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Interview réalisée via mail en mai 2003

C’est qui not like dante ?

— Alex : C’est un binôme, plus qu’un véritable groupe, puisque nous ne sommes que deux, l’un à Paris, l’autre à Reims. Ce qui ne facilite pas vraiment les choses, même si les nouvelles technologies d’enregistrement nous permettent désormais de travailler à distance, en dehors, bien sûr, des moments où l’on se retrouve. Not Like Dante a été formé en juin 2001 mais Vincent et moi, nous nous connaissons depuis plus de dix ans. Nous étions respectivement les chanteurs-guitaristes de deux groupes qui tournaient pas mal à l’époque, Rubber Jam et les Happy Droopy Boys, l’un dans un style rock, l’autre plutôt pop rock. Nous étions tous les deux à Reims à ce moment-là et une certaine agitation rock s’était emparée de la ville. Pas mal de groupes se créaient, jouaient, enregistraient. Cette ville a toujours eu un important vivier de musiciens… mais peu de groupes sont parvenus à se hisser sur la scène nationale. Il y avait et il y a pourtant d’excellentes formations. D’ailleurs, certains groupes comme Les Rroselicoeur (également patrons du label Particul System) ou Bumblebees bénéficient aujourd’hui d’une audience indéniable.

— Vincent : Lorsque les Happy Droopy Boys se sont séparés, on a invité Alex à venir jouer dans Rubber Jam. Nous n’étions pas loin d’une dizaine au sein du groupe. On travaillait comme des acharnés. Et puis la formation a splitté. Les séparations multiples nous ont encouragés à nous retrouver en plus petit comité et nous avons tout d’abord formé Sorry for the Pop. Le répertoire était vraiment pas mal. On a tourné à deux dans les bars et les boîtes de nuit les plus pourris de la ville, en format électro-acoustique. Mais c’était pas mal. Et puis on s’est perdu de vue. J’ai ensuite lancé Warren Mars et sorti un CD autoproduit…

— Alex : …que j’ai un jour découvert dans ma boîte aux lettres. J’ai rappelé Vincent, puis on s’est revus à Reims (entre-temps, j’avais déménagé à Paris) et on s’est progressivement remis au travail, principalement, à partir des compos de Vincent.

Pourquoi not like dante ?

— Alex : Par défaut… puis par choix. On s’est un peu cassé la tête au moment de choisir le nom du groupe, comme pas mal d’autres j’imagine. On ne trouvait pas grand-chose. Bref, un jour on a pris un bouquin au hasard, on l’a ouvert et on est tombé sur Not Like Dante. Il s’agit en fait du tout début d’un poème de Lawrence Ferlinghetti, issu du recueil " A Coney Island of the Mind ". C’était suffisamment déconcertant pour que cela retienne notre attention. Graphiquement, on trouvait ça pas mal. A l’oral, cela reste assez imprononçable ou plutôt difficilement compréhensible… Mais bon. On s’est rendu compte que le nom fonctionnait finalement assez bien avec les premières chroniques. C’est toujours marrant de voir ce nom, choisi au hasard, apparaître comme ça. Et puis on s’est dit qu’on pourrait toujours faire les malins avec cette histoire de bouquin lorsqu’on aurait la chance de faire des interviews. C’est fait et on te remercie de l’interview et de cette question !

Sur la pochette on vous devine courant dans un couloir. C’est pour vous échapper ou vous poursuivez quelqu’un ?

