Sorti au printemps , ce deuxième album de Mona Kazu est l’une des belles surprises de cette année 2016. Fort d’un univers bien marqué, le groupe est parvenu à jouer avec celui-ci en le baladant le long d’un disque qui ne demande qu’à être apprivoisé. L’occasion était trop belle pour nous, via un selectorama de mieux connaitre le groupe, via des références évidentes et une histoire qui va bien au-delà de lui.
C’est donc Priscille Roy et Franck Lafay qui nous répondent, deux des membres du groupe, et si vous suivez l’actualité du site, nos excellents reporters sur quelques festivals.
Sugar - JC Auto
Franck : je me suis pris Copper Blue (le 1er album de Sugar) en pleine face, à la sortie du disque. Je ne sais plus comment j’ai connu (Lenoir ? Les Inrocks ?), mais ça a été très fort pour moi : une telle puissance, des couches et des couches de guitares, des mélodies plutôt pop sur une musique aussi dense, c’était assez inédit pour moi. Alors quand sort Beaster, son côté sombre m’emporte encore plus. Mélodique, intense, sombre. J’ai ensuite fait de l’archéologie mouldienne en découvrant tous ses disques précédents, avec Hüsker Dü et en solo, et me suis pris encore de grosses baffes. On peut dire qu’il a été (et reste, notamment pour le côté "j’empile des guitares") une de mes influences majeures dans le temps. Je le suis toujours, même si je le trouve parfois en pilotage automatique musicalement parlant.
U2 - Zoo Station
Priscille : Ça me ramène aux années 90, on écoutait ça avec des amis, mais je ne les ai jamais vu en concert à l’époque. Il paraît qu’il y a un tribute sympa qui va se faire sur ADA…
Franck : Achtung Baby, un des derniers albums intéressants de U2 avec Zooropa à mon avis : ensuite, ils ont basculé dans l’auto-citation, c’est devenu ennuyeux. J’ai dû découvrir grâce à mon frère qui écoutait War en vinyle dans les 80s, et comme pour Bob Mould, j’ai à la fois suivi la carrière et fait un retour en arrière pour découvrir l’innocence des débuts. Cela dit, l’album The Joshua Tree, qui reste sans doute mon préféré, a été l’un des nombreux déclencheurs pour que je joue d’un instrument. Vu une fois en concert à la Halle Tony Garnier (Lyon), je ne me souviens quasi que d’avoir essayé de rester debout, de parfois toucher le sol au milieu de la marée humaine… autant dire que dans ces conditions, je n’y ai pris aucun plaisir, dommage. Du coup, j’évite maintenant ces lieux géants de concert.
Chokebore - Where is the Assassin ?
Priscille : J’ai découvert Chokebore sur le tard, et j’ai donc pu me faire la discographie d’une traite telle l’obsessionnelle compulsive que je suis. Je pensais, rêvais, respirais Chokebore pendant plusieurs mois, et miracle, ils se sont reformés, et j’ai pu les découvrir en live, en les suivant telle une groupie sur plusieurs concerts de la tournée. Sur cet album (Black Black), ma préférée reste "You are the sunshine of my life".
Pour l’anecdote, on a récemment repris le titre "It could ruin your day" pour une compil à paraître via l’excellent fanzine Équilibre Fragile.
Franck : Ah Chokebore ! Ce morceau n’est pas forcément le plus marquant, bien qu’il préfigure la carrière solo de Troy von Balthazar, et qu’il soit extrait d’un de leurs tous meilleurs albums.
Que de souvenirs liés à ce groupe. Je ne sais pas combien de concerts j’ai pu faire d’eux, sans doute une bonne quinzaine, à chaque fois différent et à chaque fois d’une intensité folle, comme si la vie en dépendait. Chokebore en concert, c’est une drogue dure en fait. Cette alternance de moments de tension et de relâchement, de tristesse assumée… Vu pour la 1e fois au festival de Fontenay-le-Comte en Vendée en 96, j’y allais alors avec la casquette d’apprenti journaliste, tenant une émission musicale dans une radio locale en Bourgogne. En plus de me prendre une méchante claque aux différents concerts (j’y ai aussi notamment vu Girls Against Boys, Portobello Bones…), j’ai eu la chance de pouvoir interviewer plein d’artistes, dont Troy… et de me sentir complètement transpercé par son regard et sa sincérité…
Dominique A - Le convoi
Priscille : Et dire que sans Dominique A, Mona Kazu n’existerait pas ! Cela me ramène en 2010, à une période où j’avais arrêté la musique, où je n’arrivais même plus à en écouter... Au fond du trou... Et je m’étais laissé trainer par Franck au concert de Dominique A à Montceau... Ça avait été une grosse claque, une thérapie musicale éclair qui en quelques heures m’avait redonné le goût et l’envie de faire de la musique. Cette magie existe toujours. Et c’est beau et c’est bon. Dans mes albums coup de cœur, je citerais La musique/La matière, Auguri & Remué.
