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À musique passionnée et poignante, discours érudit et sincère. Romain Lallement, esprit libre de LENPARROT, dévoile avec précision et amour la sélection musicale de son cœur. Rarement un sélectorama n’avait semblé aussi intime qu’aujourd’hui…

BITCHIN BAJAS - Inclusion

C’est en traînant sur « Aquarium Drunkard » - potentiellement le site que je consulte le plus - que j’ai découvert ce groupe. Leur musique repose principalement sur de l’expérimentation sonore, de l’ambient à base de grosses nappes de synthés. On est clairement aux confins de la musique méditative telle qu’Eno avait pu en concevoir lors de « Music for Airports ». J’adore ce genre d’albums, ça relaxe. Et les textures sonores déployées sur Bitchitronics m’ont - dans une certaine mesure - inspiré pour l’habillage sonore de « Aquoibonism ».

JOHN ANDREWS & THE YAWNS - I’ll Go to Your Funeral (If You Go To Mine)

C’est mon coup de cœur du moment. Ça n’était pas très difficile de me séduire, j’étais déjà fan du premier album des Yawns - mais là, rejoints par le mec de Quilt au chant c’est franchement classe. Les harmonies vocales de ce titre me foutent des frissons à chaque fois. Ce doit être du aux séquelles laissées par les écoutes répétitives d’America étant gamin.

FLAVIEN BERGER - Rue de la Victoire

C’est Grégoire d’À Deux Doigts qui m’a fait découvrir la musique de Flavien cet été. Depuis, j’ai eu le plaisir de jouer à ses côtés lors de la carte blanche de Pegase à Bordeaux l’automne dernier. « Léviathan » m’envoûte complètement, c’est un vrai voyage subaquatique. "Le soleil dans la maison, c’est joli après la pluie". C’est tout bête mais cet a capella est splendide.

PALE BLUE - The Math

C’est le titre sur lequel Nico (Maethelvin - qui a produit « Aquoibonism ») et moi scotchons depuis des semaines. L’arrivée de Mike Simonetti chez « Captured Tracks » est assez improbable, mais ça rajoute au prestige de ce type. Il faut beaucoup de talent pour pondre un titre à la fois hyper clubesque et mélancolique à la fois ! Bon, par contre, c’est difficile de réécouter le sample original de Mathématiques Modernes, « Jungle Hurt », sans vouloir doubler la vitesse de lecture.

CLINIC - Distorsions

On nous a plusieurs fois sorti que « Gena » sonnait vraiment comme « Streets of Philadelphia », ce qui est vrai : Maethelvin l’a produit avec cette chanson de Springsteen en tête. Mais la véritable influence de ce titre, outre Gena Rowlands, c’est vraiment ce titre de Clinic. L’ostinato d’orgue en ouverture avec l’arrivée de la boîte à rythme tient même de la citation. Je suis fou de cet album, « Internal Wrangler » fait partie des albums qui m’ont aidé à façonner LENPARROT.

TWIN SHADOW - Tyrant Destroyed

C’est en réalisant qu’Olivier (Deniaud - également producteur de « Aquoibonism ») comptait Forget de Twin Shadow comme l’un de ses albums de référence que je lui ai proposé de travailler ensemble. Je me suis dit : "Si ce mec est sensible à cet album, alors nous saurons nous comprendre sans souci". La première fois que j’ai entendu « Tyrant Destroyed », j’en ai eu les larmes aux yeux tant l’émotion qui s’en dégage prend aux tripes - c’est d’ailleurs fou que George Lewis Jr. soit aussi bien capable d’écrire quelque chose d’aussi parfait et viscéral et de donner désormais dans du 80’s FM gros cul.

DAVE DK - Halma

En termes de techno et deep house, « Kompakt » fait partie des labels qui me parlent le plus. Que ce soit The Field, Dauwd ou Dave DK, leur musique correspond autant à une vraie musique de transe - on peut y voir en cela quelque chose de dansant et nocturne - qu’à quelque chose de très introspectif. Je ne saurais dire d’ailleurs si je préfère ce type de house en club, ou au casque chez moi.