— Alex : Non… En fait, c’était surtout pour donner un effet à la photo, qui a été prise par Laetitia, la femme de Vincent. Cela montre par ailleurs que Vincent court beaucoup plus vite que moi ! Mais cette pochette n’est pas totalement dénuée de sens : il ne s’agit pas en fait d’un couloir de métro mais d’un long passage souterrain qui se situe sous la gare de Reims, et que j’emprunte à chaque fois que je rejoins Vincent pour que l’on travaille. Ces moments sont généralement assez intenses. On a tous les deux un boulot dans la semaine et, au final, on n’a que peu de temps, ou en tout cas pas assez à notre goût, à consacrer à Not Like Dante. Lorsque l’on se voit, on ne décroche pas. On s’enferme et on devient rapidement asociaux. Ce couloir figure simplement ces moments, leur début et leur fin. Je repasse par le même couloir pour reprendre le train pour Paris. Evidemment, on n’a pas réfléchi à l’effet " cliché " de la photo. Mais bon… elle est quand même assez belle, et puis nous avons pu donner au CD une certaine unité graphique, la pochette intérieure et le verso ayant été également élaborés à partir de photos prises dans cette galerie.

A l’écoute de votre album une référence vient : l’implacable radiohead ; Vous êtes conscients de cela ? Vous revendiquez ? A ce sujet vous avez écouté hail to the thief ?

— Vincent : Nous sommes issus certainement du même creuset d’influences musicales. J’apprécie Radiohead, mais je trouve beaucoup d’autres influences sur la démo. Des influences qui me paraissent bien plus importantes. De plus, il me semble que nous sonnons plus roots, plus sale. Et ce n’est pas seulement dû à nos moyens techniques réduits. Par ailleurs je ne connais pas Hail to the thief.

— Alex : Je suis assez d’accord avec Vincent. Il y a d’autres influences perceptibles sur le CD. Cela dit, le chant sur certains titres est parfois un peu " lyrique ", et nous avons beaucoup travaillé sur les arrangements, basés pour certains sur pas mal d’artifices sonores. Ce qui peut certainement parfois faire penser à Radiohead. Je n’ai pas non plus écouté Hail to the thief.

Vous vous sentez dans l’écriture prisonniers des influences ?

— Vincent : non. Par contre, il est clair que lorsque je tombe sur un groupe qui utilise un vocabulaire musical différent du mien (ou pas d’ailleurs) qui m’émeut, je n’hésite pas à me laisser porter par l’inspiration qu’il peut m’apporter. Cela me paraît essentiel pour notre travail.

Under control est l’une des anomalies par rapport au reste. Un titre comme celui-là arrive comment ?

— Vincent : je ne ressens pas " Under control " comme une anomalie par rapport aux autres compositions. Sur chacune d’elles nous essayons de dégager, de développer une atmosphère et un son particuliers. Parfois c’est à peine tangible, parfois c’est l’essence même du morceau. Nous tentons d’expérimenter, de renouveler à chaque fois que nous en avons envie notre manière d’arranger, de produire nos idées. " Under control " est parti d’un riff assez simple à la guitare que j’ai enregistré et étoffé en pensant aux méthodes d’enregistrement de Phil Spector : doubler et encore doubler chaque piste pour apporter, enfin tenter d’apporter, une sensation de d’épaisseur.

A ce sujet quel est le mode de fonctionnement chez vous ?

— Vincent : Distance oblige, nous travaillons beaucoup chacun de notre côté. Chacun enregistre ses démos, les fait écouter à l’autre… Il peut s’agir d’une simple idée ou d’un morceau déjà achevé. Ces séances d’écoute sont généralement épiques… Pour autant, nous n’avons pas l’impression de ne pas faire un vrai travail de groupe, un travail particulier où nous endossons tous les rôles et jouons tous les instruments. De ce point de vue, nous sommes assez complémentaires.

L’écriture est elle une souffrance, ou les mots s’imposent ils facilement ?