Franck : Ah, c’est une des chansons que j’aime le moins de Dominique A. Pour être honnête, depuis 2 albums, on se retrouve de moins en moins dans ses chansons, ses textes. Par contre, en concert, ça reste vraiment à voir, entre l’intensité des interprétations, l’énergie parfois brute (mention spéciale à l’excellent Thomas Poli sur les tournées La musique/ La matière et Vers les lueurs) et l’échange avec le public. Je l’ai découvert comme beaucoup, à l’écoute de Lenoir, et n’ai pas immédiatement accroché d’ailleurs ; le côté bricolé minimaliste des débuts ne me touchait pas plus que ça ; à partir de La mémoire neuve, on sent une écriture qui devient fluide & mature. Et puis bien sûr, je me prends la claque magistrale avec Remué, évidemment : le plus tendu, et aussi le plus expérimental, avec des chansons et des textes forts, des arrangements audacieux, un son singulier.
Mendelson - La Force quotidienne du mal
Priscille : du coup, j’ai découvert Mendelson grâce à Bruit Noir, logique non ? J’avais vu passer le nom dans des chroniques, mais c’est la claque que j’ai reçue à l’écoute de Bruit Noir qui m’a donné envie de me plonger dans l’univers de Pascal Bouaziz. J’aime beaucoup.
Franck : Impressionnant Pascal Bouaziz. Par la diversité de sa production (Mendelson, Bruit Noir, son tout récent disque sous son nom, etc.), des univers musicaux et par les mots qu’il manie avec un talent fou. Et tout ça dans une relative discrétion qui fait parfois douter des oreilles des médias établis… Bref, ce mec est très fort pour décrire en peu ou beaucoup de mots, avec émotion ou cynisme, avec retenue ou exagération manifeste le monde, la relation humaine, l’être dans toutes ses fragilités, ses contradictions, ses lâchetés…
NEU ! - Hallogallo
Franck : Ah, je n’en avais encore jamais écouté ! Oui, j’avoue, ma culture en guise de Krautrock est très pauvre. Pourtant j’aime beaucoup ce qui se fait maintenant dans le domaine : Beak>, E.S.B., Drame… il y a aussi un album de Philippe Poirier (Automne Six, sorti en 2003) avec Stefan Schneider de To Rococo Rot qui est bien dans l’esprit. Il faut que je me plonge dans les racines !
Du coup, pour l’influence allemande, je pencherais plus pour The Notwist qui mélange avec une rare dextérité une certaine forme de pop et de l’électro (à l’instar de Hood, que j’adore aussi) qui tourne en transe répétitive sur scène. Et aussi bien sûr Einstürzende Neubauten que je n’écoute d’ailleurs pas assez.
Priscille : Je ne connais pas mais si c’est allemand, ach, c’est certainement très bien !
BAKA ! - Morte saison
Priscille : Mais, c’est le duo de Franck et Jean-Louis, j’adore ! J’ai eu le privilège de les voir 2 fois en concert et mon cœur ne s’en est jamais remis. J’attends le prochain album avec une vive impatience !
Franck : Ah bon ? Un nouvel album ? Pour le moment, il n’y a rien de neuf prévu, mais il est toujours question d’enregistrer de nouvelles choses donc… wait and see ! Bref, ce titre est sans doute un des morceaux les plus joyeux de Baka ! (ahah). Quand on a composé ce disque avec Jean-Louis (aka JL aka Imagho), on ne s’est pas rendu compte de la noirceur qu’il dégageait. En lisant les chroniques par contre, on a compris ! On en reste très fier, d’autant plus quand on considère les moyens techniques limités qu’on avait à l’époque.
C’est avec Baka ! que je me suis réellement plongé dans les programmations, sous Atari à l’époque, avec un sampler. Je n’ai jamais vraiment arrêté, mais Mona Kazu m’a permis de m’y remettre sérieusement après le départ de notre 1er batteur (entre le 1er EP et le 1er album), où on a cherché à développer un son plus électronica.
Tarwater - The Watersample
Franck : Tiens, encore un groupe allemand ! Si je me souviens bien, c’est JL qui m’a fait découvrir Tarwater avec l’album Silur, dont ce titre est extrait. Il y a quelque chose de classe dans ce disque, l’univers très marqué autour de (belles) boucles, de sons triturés, de voix plutôt monocordes, lui confère une aura particulière. Évidemment, le travail autour de la boucle y est aussi très inspirant.
Priscille : Ach, je ne connais toujours pas ! Il s’en passe de belles choses en Allemagne.
