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Une femme…

C’est le premier titre à avoir été terminé. Je l’ai toujours placé en tête du tracklisting car pour moi il devait donner le ton du disque. Je pensais avant de commencer que cet album serait un disque avec une couleur plutôt jazz. Je suis très marqué par l’album « where in the world » de Bill Frisell, un disque de jazz très sombre, traversé de larsens lointains, de résonances, de lenteurs, dans un esprit proche de Low, du sadcore, mais en jazz. Quand j’ai acheté ma batterie, j’ai tout de suite essayé de jouer ce genre de choses, des rythmes jazz, sur lesquels j’ai placé des suites d’accord, de la contrebasse, du vibraphone, du piano, du Rhodes… Finalement c’est l’un des rares morceaux de ce genre que j’ai gardés, le seul qui ait une structure un peu habituelle avec thème puis solo. Il est resté en ouverture du disque, mais ne donne plus du tout la tonalité d’ensemble, c’est même presque une fausse piste pour l’auditeur.

Great mazinger

“Great mazinger » c’est le nom du grand robot inventé par Go Nagai juste avant qu’il ne dessine Goldorak. Ce morceau est le seul qui soit basé sur une séquence rythmique faite en machine : il a un coté robotique que le reste de l’album n’a pas. J’ai joué un peu de percussions par-dessus la séquence pour casser la raideur. Bruno Ricard joue des accords au Chapman Stick sur le « refrain ». On ne l’entend pas beaucoup mais il est bien là !

Three children

Ce morceau a été écrit en réaction à un fait divers qui m’avait touché. C’est un titre assez traditionnel pour Imagho, dans lequel je joue deux thème successifs, avant une cassure, puis une reprise des deux mêmes éléments. On entend ça dans « le bord » et « bienvenue » sur Noctures par exemple. Je joue du piano sur celui-ci, comme sur quelques autres (on en entend d’ailleurs un peu aussi dans « une femme… »). Je ne sais pas vraiment jouer du piano, mais j’ai tenu à enregistrer mes parties en direct. Elles ne sont donc pas parfaites, mais au moins je ne me suis pas servi de l’ordinateur pour les retoucher . J’ai fait de même pour tous les instruments sur tout le disque. Il est tellement facile de produire une musique aseptisée avec les possibilités de gommer les erreurs dans les logiciels d’aujourd’hui. J’ai choisi de prendre le contrepied et d’assumer mes limites technique à la batterie, aux claviers, et de proposer un disque le plus vivant possible.

In caso di nebbia

Un morceau d’imagho peut naitre de deux façons : je peux partir d’une composition que je pose sur bandes quand je la maitrise, et que je laisse telle quelle ou que j’arrange, ou à partir d’une bidouille (un son, une phrase, une cellule ryhmique) qui s’est faite un peu par hasard, que j’ai enregistrée et qui m’inspire. C’est ce cas qu’on rencontre ici : j’avais enregistré et trafiqué la boite à rythmes de mon orgue pendant les répétitions de « Jamais 50 », la pièce de théatre sur laquelle je travaillais en 2012, j’ai enregistré cette bidouille et j’ai construit le morceau sur cette base, d’abord en ajoutant les accords de guitare, puis le piano, puis les guitares qui se répondent à la fin.

Meandres

C’est une composition basée sur une cellule de guitare issue d’une improvisation, sur laquelle j’ai ajouté diverses choses : d’autres guitares, du vibraphone, des cymbales et de la caisse claire. Il s’appelle « meandres » parce que sa composition a été tortueuse. Quand je travaille comme ça, je compose en studio, directement en improvisant chaque partie par-dessus les parties que je viens d’enregistrer. Je cherche une idée et l’enregsitre imédiatement, sans répéter. Je ne sais pas ce que va donner le morceau fini, je tatonne, ajoute, enlève. Je « sens » quand c’est fini, je ne le décide pas. Souvent ce genre de morceau ne fonctionne pas, alors je jette. S’il est sur le disque, c’est que j’ai trouvé que l’agglomérat de sons et notes que j’ai construit pas à pas fonctionne bien.

The crossing

Il y a deux morceaux en un dans « the crossing » : l’introduction, et le morceau de guitare. La partie de guitare est une composition qui date de quelques années, dans laquelle je joue trois fois la même suite d’accords, mais en faisant varier la tonalité de certains accords, pas toujours les mêmes, d’une fois sur l’autre. C’est exceptionnel que je fasse ce genre de choses, je ne fais pas de musique « intellectuelle » ou « pour musicien », je ne joue pas consciemment sur les tonalités ou les structures, mais cette fois-ci je me suis amusé avec ça et le morceau me plaisait tel quel, alors je l’ai gardé. Il a été assez difficile à arranger car sur le plan harmonique il était devenu un peu compliqué… l’introduction est venue après : les sons sont faits avec un ebow directement posé sur les ressorts d’une reverbe d’ampli. Le résultat me faisait penser à l’introduction de « Exiles » de King Crimson (sur « lark’s tongues in aspic »), d’où le titre « the crossing », qui m’évoque les gens qui traversent la Méditerranée…

