> Critiques > Autoproduits



Catherine Watine est une artiste assurément singulière : pianiste, compositrice et exploratrice sonore dont le parcours discographique s’étend sur près de deux décennies, son œuvre se caractérise par un mélange audacieux de piano néo-classique, de musique concrète, d’ambient, de chansons et de pop songs, créant un univers à la fois intime et expérimental, agrémenté pour ce nouvel album de la plastique sonore de Gaëlle Deblonde au violon ; à souligner aussi la toujours belle qualité de ses collaborations visuelles, avec les élégantes vidéos conçues par Isabelle Duval pour le titre « Il pleut Albert » et par Caroline Lysiak aka VEL pour « Des jours comme ça », « La force de la vie » (à venir), sans oublier son remarquable artwork sur la pochette.

Cultivant la musique indie telle une perle rare, Watine n’aura jamais fait les choses à moitié ou du moins comme le commun des mortels, commençant une carrière qui s’avérera prolixe à un moment de sa vie où beaucoup sont déjà rentrés dans les rangs. « N’être qu’humaine », 16e opus, déjà, oui, se situe dans une lignée à la Nico, ou Barbara pour l’émotion et Verlaine et Vian pour le verbe, avec un goût pour le DIY pas si loin de l’esprit de Patti Smith. Et si plus personne n’osait suivre ? Tant pis, il resterait encore les machines, le système D et l’humeur des saisons pour s’adonner à des exercices de style raffinés et subtils… Une force de la nature, j’ai bien dit.

Force de la nature avec ses faiblesses qu’elle sait transformer en force justement ou bien mettre en touche, Watine se laisse ici aller à des promenades musicales aussi belles que vertigineuses sur un faux plat de sentier côtier escarpé. Entre Field recording, improvisation pianistique et texte français en prose à fleur de peau et quelques ronces pour se repiquer à la vie, notre belle dame n’aura jamais été probablement autant au cœur de l’intime. Si l’on peut considérer son parcours musical comme s’inscrivant dans une grande expérience humaine en forme de chrysalide, on sent sur cet album un ancrage plus personnel, plus profond et sensoriel qui nous ramène à la période « Atalaye » (2015), pour le spleen nitescent de la chanson française (terme ô combien galvaudé) et les strates d’ombre qui se réfléchissent jusqu’au vertige de l’infini. Après les grands voyages intergalactiques et quantiques des volets précédents, la poésie de Watine se remet donc à nu et plus terrienne que jamais. « Il pleut Albert » résonne comme un hymne du cœur d’un lyrisme touchant autant que sarcastique. Quant aux balades sur la plage présentes entre autres sur « La force de la vie », « J’erre sur cette terre », elles offrent ce surplus d’oxygène face aux nuits tourmentées par les ombres du passé et les constats amoureux, qu’elles soient fictionnelles ou réelles (“Les risques de la nuit”, “Pourquoi les bars”), expérience d’un cœur plein de l’acceptance d’éclats d’âme jusqu’à en perdre sagesse et raison, mais jamais l’amour.

« N’être qu’humaine » reste le temps de ses neuf déclinaisons musicales empreint d’une mélancolie lumineuse, où chaque douleur devient matière à réflexion, chaque rupture et absence, un espace pour une nouvelle possibilité d’éveil poétique et onirique.

La voix de Watine nous porte dans son humanité fragile mais résolue, contemplative mais habitée d’un désir profond de vivre avec intensité, jusqu’à accepter de confronter l’injustice des sentiments. A travers une quête d’absolu, les errances intérieures (« Des jours comme ça », « Nous voulons des anges ») et un désir d’amour ou de lumière rasante dans un monde souvent sombre, elle tisse un dialogue constant entre introspection, mémoire, nature et transcendance, porté par une écriture poétique et sensorielle qui saura faire mouche auprès des oreilles complices et attentives.

« N’être qu’humaine » est au final un album qui ose brandir la vulnérabilité comme une arme, en y révélant une force insoupçonnée, tel un moteur vital. Traverser les ombres de l’intime, entre perte, doute et nuit, mais en laissant toujours la possibilité d’une porte ouverte, élan poétique essentiel et généreux dans notre rapport au monde, et malgré les risques et incompréhensions que cela puisse occasionner. Cet équilibre délicat est le tour de force de Catherine Watine qu’elle a ici si majestueusement trouvé à travers ses nouvelles compositions au piano et ses mots finement ciselés. A l’heure de l’asservissement par l’IA et de la bêtise ambiante, un album qui résonne fort, gravé avec le cœur et pour le cœur sans raison.




 autres albums


aucune chronique du même artiste.

 interviews


aucune interview pour cet artiste.

 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.