16 avril 2025 / Grosse claque que le magistral sixième (double) album de Deafheaven, à qui probablement les puristes reprocheront d’indierockifier le black metal, tant les Californiens – une heure et douze titres durant – l’enrichissent à coups de shoegaze, de post-rock et de post-punk, tout en conservant une puissance de feu mélancolique digne de Sunbather (2013), l’inégalable sommet critique de leur discographie : retour aux fondamentaux, donc, après le déroutant – mélodieux, aérien, pop (???) : plus proche de Slowdive que de Burzum – Infinite Granite (2021). Le quintette mené par le chanteur screamer George Clarke et le guitariste Kerry McCoy a depuis rejoint les rangs de l’écurie Roadrunner Records (division de Warner), ce qui veut dire des moyens en adéquation avec une ambition sans œillères, franchement, ça s’entend : sur le copieux Lonely People with Power, la production signée Justin Meldal-Johnsen (M83, Metric, Wolf Alice), tout en célébrant l’essence stylistique – infusée de spleen – du black metal (tempo azimuté, mur de distorsions, entrelacs de solos déchirants, suites d’accords mineurs – le feu sous la noirceur), met en relief le goût prononcé de Deafheaven pour les méandres, l’expérimentation et les pas de côté, à l’image de la trilogie Incidental, qui accueille Jae Matthews (Boy Harsher) et Paul Banks, d’un Magnolia teinté de hard rock, ou du tsunami planant Winona et sa chorale mixte. De l’intense crève-cœur Doberman, qui pourrait servir de mètre étalon au blackgaze, à l’émouvante cavalcade post-rock The Garden Route, en passant par l’apocalyptique ballade ternaire Amethyst, la noise kraut de Body Behavior ou le post-punk étonnamment catchy Heathen, les compositions (épiques, alambiquées, nuancées) de ce nouvel opus n’en gardent pas moins une accessibilité et une immédiateté à même d’élargir le public de Deafheaven – c’est sans nul doute l’aspiration de Lonely People with Power, acmé musical tout autant que remède contre le printemps.