— Alex : l’écriture est effectivement une souffrance, bien que, sur la fin de l’enregistrement de notre démo, les textes de certains titres soient venus plus rapidement… voire spontanément. Le texte de " Signs of a break-in " a été écrit en une vingtaine de minutes. Et c’est sans doute l’un des plus beaux. Il nous a fallu en revanche plusieurs jours pour boucler " My afterlife ". Quelques heures ont été suffisantes pour " Amsterdam ", co-écrit, parmi d’autres, avec ma femme, Sophie. L’importance des textes s’est également accrue au fil de l’enregistrement, alors que nous n’y accordions qu’un intérêt secondaire au début. " Under Control " évoque par exemple l’implacable mise en place de l’état policier en France depuis l’arrivée de la droite au pouvoir, la politique ahurissante du gouvernement, les shows télévisuels de notre belle équipe ministérielle. " In Bucks we trust " traite des conditions de travail dans les entreprises privées, de la violence symbolique qui y règne. " Neon " est davantage une ballade urbaine, de même que " Gravity ". " She " est un texte allégorique sur l’addiction… " Amsterdam " évoque l’impossibilité que l’on éprouve certains jours à faire en sorte que sa vie avance… Lorsque les heures s’écoulent sans qu’il soit vraiment possible d’y faire quoi que ce soit. En fait, dès lors que le thème est trouvé, les mots viennent assez rapidement, bien que cela soit loin d’être systématique.

Mais pourquoi en anglais ?

— Alex : Nous allons redire ce qui a déjà été dit mille fois, mais la musique pop rock se combine assez difficilement avec la langue française … et de fait, la frontière entre pop rock et variété, dès lors que les textes sont chantés en français, se fait relativement mince. Il y a bien sûr des exceptions notoires, mais qui restent néanmoins des exceptions. Il est étrange que l’anglais représente encore pour pas mal de maisons de disques un obstacle à l’engagement de groupes français par ailleurs très bons, alors même que certaines formations anglo-saxonnes enregistrent leurs meilleures ventes en France, ou que les disques de Coldplay, de Radiohead se vendent ici comme des petits pains. Ce qui n’empêche pas certains groupes français de chanter en anglais et d’être signés ! Bien sûr, nous avons envisagé et envisageons même de chanter en français. Nous avons commencé à travailler dans cette direction, moins pour chanter en français à tout prix, que pour essayer de construire une identité musicale plus singulière. C’est en cours. Mais nous nous voyons difficilement nous déprendre de la culture musicale qui est la nôtre et qui est essentiellement empreinte d’influences anglo-saxonnes, tant au niveau du rendu sonore des textes que des compositions. L’anglais offre par ailleurs un vocabulaire qui se révèle à l’usage à la fois plus pragmatique et métaphorique. Et puis il est sans doute plus facile de faire passer certaines choses en anglais. " Last " évoque la disparition d’un proche et je crois que nous n’aurions pas pu écrire cette chanson en français.

Vous vous situez où dans le paysage musical français ?

— Alex : En tant que groupe chantant anglais, jouant une musique qui se fait essentiellement de l’autre côté de la Manche et de l’Atlantique, on se sent forcément un peu isolés dans le paysage musical français. Pour autant, la scène pop rock française existe, et il y a de très bons groupes. Sans les connaître personnellement, on se sent assez proches et solidaires en tout cas de certains groupes (Porcelain, Exsonvaldes…) que l’on a découverts en étant sélectionnés, à leur côté, dans le " top démo 2002 " de l’émission Helter Skelter animé par Vivian Vog sur Aligre FM, à Paris (www.helterskelter.com). Notre relatif isolement tient également au fait que pour l’instant, nous ne sommes que deux au sein de Not Like Dante. Musicalement et humainement, nous en sommes très contents. Composer, travailler, voire gérer d’éventuels conflits se fait beaucoup plus facilement à deux qu’à cinq. Mais nous restons évidemment frustrés dans la mesure où la promotion de notre démo nécessiterait de jouer live, avec un vrai groupe. Cela devrait se faire, nous espérons, assez prochainement. Notre projet, en premier lieu, était surtout de parvenir au terme de cette démo et d’obtenir des retours. Les chroniques parues dans Magic, Soundkeys, Longueur d’ondes ou sur ton site sont venues nous confirmer que l’on tenait quelque chose. De fait, on se sent moins isolés. Mais on est bien conscients du travail qu’il nous reste encore à faire pour bénéficier d’une plus large audience.

