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  • 11 janvier 2008 /
    Phospho
    Phospho Par Phospho

    réalisée

Revue de détails de l’énergisant Lp des Niortais europhiles de Phospho, One Caballo Per Seven Frauen, par eux-mêmes... comme il se doit.

Les chansons ont été écrites avec le temps, mais rapidement à chaque fois. Parce que du temps on en manquait. Les premiers mots sont venus se poser naturellement, toujours soufflés par l’énergie des premières prises. Il y a toujours un mot qui sonne mieux que mille autres sur un refrain particulier. PHOSPHO est pas mauvais pour ça : trouver des gimmicks. Généralement, c’est très peu de temps avant le premier test live d’un morceau que ses paroles trouvent leur place in extenso. Un travail dans l’urgence, sans calcul précis sur la thématique. C’est seulement dans le studio de mixage – entre une instruction diplomate et une autre – qu’on s’est rendu compte : il y a sept femmes dans ce putain d’album, et un cheval. Et puis une petite pique aussi. Du coup, le nom de l’album était évident : « un cheval pour sept femmes ». Mais comme on est opportunistes et cupides, on l’a traduit en mélangeant quatre langues frontalières : « one caballo per seven frauen », parce que, très sérieusement, on aimerait devenir le groupe mascotte de l’Union Européenne, être joué à chaque ouverture de plénière, et toucher des subventions européennes par la même occasion. Les Anglais, les Espagnols, les Italiens et les Allemands sont nos amis. Surtout les Anglaises, les Espagnoles, les Italiennes et les Allemandes. « Nervous », le morceau qui ouvre l’album, est le tout premier truc qu’on ait composé et joué, il y a presque trois ans, alors que nous n’étions que trois. Un an plus tard, après l’avoir enregistré live dans la cave, avec quelques rares micros plantés ici et là, Les Inrockuptibles ont présélectionné cette démo pour la compil CQFD. Présélectionné, c’est pas sélectionné, OK. Mais savoir qu’on avait sonné suffisamment à l’oreille de ces gens pour se retrouver dans un peloton de 40 ou 50 parmi 7000, ça nous a donné du cœur à l’ouvrage. « Nervous » a « quelque chose » comme on dit, une énergie brute un peu crade avec un cœur de pop assumé. Mais ce qu’on aime le plus c’est la guitare de l’autiste maison : tututututututu-titututututututu-titutututu… « Nervous » met en scène la première femme de l’album, à travers ce que lui dit son compagnon. Elle fait partie de ces femmes qui deviennent des « mamans » caricaturales avant l’heure, bien des années avant de tomber enceintes. A défaut de materner, elles singent les adultes sages et rangés, et croient dur comme fer que c’est la seule façon de faire. Et elles essaient d’imposer cet ordre « naturel » à leur compagnon (de route ? d’infortune ?). Elles castrent. Elles rendent nerveuses. On a tous une belle sœur ou une cousine comme ça. Ou une copine. Dans le morceau suivant, « Tonight », il y a aussi un type, mais il est plus vieux, la quarantaine. La femme de sa vie – celle avec qui il vit, par accident – fait aussi partie de la catégorie des « mamans ». Mais vingt ans ont passé. Dans les faits, cette femme est également belle et aimante, courageuse et poignante. Mais voilà, le type a le démon de midi, il court après sa jeunesse perdue à jamais. Il est pathétique. Et touchant lui aussi, c’est sûr. Ce morceau est né dès qu’on a été quatre musiciens, et non plus trois. La basse est venue s’accoupler avec la batterie. Club et punk. Clunk ! « Out Of The Box » c’est le joker. Ni femme ni cheval à l’horizon. Les paroles sont explicites. Pas de commentaire. C’est un morceau progressif, très dense, et très précis. Il y a beaucoup d’infos dedans, mais le mix est vraiment bon. On y entend tout. Ce qui est vraiment réussi ici, c’est le beat : chaque coup de caisse claire est une vraie gifle, le kick pousse fort, les toms et percussions virevoltent. On préfère faire ça, plutôt que de négliger savamment nos mèches de cheveux – tiens le voilà le commentaire. « She » est une chanson un peu à part. Il était 7H30 du matin à peu près. Deux d’entre nous dans une voiture sur l’autoroute. On allait rejoindre les autres pour une répétition à Nantes. On parlait de nos filles – chacun une. Alors, bien sûr, on allait écrire une chanson sur la joie de voir arriver sa fille, et de la voir grandir. Quel plaisir de la jouer et de la chanter celle-ci, à chaque fois ! Vraiment, quelle joie. Ce morceau marque aussi l’arrivée du cinquième lascar dans le groupe. Une guitare qui pousse des cris de bébé, sans que rien n’ait été calculé – n’est-ce pas mignon ? Ce