rappelant les cigales, lente montée de tension), la production organique permet de saisir au mieux l’intention du groupe et sa physicalité, la chair et le métal faisant corps pour donner vie à rien de moins qu’un opus bouillonnant de spontanéité.