Pour ce qui est de l’arrangement des titres, je reste stupéfait par les idées. Vous travaillez en autarcie ou le jugement d’un tiers vous est indispensable ?

— Vincent : Merci… En fait, il faut que nous soyons satisfaits tous les deux. Nous parlons beaucoup des morceaux, négocions, tentons de nous persuader qu’une idée vaut la peine d’être travaillée. Nous faisons bien sûr écouter à nos compagnes et à nos amis, mais il est clair que notre seul jugement mutuel est indispensable. Cela dit, les diverses critiques que nous avons eues à propos de la démo nous servent parfois à améliorer notre travail.

Pour finir comment jugez vous l’importance des webzines ? Est-ce un relais nécessaire, ou un truc en plus sans poids réellement ? Avez vous des échos suite à une chronique ?

— Alex : les webzines ont évidemment une importance cruciale dans la mesure où ils font exister une scène musicale qui n’existerait pas autrement ou qui aurait, tout du moins, beaucoup plus de difficultés à exister. Cela ne concerne pas seulement les groupes autoproduits, mais également bon nombre de groupes signés sur des petites structures. En dehors des publications écrites, c’est généralement sur les webzines que l’on trouve les infos les plus riches et les plus détaillées sur l’actualité musicale, sur les labels, les salles de concerts, etc. Nous sommes bien placés pour en parler puisque nous avons largement recouru à ces infos pour faire les envois de notre démo. Nous avons eu par ailleurs plusieurs demandes de CD provenant de programmateurs de radios ou de responsables de webzines, notamment grâce aux chroniques parues sur adcouvrirabsolument.fr.st et sur le site du magazine Soundkeys, dont une demande provenant d’un représentant d’une maison de disques, qui avait écouté " Gravity " à partir du site de Soundkeys. C’est un peu la preuve de l’efficacité et de la nécessité des réseaux dédiés à la musique sur Internet.

— Vincent : Les webzines comblent un espace qui était déserté : parler de toutes les musiques signées ou non, chroniquer et apporter un feedback aux artistes qui comme nous, essayent de se faire connaître.

C’est quoi l’avenir proche de not like dante ?

— Alex : Not Like Dante est un projet auquel nous sommes très attachés. Lui donner davantage vie, à travers un groupe, des concerts, est notre objectif à court terme. Nous espérons pouvoir jouer live en novembre, et sortir très rapidement une nouvelle démo. Tenter de nouer des contacts plus intéressants avec les labels reste également une priorité. Le CD est encore récent, et nous n’avons pas encore fait le tour de toutes les maisons de disques. Nous avons obtenu un ou deux rendez-vous et quelques contacts, surtout et étrangement avec des majors, alors que nous visons plus particulièrement les petits labels. Voilà l’une des parties les plus difficiles du travail. On espère donc surtout à terme pouvoir bénéficier du soutien d’une structure pour nous permettre de jouer et de mieux faire connaître notre musique.

Question rituelle votre discothèque idéale en 5 mini et dix maxi ?

— Vince : White album des Beatles / Seventeen seconds de Cure / Loveless de My Bloody Valentine / End of the century des Ramones / Goo de Sonic Youth / Wish you were here de Pink Floyd / Lift yr. Skinny fists like antennas to heaven de God speed you black emperor / Melody of certain damaged lemons de Blonde Redhead / Let it bleed des Rolling Stones / Electic ladyland de Jimi Hendrix Experience Mais en fait il y en a trop…

— Alex : pour sortir la grosse cavalerie :The Smiths ("Hatful of Hollow") / Mark Hollis ("Mark Hollis") / Swell ("41") / Radiohead ("OK Computer") Franck Sinatra ("Duets and Rarities", vol. 1 et 2) / Pixies ("Doolitlle") / Tom Waits ("Swordfishtrombones") / Tindersticks ("Tindersticks") / REM ("Green")



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