> Interviews



Interview réalisée via mail en Avril 2008

On a dû vous la poser souvent mais d’où vient ce nom de groupe ?

— Pas d’une longue réflexion en tout cas ! Il vient d’un dessin fait sur le coin d’une nappe pendant un repas bien arrosé. Quelques mois après avoir commencé les répétitions à cinq, on s’est mis à imaginer des noms de groupe devant un poulet aux écrevisses. Pas très sérieusement en fait, jusqu’au moment où Sylvain s’est rappelé du nom d’un groupe grenoblois dans lequel il jouait, Alain Delon Goes Pop. ça nous a beaucoup fait rire, on a évoqué des souvenirs, et pendant ce temps-là j’ai dessiné machinalement ce petit personnage qui s’enfuit devant un biplan (dessin qu’on peut voir sur la rondelle de notre premier disque), en pensant vaguement à la Mort aux trousses. L’oreille droite, toujours dans la conversation, m’a poussé à écrire ça : Hitchcock go home ! On a commandé une troisième bouteille...

Le clin d’œil à Alfred est également sur la pochette qui n’est pas sans nous rappeler une scène mythique de la mort aux trousses. Alfred doit-il être toujours présent même sur les disques de HGH ?

— J’ai l’impression qu’il est difficile de se passer de ce petit univers maintenant qu’il est là. Il s’est un peu imposé à nous, d’une certaine manière il nous incarne et nous représente mieux qu’une photo de groupe... Ce petit personnage (qu’on appelle "hitch"), décliné sur tous nos visuels avec le biplan, revient comme un leitmotiv doux-amer ; il peut évoquer des situations drôles, absurdes, tragiques, stressantes, faussement tranquilles... toutes ces nuances qu’on essaie de mettre dans notre musique. Et c’est devenu comme une signature, à laquelle notre public a l’air de tenir si j’en juge par les nombreuses demandes de reproductions de visuels que je reçois...

Comment un morceau de HGH naît il ?

— La plupart du temps, je propose au reste du groupe une ébauche, qui peut être une demo 4 pistes assez aboutie, ou un simple thème de guitare ou de banjo. Cette base est retravaillée à cinq, parfois de fond en comble, jusqu’à ce qu’on éprouve le petit frisson caractéristique du morceau en train de naître. Je donne quelques directions au départ s’il y a dans mon brouillon un esprit que je veux garder, et ensuite chacun propose des idées, pour lui comme pour les autres. Quelqu’un qui avait chroniqué un de nos concerts avait parlé de "song-painting collectif", je trouve que ça résume assez bien ce qu’on essaie de faire. Bien sûr, au bout d’un moment nos efforts deviennent plus rationnels, on essaie de verrouiller les structures et les parties de chaque instrument pour "arrêter" une version du morceau qu’on enregistrera ensuite.

Le costume étroit du post rock finit-il par vous peser, ou avez-vous depuis longtemps décousu le vêtement pour le recoudre à votre façon ?

— Cette image est très juste : nous n’avons jamais vraiment mis les deux pieds dans le post-rock, ni même tenté de le faire. Simplement lorsqu’on nous demandait de définir notre musique, qui est rock mais pas pop, étirée mais pas progressive, folk mais pas roots, on ne savait pas trop quoi répondre. Nous avons opté, faute de mieux, pour ce "folk-post-rock" qui peut tout et rien dire. Disons qu’il résume assez bien nos influences, qui vont de Nick Drake à Godspeed en passant par dEUS. Je ne dirais pas qu’Hitchcockgohome ! est un groupe "post-rock", pas plus qu’il est "folk", mais notre musique associe souvent ces deux polarités sur le terrain fertile du rock.

Le folk semble avoir pris une part importante dans votre écriture, comment ce changement s’est présenté à vous ?

— Il a toujours été là, dans la mesure où la plupart des morceaux naissent de ce que je compose à la guitare ou au banjo, et portent en eux la trace de ce que j’aime jouer dans ces moments-là, des thèmes de picking hérités de Nick Drake, Neil Young, Pete Seeger, Bert Jansch, Carter Family... Lorsque nous composions les morceaux qui allaient constituer notre premier album, c’était moins flagrant car nous habitions tous à Paris, et répétions systématiquement à cinq, du coup les "brouillons" assez folk était remaniés très tôt par le groupe. Depuis fin 2004, j’ai déménagé à Grenoble, et notre méthode de composition a sensiblement évolué. Je prépare des brouillons plus aboutis, qui comportent souvent deux lignes de guitare ou de banjo, une ligne de chant et de contrechant, une idée de structure... J’en transmets un enregistrement aux quatre zouaves, pour qu’ils s’en imprègnent et cherchent leurs parties, et de cette manière lorsque nous répétons à cinq, toutes les 6 semaines environ, ils ont pu de leur côté avancer et imaginer des propositions qui permettront de recréer le morceau collectivement, sans passer trop de temps à tâtonner. Ce processus laisse donc plus facilement émerger la "racine folk" des morceaux, je suppose...

Quels sont les thèmes qui nourrissent vos textes ?

