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En parallèle de la Fête du Bruit 2016, Sophie Blondy, réalisatrice est venue présenter en avant-première, son deuxième film L’Etoile du jour ( sortie sur les écrans le 28 Septembre 2016) en compagnie de Béatrice Dalle et de Tchéky Karyo.

Denis Lavant, Iggy Pop, Natacha Régnier et Bruno Putzulu complètent ce casting aussi impressionnant que fascinant qui incarne une compagnie de cirque itinérante en marge de la ville, huis-clos face à la mer du Nord. L’Etoile du jour est une odyssée expérimentale visuelle et sensorielle où les enjeux des relations humaines : l’amour, la jalousie, la trahison, la convoitise... s’éprennent et s’éprouvent. 
Rencontre, en lisière du festival, avec Sophie Blondy et Béatrice Dalle : une commune présence légère et grave de deux demoiselles pleines de vies et d’envies.

ADA : Comment vous êtes-vous rencontrées ?

Sophie Blondy : J’ai voulu rencontrer Béatrice. Son agent m’a donné son numéro, je l’ai appelée : c’était très touchant, j’étais très heureuse. Je lui ai laissé un message, je pensais qu’elle ne me rappellerait pas. Puis elle m’a appelé, j’ai entendu sa belle voix. J’étais heureuse qu’elle accepte de jouer dans mon film.

Béatrice Dalle : C’est la patronne qui a voulu me rencontrer. Je l’ai écoutée. Je lui ai donné rendez-vous dans un bar à la Laurel et Hardy !

ADA : Vous aviez déjà le personnage de Zohra en tête ou est-ce Béatrice Dalle qui vous l’a inspiré ?

S.B : Au début, j’avais le personnage de la gitane en tête. C’est quelque chose qui se dessine peu à peu. Après ça s’est imposé, je la voyais bien en gitane.

Quand on écrit une histoire : les personnages prennent de la force, de l’ampleur. Je découvre petit à petit leur visage. On est guidé et d’un seul coup, un acteur s’impose à vous. Des correspondances. Ce sont des choses magiques de la vie : on rêve de quelqu’un comme ça et puis c’est possible.Alors on est content, on est heureux.

ADA : Comment avez-vous préparé le rôle de Zohra ?

B.D : Moi, j’aime pas le mot préparer ! Je tombe amoureuse d’un metteur en scène ou d’une metteuse en scène par son esprit, par sa vision des choses, de ce qui se passe autour de nous. Elle m’a séduite, je l’ai suivie dans son aventure. Maintenant, si elle m’avait demandé une préparation particulière peu importe laquelle, bien sûr je m’y serais pliée avec grâce et grand plaisir. Mais ça n’a pas été le cas. C’est sa manière de travailler, je l’écoute.

ADA : Vous avez été danseuse chez Béjart, actrice, scénariste... : comment ces univers nourrissent votre réalisation ?

S.B : Tout nourrit de toute façon : la vie nous nourrit : les expériences, les images. Tout est lié de toute manière.

ADA : Votre choix des interprètes acteurs professionnels et non professionnels, votre manière de filmer les personnages, les regards, les gestes, les visages sont proches du documentaire.

S.B : Vous savez quand on fait du documentaire, quand on filme les gens : ils ne vont pas composer un rôle. Quand on passe à la fiction, on le fait presque avec le même élan. En fait, on fait une fiction avec la démarche du documentaire, sans peser. Tous les acteurs ont une présence qu’ils soient principaux ou secondaires ont tous une présence assez forte.

ADA : Votre film peut être reçu, vécu comme une expérience : les sensations, la lumière du Nord, les jeux de cadrage, d’effets visuels. On est emporté par un mouvement, pas forcément une histoire.

S.B : Tant mieux alors ! Il y a le travail du chef-op aussi, de l’équipe.

B.D : On est tellement canons aussi que c’est impossible de nous rendre moches.

ADA : Le film a été tourné en 2011 et sort le 28 Septembre 2016. Que s’est-il passé en cinq ans ?

S.B : C’est une longue gestation : il a fallu que je monte ma société, le producteur nous a lâché, de trouver les fonds pour que le film prenne son envol. Cinq ans de travail et de gestation.

