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Trop tard pour freiner, le constat est implacable, nous avons été trop loin. Plus d’outils à proximité, pas le choix de creuser à même les ongles, pour essayer de faire pousser quelque chose qui nous redonnerait un début d’espoir en l’avenir, en l’amour, en la vie. Trop tard pour freiner, le constat est implacable, nous avons été trop loin, tellement loin que nous vivons l’un à côté de l’autre, sans pouvoir, ou vouloir prendre la tangente, pour couper nos chemins afin d’entamer l’échange, qui lui aussi pour nous donnerait de l’espoir en l’avenir, en l’amour en la vie. Trop tard pour freiner, le constat est implacable, nous avons été trop loin tellement loin que nous ne vivons plus que pour nous, l’unique repère vers lequel toute notre énergie est orientée, notre nombril.

Et je pourrais continuer, vous assommer avec une suite de phrases qui feront jouir mon clavier de se voir autant malmener, mais il manquera quelque chose, ce Graal vers lequel je ne cours pas, le seul étant celui de la véracité de ma complète inutilité. Non ce Graal de la poésie, de la transfiguration de nos quotidiens minables et aux aspirations ridicules face à l’immensité possible de l’existence. CHASSEUR lui, il l’a depuis longtemps fait sien ce jouissant de son invisibilité face au commun des mortels. Il a depuis longtemps dépassé l’aurore dans laquelle nous nous pourfendons, tout à la fois par complaisance, mais surtout par fainéantise. CHASSEUR connaît les cycles solaires, capte la lumière, sans lui faire totalement confiance, mais en l’amadouant pour éclairer les questions qu’il se pose. Nos vies en parallèle n’est pas un grand disque, non, il est simplement, justement, indispensable. Il nous replace, enfin pour ceux qui savent qu’un jour un poème a changé leur vie, vers une direction qui pourrait nous sauver du terrible exode que nous nous imposons vers le néant. De son électro pointilleuse sans être pointue, captivante sans nous emprisonner, Gaël Desbois s’impose définitivement dans le grand livre des auteurs-compositeurs d’ici, écrasant tout par sa douceur qui n’est en fait que l’antidote obligatoire, le venin pour mieux soigner cette épidémie qui nous rend aussi servile que docile, collaborateur que nous sommes de nos geôliers.

Comme dans un livre imaginaire que Will Self aurait utilisé pour une dystopie hilarante, CHASSEUR lui capte l’air du temps pour des douceurs acerbes, se cachant sous un filtre sonore pour nous dire combien nous ratons nos vies, mais toujours avec l’espoir de la croiser à nouveau. Chasseur de mots, chasseur d’espoir, chasseur de baume, Gaël Desbois réclame notre lucidité par la poésie, ne donnant aucune leçon, sauf à la chanson d’ici qui en s’endormant sous des dogmes a oublié que la sincérité, même quand nous sculptons avec des mots, est la première des politesses. Définitivement un géant pour nous protéger et tenter de nous aiguiller dans le chaos sous des mélodies comme des fils d’Ariane lumineux. L’âme en peine, la main tendue. Magnifique.