FRANK ZAPPA - Yellow Snow Suite

S’attaquer à la discographie de Zappa est aussi effrayant qu’une ascension de l’Everest. N’en ayant qu’une connaissance lacunaire je n’ai toujours aucune idée du meilleure moyen pour l’aborder. Tout dépend de ses goûts, car ça ratisse large à vrai dire. Je me souviens m’être bêtement procuré son Greatest Hits officiel, « Strictly Commercial ». Ça donne mine de rien un aperçu assez complet de la carrière du bonhomme. On y trouve la version éditée par un DJ de « Don’t Eat the Yellow Snow », rendue un brin plus tubesque pour la radio. Après coup, c’est drôle d’écouter toute la suite présente sur l’album « Apostrophe » - une histoire d’esquimau complètement farfelue comme Zappa sait si bien en écrire.

BRAVE RADAR - Out of Reach

« Fixture Records », c’est le meilleur label de Montréal. Y figure toute la scène qui gravite autour de Mac deMarco - et le précédait d’ailleurs pour la plupart. C’est impressionnant de voir un tel vivier de tueurs : Homeshake, Freelove Fenner, Moss Lime, Eola... Quentin (qui co-dirige « FVTVR ») et moi sommes accros à cette scène, Brave Radar en tête de file. En fonction des albums, leur musique oscille entre de l’anti-folk complètement déconstruit et des compos pop super lo-fi - citant aussi bien Bongwater que The Free Design.

SUN RA - Sleeping Beauty

Il n’y a pas grand chose à dire, c’est tellement beau. Comme chez Coltrane avec Naima, la mélodie est écrite comme un chant d’amour. C’est hypnotique, nébuleux... le morceau parfait pour s’endormir, en somme. Je n’ai jamais réussi à comprendre exactement ce qu’ils chantent au début : « I want to speak up, ’bout beauty to you... ». Si c’est ça en tout cas, c’est très réussi.

THE ORGAN - Even in the Night

Jamais un groupe n’aura aussi bien porté son nom. Au son de cet orgue qui débute le titre, il est facile de comprendre la gifle qui s’annonce - c’est d’une grâce, d’une tristesse absolument déchirante. La voix de Katie Sketch rappelle la détresse de Patti Smith sur « Radio Ethiopia » - et ce pattern de batterie qui se métamorphose au milieu, c’est si bien trouvé. Le genre de chanson qu’il ne faut jamais écouter en cas de déprime, mais qu’on choisit pourtant en premier.

HEDZOLEH - Mo Oso Obu Naa

Hedzoleh faisait partie de toute cette scène ghanéenne des années 70 - gravitant autour de Fela Kuti ou Masekela. Ce mélange entre highlife et afro-beat - c’est ce qui donne ces rythmiques complètement imparables, empruntant aussi bien aux métries traditionnelles qu’au jazz ou au funk. Et ces parties de chant sont fantastiques. J’ai conscience que je suis plein d’emphase sur quasiment tous mes commentaires, mais bon je ne parle que de mes titres préférés donc c’est difficile de se modérer (rires).

LCD SOUNDSYSTEM - Someone Great

Bon, pour clôturer ce sélectorama il me semblait important de mettre une de mes références absolues. À la question con : qu’emmènerais-tu sur une île déserte ? Bah, « Sound of Silver » en premier choix et sans hésiter. Aux côtés de « Funeral » d’Arcade Fire, LCD fit partie des groupes découverts durant mon adolescence et au moment de leur sortie - où tu avais réellement la possibilité de découvrir quelque chose de fort et au bon moment. Leur live à La Route du Rock en 2007 restera un des plus beaux concerts de ma vie. Comme « Pale Blue » dont je parlais plus haut, c’est ce qui me bouleverse dans un titre comme « Someone Great » : réussir un morceau électro super dansant - et simultanément d’une profonde mélancolie. Un tube disco avec une lourde gueule de bois, c’est ce que je rêve d’écrire un jour.

Photos : Gregg Bréhin, Marion Le Nevet

Merci à Romain, Anaïs et Rémi.



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