Song for franck

Encore un titre en deux parties, intro puis composition proprement dite. L’introduction consiste en la manipulation d’un seul accord de guitare électrique, passé par différents boucleurs, à différentes vitesses, et par des filtres. La composition proprement dite a été écrite en mémoire de mon ami Franck Badol, batteur de mes trios de jazz dans les années 1990, décédé en 2011. Ce morceau avait été écrit pour la guitare électrique, pour être jouée en concert, avec des arpèges mis en boucle et une ligne mélodique jouée par-dessus. Je l’ai réarrangé pour guitare folk, de façon à pouvoir le jouer sans m’appuyer sur les boucles. Je le joue de cette façon là en concert désormais.

E.t.i.

J’avais envie de faire un morceau basé sur une partie de cymbale ride jouée aux balais, comme dans l’intro de « Inheritance » de Talk Talk. Tout le reste s’est construit petit à petit, comme pour « meandres ». Je ne me souviens pas de la façon dont j’ai obtenu les sons électroniques qui font comme des borborygmes, mais ils m’ont tout de suite fait penser à un langage d’extraterrestres, d’où le titre (Extra Terrestrial Intelligence).

2880 kelvin

Un autre morceau qui fait partie de la veine « jazz » que je pensais exploiter pour cet album. La batterie est jouée « pour de vrai », contrairement à « une femme… » où il s’agit d’une partie de caisse claire que j’avais jouées puis bouclée. J’aime le contraste entre le volume sonore de la batterie et la guitare folk joué doucement. J’aimerais vraiment rencontrer un batteur de jazz et un contrebassiste pour jouer des morceaux de ce genre en concert.

40

J’ai écrit ce morceau, dans une version pour guitare folk solo, pour les 40 ans de ma belle sœur, Corinne Menager, qui avait demandé à chacun de « fabriquer » un cadeau plutôt que de luioffrir un objet du commerce. Je m’étais retrouvé à le jouer en direct le soir de son anniversaire, devant quelques amis à elle, dans son salon, ce que j’ai trouvé beaucoup plus difficile que de jouer en concert. Pour le disque, j’ai joué le morceau à la guitare folk et ai rajouté quelques arrangements, une guitare jazz qui souligne la mélodie, une contrebasse, et pas mal de sons improbables faits avec une bassine d’eau ou en soufflant dans mes poings fermés.

Rosebud

Je crois que je n’ai toujours pas fait le deuil de mon enfance.Je me sens souvent déraciné dans ma vie d’adulte, et la musique m’aide à retourner dans ce monde que j’ai perdu. Le film « Citizen kane » m’a donc particulièrement touché, surtout la dernière scène. J’avais envie d’utiliser le mot « rosebud » pour un titre, c’est tombé sur ce morceau-là. C’est un morceau un peu à part dans le disque, et à part aussi dans ma production. Je le rapprocherais de « Jalore », le titre inédit qui figure dans le coffret des 10 ans de We Are Unique, et de « one with charly » sur Nocturnes . Ce sont les trois seuls morceaux d’Imagho à avoir une rythmique un peu sautillante. Rosebud a de plus un thème joué à la guitare saturée, je pense que c’est le seul. L’assise rythmique s’écroule vers la fin, laissant le thème poursuivre seul, un peu comme j’avais fait dans « circaetes » sur « Inside Looking Out »…

We got company

Un morceau sans guitare ! Il s’agit d’une composition écrite au piano, avec des arrangements d’orgue traité par des échos qui m’ont fait penser au morceua de Michel Magne, « signaux codés non identifiés ». Comme j’’avais déjà utilisé ETI, j’ai choisi de l’appeler « we got company » en référence à un même qui m’avait amusé. C’est aussi le seul morceau sur ce disque qui contienne un field recording, pris sur un vinyle de bruitages pour diaporamas…

Angel

C’est une composition pour guitare électrique, que j’ai finalement adaptée pour la guitare folk. J’ai simplement rajouté un solo et un chœur de voix. Je n’y ai pas pensé en faisant le tracklisting, mais c’est la première fois que je mets ma voix sur un morceau d’Imagho, e til est à la fin du disque. Je travaille en ce moment même sur un EP chanté. S’il sort à la suite de « meandres », j’aurai fait en douceur la transition entre l’imagho muet et l’imagho parlant. Ceci dit, l’album que je prépare depuis quelques années sur Richard brautigan (une adapation de « un privé à Babylone », avec Gordon Paul pour lire les textes) est terminé. Je commence en ce moment même la recherhce de labels. Cet album, intitulé « The Dreamer », verra peut etre le jour avant le EP. Dans tous les cas, le prochain album d’Imagho aura une voix comme élément principal.