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Kythibong fait partie de nos fiertés nationales qui n’ont de cesse de publier des albums formidables et déroutants, tout en se remettant inlassablement en question. Initialement plutôt orienté rock alternatif avec ses fers de lance Room 204, Fordamage ou Belone Quartet, le label s’est rapidement débarrassé de cette étiquette avec entre autres la folk neurasthénique et émouvante de The Healhty Boy, l’electro-math-game-boy-core Seal Of Quality ou les délires lysergiques et minimalistes de Gratuit.

Pour sa 16° année, le label a publié pas moins de 8 albums, dont certains ont déjà eu l’honneur d’être chroniqués chez nous (The Slow Sliders, Gratuit, Chocolat Billy) ainsi qu’une réédition, "Vous et Nous" de Brigitte Fontaine et Areski Belkacem, une première pour Kythibong.

Les débuts d’année sont propices aux bilans. Voici donc un petit check up du label avec Aymeric, l’un de ses 3 co-fondateurs.

Aymeric/Papaye, Le Jardin Moderne à Rennes, 2011. Photo par Renan Peron]

ADA : Pourrais-tu nous faire un bref historique de Kythibong ?

Aymeric : Kythibong s’est créé en 2002, de manière irréfléchie pour produire en urgence le premier album de Room 204, et il a bien fallu quatre - cinq références avant qu’on se dise « hey mais en fait on est une sorte de label là » et que l’on commence à faire tout le travail qui va avec (promotion/diffusion/distribution/...). Nous avons à ce jour sorti presque 70 disques.

Nous sommes trois à nous en occuper : Anthony, également disquaire à Mélomane à Nantes, Marion, dessinatrice du collectif Palefroi à Berlin et Aymeric, musicien à Nantes. Anthony et Aymeric sont frères. Marion, presque.

ADA : Comment Kythibong s’en sort depuis sa création pour financer ses disques, faire la promotion, trouver des dates de concert ?

Aymeric : Comme on dit, petit à petit, l’oiseau fait son nid.

On est parti de bouts de ficelle.

Kythibong fonctionne sur bénévolat, nous n’avons pas de salaires à payer, donc l’argent tiré des ventes de disques s’il y en a est toujours réinjecté dans d’autres disques.

Une fois par an aussi on s’occupe de la gestion de bars sur de l’évènementiel, et cet apport sert également pour les sorties.

Et on est ultra radin. Pour dire, quand on va déposer des disques chez le distributeurs, on paie l’essence de notre poche. Ahah.

Tout ça mis bout à bout fait notre économie.

Pour la promotion c’est pareil, elle est quasi exclusivement faite maison et le réseau s’est créé au fur et à mesure.

Pour le booking par contre on s’en sort mal vu que l’on a décidé de ne pas du tout s’occuper de ce domaine.

ADA : Est-ce que le fait d’être basé à Nantes change quelque-chose pour le label ?

Aymeric : Non, je ne pense pas. Ça n’apporte rien de particulier. Je dirais même que ça pourrait plutôt nous désservir, de ne pas être sur la capitale où beaucoup de choses se passent dans ce domaine.

Mais comme pour les légumes, on préfère bosser local.

Coup de chance, Nantes et les départements alentours sont assez bien fournis en groupes talentueux.

ADA : Quel est le disque de la discographie de Kythibong dont tu es le plus fier ?

Aymeric : Pas de favoritisme. Tu n’auras aucun nom.

Après quand on voit comme le catalogue s’ouvre, on a la sensation d’avoir accompli un truc chouette. Finalement c’est peut-être la disparité qui nous rend fier.

ADA : Quel est le disque que tu aurais voulu sortir sur ton label ?

Aymeric : Aucune idée. Un Beatles ? Un This Heat ?

ADA : Grosse actualité pour Kythibong avec 4 albums en 3 mois dont une réédition. Nous reparlerons de cette dernière plus tard, peux tu nous présenter les 3 albums assez hétéroclites sortis depuis septembre ?

Aymeric : Pas de souci. En septembre nous avons sorti "Glissade Tranquille", le premier album de The Slow Sliders, un jeune groupe ou peut-être plutôt un groupe de jeunes brestois qui font de l’indie pop fraîche et vivifiante, parfaite pour l’été indien, mais aussi les hivers difficiles.

En octobre, c’était le tour du second album de Binidu, "Nouvel Ancient", un album formidable et étonnant par son côté aventureux, à la croisée de divers styles musicaux, avec un vrai travail de studio accompli par ce groupe composé de membres de Pneu et Fordamage.

