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De la même façon que nous collectionnions plus jeunes chaque nouvelle sortie de Creation, Lithium ou Factory, certains labels actuels imposent à nos yeux un pacte de fidélité tant la qualité reste constante et l’intégrité toujours de mise. C’est le cas aujourd’hui d’Italians Do it Better ou de… Herzfeld. Car d’Original Folks à Einkaufen, d’Herzfeld Orchestra à A Second of June, le label strasbourgeois n’a jamais cessé de suivre une ligne directrice tout aussi cohérente qu’exigeante, pointue mais pas élitiste. Et ce n’est sûrement pas la dernière signature d’Herzfeld qui nous contredira : Ventre, un trio de Strasbourg dont le premier album, après un Ep sorti en 2008, devrait en toute logique récolter une belle unanimité. C’est que depuis réception de « Undressed Morning », pas une journée sans ressentir le besoin maladif d’à nouveau partir s’abreuver de ces « Tide », « Big Clouds » ou « Cliff » que nous tenons en très haute estime. Une accoutumance qui tient d’abord à la voix cinématographique et planante de Laure Nantois (qui n’est pas sans évoquer celle de Kazu Makino), et puis tout de même à des compositions qui savent parfaitement marier le paisible et l’inquiétante étrangeté, le faux calme et la soudaine irruption volcanique.

Dans une évidente filiation Sonic Youth, Ventre alterne au sein d’un même morceau ambiance atmosphérique, envolées pop puis décharge électrique, mais il le fait aujourd’hui mieux que personne. Parfois, comme sur « Jail » ou « Big Clouds », l’apport Sonic Youth devient troublant au point où la voix rassurante d’Antonin Soulier (qui partage le chant avec Laure Nantois) prend des intonations très Thurston Moore. Cependant, à propos de Sonic Youth, il faudra parler ici d’accointances plutôt que de modèle établi. Car si Ventre évoque certes assez souvent l’ancien groupe de Kim Gordon, alors « Undressed Morning » serait l’album de Sonic Youth que nous aurions souhaité entendre lors des années séparant « Experimental Jet Set, Trash and No Star » de « Rather Ripped ». Autrement-dit : un disque non pas expérimentaliste mais expérimental sachant reléguer les improvisations bruitistes derrière une certaine évidence pop, un disque qui farfouille dans les idées neuves mais qui ne perd jamais à l’esprit qu’une grande chanson doit s’offrir avec clarté et évidence. Fin de la parenthèse sonique…

Souvent, lorsque nous tombons en pâmoison devant un disque, celui-ci nous renvoie à des films et des cinéastes, à des images préexistantes et des souvenirs sous nitrate. Et pour être honnête, voila bien longtemps que nous n’avions pas rêvassé en cinémascope à l’écoute d’une collection de chansons, comme aujourd’hui celles de Ventre, osant défier l’écoulement des heures et l’inactivité sans remord. Au risque de se perdre dans des divagations évasives n’intéressant personne, « Undressed Morning » et ses neuf titres évoqueraient un film d’Hal Hartley renouant avec l’inspiration d’antan (avec un Martin Donovan cherchant coûte que coûte à embrasser Elina Löwensohn), à un plan-séquence de Jim Jarmusch dans lequel un Bill Murray soudainement mutique admirerait en cachette une danse lascive exécutée par Tilda Swinton, au final d’un Gus Van Sant qui montrerait Henry Hopper sentir les larmes lui monter aux yeux à l’évocation de son amour envolé (joué par Chiara Caselli)… Cela pour dire que Ventre excite l’imagination, s’insinue sans forcing dans nos esprits et, banalement, nous inspire, nous aide à retrouver une flamme un peu perdue… Rien que pour cette bénédiction (se sentir plus vivant à l’écoute d’un disque), Ventre devrait, en toute logique, se voir gratifier d’une place en or lors des référendums de fin d’année…




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