— Il faudrait aussi poser la question à Fanny et Sylvain, qui écrivent ou co-écrivent une partie des textes... En ce qui me concerne, je suis un peu une éponge, c’est donc souvent l’humeur du moment, ou ce que je viens de lire ou d’entendre à la radio, qui amène des idées d’écriture. Certaines chansons s’intéressent aux sentiments, en évitant, j’espère, d’être trop sentimental ; j’aime bien effleurer les états d’âme en quelques phrases, quelques images, évoquer la honte, la lâcheté, les regrets, la peur de la solitude, l’aveuglement, l’indécision, l’hypocrisie, la peur de l’autre... la plupart du temps, c’est donc plutôt une dimension intimiste qui prédomine, mais il y a des exceptions, qui viennent souvent de ce que je viens de lire ou d’entendre. Par exemple, "I’m not dead" sur le premier album, est sorti après une série de reportages radio sur le conflit israelo-palestinien, et parle de quelqu’un qui revient à la conscience après l’éclatement d’une bombe. "Pale or blue", sur le deuxième album, fait écho au même thème, je voulais évoquer l’aveuglement terroriste. D’autres textes sont directement inspirés par mes lectures, comme le roman "Lanark" d’Alasdair Gray, qui m’a durablement marqué. Tout ça n’est pas très léger, mais je reconnais être incapable d’écrire une chanson pop, ou même drôle ou acerbe. À chaque fois que je m’y suis essayé, le résultat, seul ou en groupe, n’a rien donné. Je ne suis pourtant ni sombre ni dépressif, mais le spleen est pour moi un meilleur générateur d’émotions que la fête...

Pensez-vous systématiquement au concert quand vous écrivez ? Dans l’absolu pourriez-vous enregistrer un album sans avoir en tête sa retranscription sur scène ?

— Hé bien, c’est en fait ce qu’on essaie de faire ! Xavier Simon (Drunk Dog) et Vincent Leservoisier (qui a enregistré nos deux albums) nous ont aidés à comprendre qu’un disque est une chose, et la scène une autre chose. Ceci dit c’est souvent un même mouvement, car nous essayons d’enregistrer "live" dès que c’est possible, au minimum les trois guitares ensemble. Avant 2003, nous concevions beaucoup plus les morceaux en pensant à la scène, car nous n’avions pas imaginé qu’ils puissent se retrouver sur un disque. Ensuite, et particulièrement depuis que le premier album est sorti, nous avons essayé de composer les morceaux pour eux-même, sans se soucier d’autre chose que de notre propre plaisir à les jouer et à les entendre naître. Dans ces moments-là, quand un passage nous semble donner un frisson immédiatement, et sans qu’il soit trop difficile de le jouer, nous savons qu’il faudra le garder et le valoriser sur scène. Dans d’autres cas, nous cherchons simplement le meilleur arrangement avant de pouvoir l’enregistrer. C’est à dire, aussi, celui qui nous laissera le moins de regrets avec les années. Et maintenant, nous essayons de trouver des arrangement ou des idées d’interprétations spécialement pour la scène. C’est quelque chose que nous n’avons pas assez fait auparavant, si bien que certains soirs de concerts les morceaux sonnaient creux, désincarnés à force d’être joués tels que nous les avions enregistrés. Nous voulons retrouver un plaisir simple et communicatif à les jouer, ça peut passer par une subtilité d’arrangement ou par un changement radical...

Quelles sont vos influences majeures, et pas seulement dans le domaine musical ?

— Si je peux parler au nom du groupe, je dirais que musicalement, nous sommes tous depuis longtemps fans de dEUS, Pavement, Arab Strap ou Radiohead, que nous avons pris une bonne claque en découvrant les groupes du label Constellation, et que tout ça doit s’entendre, ajouté à un fond d’americana, de folk qui vient de plus loin (mon père écoutait pas mal de folk progressif ou de musique old time). Plus simplement, je crois qu’on fait la musique qu’on a envie d’entendre, et qu’on puise l’inspiration dans ce qu’on vit, ce qui nous entoure, ce qui nous enthousiasme, ce qui nous effraie... Ce patchwork de petites choses est autant une influence que les disques que nous écoutons ou découvrons. Je crois que nous aimons tous le cinéma des frères Cohen, celui d’Hitchcock aussi, mais si on se fait une soirée devant un film, on se jettera plutôt sur "Sacré Graal" ou "La vie de Brian"...

Comme cet interview fait parti d’un spécial drunk dog, que pensez-vous des deux autres sorties du label que sont Cvantez et SZ ?

— Hé bien, ce sont deux très bons disques ! Là encore, comme c’est beaucoup le cas avec les disques Drunk Dog, il y a un pied dans le post-rock, et l’autre ailleurs, si bien qu’on aurait du mal à les classer définitivement quelque part. Je connais mieux les morceaux d’SZ, j’habite à deux pas de chez Franck Litszler et j’ai pu les entendre souvent... il y a dans leur deuxième album tout ce qui faisait déjà le charme de leur musique, plus un son et une intensité de jeu décuplés. Leur musique est devenue plus physique, plus charnelle je trouve. Quant aux morceaux de Cvantez, je suis bien content de les entendre enfin, cette sortie a été reportée plusieurs fois ; Olivier nous avait précédé dans la maison normande qui a servi de studio pour "Yes you’re dead !", et nous avions entendu des rushes excellents... Il est question qu’Hitchcockgohome ! fasse un jour le backing band sur scène pour jouer certaines de ces chansons.

Comment vous êtes vous retrouvés sur le label de ce chien alcoolique ?

— En urinant sur le même réverbère... Plus sérieusement, en mai 2003 nous devions jouer au Nouveau Casino, et un ami nous a mis en contact avec Xavier pour l’inviter à ce concert. On connaissait un peu Porcelain, ça nous plaisait bien... Bref, Xavier est venu, et ce qu’il a entendu a dû lui plaire puisqu’il nous a proposé de faire un album.

Le mot de la fin est pour vous ?

— Oui.