> Critiques > Labellisés



Le secret professionnel étant ce qu’il est, il ne m’est pas totalement possible de dire ce que je fais, ou plutôt où j’exerce, à moins que ce soit ma fâcheuse manie de me cacher. Bref, je suis au contact de la folie et de ses différentes ramifications, ses nombreuses strates, et avant tout ses combinaisons parfois maléfiques qui peuvent nous entraîner nous aussi vers quelque chose qui pourrait s’apparenter à de la peur. J’ai longtemps buté face à ce nouvel album de Da Capo, Songs From The Shade. Neuvième album avec cette voix reconnaissable, ces fêlures à faire passer la reconstitution d’un vase antique pour une pièce magnifique sans aspérités suite aux affres du temps, et toujours cette manière de remettre sur l’ouvrage des travaux passés, comme ce The Moon and the Sun, astre déconcertant par autant de majesté (la chanson après laquelle Dominique A a certainement couru pour son monde réel).

Oui, j’ai buté, ne répondant plus aux mails sur un retour possible, car comme dans mon quotidien, j’ai longtemps eu l’impression de retrouver dans ces chansons ce qui m’attirait tout en me faisant craindre le pire, succomber et être happé par la folie qui pourrait me gagner. Car oui, je le dis, ce disque est une folie ; pas une folie douce, c’est un disque de quelqu’un qui laisse la sagesse pour les autres, se confronter en nous débordant, ne laissant pas la place à la pondération. Tout est ici grandiloquent, sans pour autant tomber dans les délires d’un maître pâtissier. Comme téléporté dans une époque qui s’autorisait l’excentricité, car elle ne touchait pas encore le monde en un dixième de seconde, Da Capo se voit peintre, fixant en dix morceaux les instantanées de vie devant tout autant aux cauchemars qu’à la mort. On y souffre beaucoup, et le chant d’Alexandre Paugam n’est pas étranger à ce sentiment, même quand il s’évade sur un I Need You chevaleresque, morceau au souffle chaud, loin de la torpeur, mais toujours prêt du drame. On est aussi, et surtout, transcendé par ces pièces d’orfèvrerie, submergé par cette comédie divine qui aurait trouvé sa libération dans les labyrinthiques méandres d’un Nick Cave aux portes de l’enfer. Il y a ici la classe de l’amoureux éconduit qui essuiera ses larmes en cachette dans le col proéminent de son par-dessus pied-de-poule, la souffrance subtilement éclairée au générique par des lucioles à la douce lumière (Skeletons), mais surtout le génie fou de donner à la démence un champ des possible pour y cultiver ce qui s’apparente avant tout à l’excellence. Le paradis des fous à l’ombre d’un conte d’hiver en dix actes.




 autres albums


 interviews


aucune interview pour cet artiste.

 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.