morceau est vraiment attachant. D’ailleurs, sur le final, l’influence de GAINSBOURG pour la batterie et la basse, et celle de MORRISSEY pour la voix, sont simplement la preuve que ce morceau nous a tous rendus « love ». Aucun calcul là dedans. « The Secret » est la chanson préférée de beaucoup de gens. La chanson préférée des filles en tout cas, ça c’est sûr. L’histoire qu’elle raconte n’est pas très drôle. Imagine que tu as une amie depuis longtemps, la copine du collège qui est toujours ton amie aujourd’hui. Tu la connais mieux que tout le monde. Elle est charismatique et mimi. Tout pour elle. Mais elle a pour manie de toujours charrier sans sommation les garçons tout juste normalement entreprenants. Ça a toujours été comme ça avec elle. Tu le sais, ça t’amuse, tu regardes le truc, et à chaque fois tu sais qu’il y a quand même quelque chose qui cloche là-dedans. Elle a un secret morbide. Tu le sais et tu voudrais qu’elle crache le morceau un jour. Qu’est-ce qui s’est passé ? Dis-le, bordel ! Cette chanson dégage beaucoup d’énergie sur scène, plus que dans sa version enregistrée. Toutes guitares dehors. Avec le recul, on se dit qu’il devait y avoir des extraits de DINOSAUR JR dans nos bières quand on a joué ça la première fois. Le morceau suivant, « You The Widow », tout comme « She », a été enregistré à Paris (alors que toutes les autres pistes ont été enregistrées à La Nef d’Angoulême). C’est pour ça que ces 2 tracks ont un son un peu différent. L’atmosphère de « You The Widow » est sombre. Les paroles peuvent être interprétées de deux façons. Ou bien cette cinquième femme est aujourd’hui vieille et tout juste veuve de son second amant, alors que le premier amant, toujours vivant, avait dû refaire sa vie il y a bien longtemps. Ou bien elle est toujours jeune, mais doit porter la mort de son premier amant alors qu’elle vient tout juste de partir avec le second. Les cœurs adolescents verseront peut-être dans le romantisme simple de la seconde version. Sur le plan musical, le plus beau passage, selon nous, est la toute fin du morceau : ces quelques secondes de silence final où seule raisonne la soudaineté de la mort. Quelque chose, puis plus rien. Comment retranscrire ça en musique ? La brutalité de toute mort, qui fait naître ce sentiment confus que tous les efforts de toute une vie, s’ils ne sont pas insensés, sont à tout le moins dérisoires. Et voici que le cheval entre en scène. « Horse ». La piste n°7. C’est en écoutant ce morceau qu’on peut vraiment se rendre compte du jeu complètement à part de l’autiste qui nous sert de première guitare. Son style et son son sont hallucinants (tiens, une assonance). La basse groove, et la batterie, sur les ponts, a une crinière folle et quatre sabots affairés (tiens, un jeu de mots). On n’a rien inventé bien sûr : le cheval n’est rien d’autre que l’énergie qui traverse nos corps dès qu’il s’agit de survivre : briller, séduire, s’en sortir, s’enfuir… La bande son finale est un enregistrement « live » que l’un d’entre nous a fait dans une rue de New York, en début de nuit : des taxis filent, un bus s’arrête, le monde grouille, et un homme joue du saxo pour briller, séduire, s’en sortir, ou s’enfuir… « Now ! Now ! Now ! Now ! » est une chanson bête et rock’n’roll. Fuzz et larsen pour lier les deux parties du morceau, voix et rythmique robotiques pour jouer le texte. Un homme ne peut plus se passer de son amante dominatrice (la sixième femme de l’album). Elle lui a révélé sa sexualité masochiste. Désormais seuls l’épanouissent les rituels douloureux et humiliants auxquels il veut s’adonner de plus en plus souvent, de façon robotique. Sur scène, le final de ce morceau est démoniaque. Un pur concentré d’énergie sur quelques secondes. « The Yellow Girl And The White Boy » met en scène une jeune femme asiatique, qui a émigré ici (la France) il y a plusieurs années et vit aujourd’hui l’amour parfait avec un homme d’ici. Mais voilà, ce sont les lois d’ici qui écriront la fin de l’histoire. L’album se termine sur le remix de « Out Of The Box » réalisé par ïtrema (Moïse Doumeret de son vrai nom), un autre Niortais dont le maxi Blow-Up This Wall (une tuerie) a été joué et salué par Laurent Garnier himself. Moïse s’est réellement accaparé le morceau. On aime beaucoup ce qu’il en a fait : le rythme est ralenti (rare pour un remix !) mais l’ensemble est encore plus dansant. La mélodie au clavier est vraiment attachante. Moïse est de toute façon le garçon le plus attachant de l’univers.

— Merci à Phospho pour son implication.



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