ADA : Durant ces cinq ans, vous avez joué au théâtre avec Lucrèce Borgia de Victor Hugo mis en scène par David Bobée. Cette première expérience scénique a-t-elle nourri votre interprétation de Zohra ?

B.D : Je l’ai fait après, donc ça n’a pas d’impact sur le film de Sophie Blondy. Mais il y a une espèce d’aisance, que c’est plus facile après. Au début, je ne voyais pas les différences, les deux univers m’intéressent vraiment. Je viens de finir un film la semaine dernière et je me suis rendue compte que je retenais plus facilement le texte : on me le filait le matin et il me revenait intact. Comme si j’avais prêté allégeance à je ne sais pas quoi d’ailleurs !

ADA : Toute oeuvre possède des références conscientes ou inconscientes. Dans L’Etoile du jour l’empreinte italienne est forte. On pense à la photographie de Mario Giacomelli avec les présences évanescentes du couple Denis Lavant et Natacha Régnier sur la plage, au cinéma italien comme La Strada de Federico Fellini avec l’univers du cirque. Il y a une évocation plus directe à l’univers italien avec la couverture en arrière-plan de La Ragazza de Carlo Cassola.

S.B : Oui c’est vrai. Vous voyez le personnage de Tchéky Karyo, il écoute une radio hongroise dans sa caravane. J’aime l’idée qu’ayant travaillé dans le cirque, ils aient travaillé en Hongrie, à Budapest, en Italie ou ailleurs. On ne sait pas d’où ils viennent, où ils vont.

ADA : Leur camp en marge face à la mer en fait, comme vous l’avez dit des naufragés mais aussi des évadés. Ils sont proches des personnages d’une pièce de théâtre Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès : dans leur recherche éperdue d’amour, ils ont aussi besoin d’être consolé.

B.D : C’est une belle référence !

S.B : C’est vrai que leur dimension tragique se nourrit de ça aussi C’est vrai c’est beau. J’ai toujours cette référence du personnage de Béatrice quand elle accroche son linge, elle les voit au loin. A chaque fois, il y a quelque chose qui me remet dans le moment où (s’adressant à Béatrice Dalle) on l’a vécu.C’est vrai que c’est une douleur d’être épris d’amour de quelqu’un et de le voir courir, heureux avec quelqu’un d’autre.

ADA : Vous avez d’autres projets en commun ?

B.D : Oui plein !

S.B : C’est vrai que moi... j’aimerais beaucoup..enfin voilà je n’ai pas les mots mais qu’on retravaille ensemble. C’est un grand bonheur. ça va plus loin que faire un film ensemble, il y a des correspondances. J’ai l’impression qu’on retrouve la fraîcheur quand on avait quinze ans qu’on était au collège.

B.D : Quoi qu’elle me propose, je dis oui ! On écume les festivals de rock, c’est super cool ! On dirait des cousines en vacances à Landerneau. C’est cool de faire ce qu’on fait, de défendre le film que tu aimes.

S.B : C’est tellement merveilleux : cette fidélité de Béatrice à m’avoir suivi, à m’aider, à me soutenir.

ADA : On sent une grande complicité non seulement entre vous et les acteurs.

S.B : Parfois, ça arrive que les acteurs soient déçus, car ils donnent beaucoup sur le tournage et ( s’adressant à Béatrice Dalle) ça t’est peut-être déjà arrivé que tu ne retrouves pas sur l’écran ce que tu as donné. Si les acteurs n’avaient pas aiméle film, ça m’aurait fait mal.

ADA : Vous êtes tentée par le théâtre ?

S.B : J’aimerais bien mais c’est une autre structure, j’y ai pensé oui. Voilà ce sont des projets en gestation qui sont en suspens.

B.D : Moi, je reprends Lucrèce Borgia à la Grande Halle de La Villette à partir du 30 novembre. J’ai fini le Lelouch et puis un autre mais celui-là il est tellement scabreux, qu’il va falloir attendre un peu, ça va être de la bombe atomique !

Crédits Photos : Jérôme Sevrette

www.photographique.fr

Merci à Xavier Madec et Cédric Fautrel à Geoffrey Garreau de Wide Distribution



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