PJ Harvey - Meet Ze Monsta
Priscille : PJ Harvey, ma déesse ! C’est Stéphane, le bassiste de mon groupe Blumen (et de Mona Kazu) qui me l’a fait découvrir à l’époque de Dry : c’est ma porte d’entrée dans le rock indé, et une immense référence pour moi en tant que chanteuse. J’ai passé des heures à chanter sur ses albums, à écouter mes titres préférées en mode répétition, encore et encore, jusqu’à la transe. PJ a une liberté en écriture et dans ses interprétations que je lui envie.
Franck : Une histoire d’amour qui commence en 91, dès la sortie du 1er single Dress diffusé chez Lenoir (encore). Et même quand elle nous fait le coup du concert très très court à l’époque du 2e album (50 min rappel compris), on n’arrive pas vraiment à lui en vouloir tant ce qu’elle délivre est cru et sans concession. Sans doute une des artistes dont j’ai le plus écouté les albums – avec Chokebore et Bob Mould - tous tellement riches et différents, parfois désarçonnants mais jamais décevants. Elle a su évoluer de façon régulière, en évitant la redite à chaque fois. Sur toute sa discographie, j’ai un coup de cœur pour le 1er album avec John Parish "Dance Hall at Louse Point", et aussi pour "Is this desire" dont la production et les incursions électroniques me comblent toujours à chaque écoute.
Laetitia Shériff - "Where is My ID"
Priscille : ma seconde déesse. Je l’ai écouté sur le tard, parce qu’avec mon fameux esprit de contradiction, plus on me conseillait de l’écouter, moins j’en avais envie. Et pourtant, on me l’avait même mis dans une compilation d’amoureux (si, si, et c’était ’that lover’ et ’the date’, tout un message). Je l’ai réellement découvert avec ’Games over’ que j’écoutais en boucle et sur lequel officie Olivier Mellano, un autre de mes artistes fétiches. L’Ep ’where is my ID’ a confirmé mon amour pour elle. Franck et moi l’avons suivi sur de nombreuses dates lors de la dernière tournée pour ’Pandemonium, Solace and stars’ (voir nos articles à ce sujet sur ADA) et c’est peu de dire que je suis fan de sa musique et de sa voix. C’est presque une drogue !
Franck : Découverte avant même son 1er album, des titres live circulaient sur les internets (via un forum plein d’indie-lovers) dès le début des années 2000. Et déjà, conquis par sa voix et son univers singulier, personnel. Du coup, évidemment, j’ai suivi ses sorties discographiques et assisté à ses concerts quand elle passait dans la région… sauf pour la dernière tournée (Pandemonium Solace and Stars), où on a parfois fait pas mal de route pour aller l’écouter. Elle participe aussi à de nombreux projets artistiques tous recommandables. Et puis c’est une artiste impliquée humainement & socialement, ça ne peut que nous toucher. Elle rejoint à ce titre Serge Teyssot-Gay dont le parcours fait de rencontres s’inscrit très souvent dans une démarche indépendante & militante, bien que non ouvertement "engagée".
Imagho - "Song For Franck"
Priscille : Encore Jean-Louis ! J’aime beaucoup Imagho, avec lequel nous avons partagé l’affiche pour un concert en 2013. Son univers est tout en poésie et douceur, avec de jolies références à Frisell.
Franck : Je précise tout de suite, bien qu’on soit ami avec JL, ce titre ne m’est pas dédié : c’est un hommage au batteur de son groupe de jazz, décédé prématurément. J’aime beaucoup son univers qui tire des influences de beaucoup de styles ; des débuts assez sombres et expérimentaux, il a fait un chemin cohérent vers une forme d’apaisement, de dépouillement parfois (son album Reversed, en guitare solo, disponible uniquement sur Youtube). C’est un artiste qui trace sa voie sans calcul, au gré des envies, des rencontres, et chacun de ses albums se découvre avec émerveillement. Et puis, il faut bien l’avouer, je lui envie son sens de la mélodie.
Non Stop - Devant ma nuque
Priscille : Un des groupes qui m’a fait venir au rap, avec Zone Libre et Psykick Lyrikah. J’écoute régulièrement les 2 albums de ce groupe qui n’existe malheureusement plus. Leur humour grinçant, les paroles proches de l’absurde et tellement justes à la fois et le flot avec ce bel accent du sud ouest, tout me plait !
Franck : Après la claque Programme, notamment le 1er album qui pour moi est une référence absolue, Non Stop, le versant déjanté d’un rap avec une énergie rock ne pouvait que m’interpeller ! Les textes sont juste terribles, des raccourcis saisissants, des formules chocs, une musique percutante, mais qui sait aussi se faire plus sombre. J’ai moins accroché sur le second album, un peu moins inspiré à mon goût.