Enfin en novembre est sorti le magnifique second album répondant au doux nom de "Nights" de nos pseudo-capitalistes préférés, The World, qui se jouent de l’imagerie des films des 80’s, de la course effrénée au succès et au pouvoir. C’est frais, audacieux, hyper catchy, rempli de bonnes idées et maîtrisé à souhait.

ADA : Concernant la réédition de l’album de Brigitte Fontaine et Areski Belkacem, pourquoi ce choix ? Cet album a-t-il une histoire intime ?

Aymeric : Rien de réellement intime au départ. Marion a découvert cet album et l’a trouvé incroyable. En cherchant le vinyle sur une plateforme de ventes en ligne de disques d’occasion, elle l’y trouve mais à un prix excessif. Elle nous en a donc fait part et proposé de le rééditer pour l’avoir gratuitement. On a dit d’accord.

C’est ainsi que l’on a découvert ce disque incroyablement magnifique. Peu de temps après on croisait par hasard Benjamin Barouh qui a montré de l’enthousiasme et c’est à partir de là que le projet s’est mis en branle.

ADA : Avez vous rencontré des difficultés pour la réédition de cet album ?

Aymeric : Pas vraiment. Benjamin et Yvonnick de Saravah nous ont vraiment aidé.

On a juste un peu galéré avec la pochette originale. Des histoires de droits photos. Au final, Brigitte Fontaine a taillé dans le tas en nous disant qu’elle souhaitait une pochette toute noire avec les écritures en doré. On a exécuté. Avec une jolie dorure à chaud.

ADA : Il m’a semblé comprendre que vous fonctionnez plutôt par réseaux, voire copinage, pour le choix de vos parutions. J’imagine que ce n’est pas le cas pour ce disque. Avez-vous eu l’occasion de rencontrer ou contacter Brigitte Fontaine et Areski Belkacem ?

Aymeric : Oui c’est vrai, on aime fonctionner ainsi, que ce soit la prolongation d’histoires de rencontres. Je pense que c’est en ça qu’on se distingue d’autres labels. On ne cherche pas LA nouvelle signature mais plutôt à créér une grande famille avec toute la diversité que cela implique.

Et effectivement, Brigitte Fontaine et Areski Belkacem sont une exception. Nous ne les avons pas rencontrés personnellement.

ADA : C’est peut-être un peu tôt pour en parler, mais comment ce projet de réédition a-t- il été reçu ?

Aymeric : On peut dire que cela a été reçu plus que discrètement par les médias. Nous n’avons quasiment pas eu de retours. Cependant, on se rend compte dans notre réseau que c’est un disque qui compte ou a compté, ce genre de disque un peu mythique qui a touché les gens profondément. Ça, ce sont les retours des mélomanes qui ont acheté le disque, de disquaires ou distributeurs, en France comme à l’étranger.

Areski est satisfait du disque, Brigitte elle, il me semble qu’elle ne veut pas entendre parler du passé.

ADA : Penses-tu que cet album va apporter un peu de lumière sur Kythibong ?

Aymeric : Je ne sais pas, j’imagine un peu dans un certain sens, du moins peut être que le nom va arriver jusqu’à certaines oreilles pour qui il était inconnu. Ce n’était pas le but premier en tout cas.

Mais dans la foulée, effectivement, on s’en est un peu servi comme appât pour présenter le reste de notre catalogue à des distributeurs à l’étranger. Mais honnêtement, ça n’a pas super marché.

ADA : Est-ce que, à l’instar de Born Bad qui réédite à tour de bras, vous avez d’autres projets de rééditions ou était-ce un one shot ?

Aymeric : À priori, ce sera plutôt un one shot. On s’est fait un beau cadeau, une petite séquence émotion, mais je ne pense pas que Kythibong aspire à ça. Il y a aussi beaucoup de nos contemporains talentueux.ses et c’est elles.eux qu’il faut mettre en valeur.

Papaye, Le Jardin Moderne à Rennes, 2011. Photo par Renan Peron]

ADA : Quelle actualité pour le label Kythibong, quelles sorties prévues pour 2019 ?

Aymeric : On a sorti beaucoup de disques en 2018, on va se calmer un peu pour cette nouvelle année et ne revenir qu’au printemps qui verra éclore le premier album d’un jeune groupe bien talentueux. Plus d’infos bientôt.

ADA : Et en ce qui te concerne personnellement, où en sont tes projets Room 204 et Papaye ? De nouveaux albums en prévision ? D’autres projets en cours ?

Aymeric : Oulah. Papaye est terminé depuis environ deux ans. L’autre guitariste, Franck, étant parti vivre en Pologne. Room 204 se voit sporadiquement. Nous sommes tous très pris par des occupations diverses et pour ma part le label en fait partie, d’où l’envie de freiner un peu les sorties et de revenir un peu à des projets personnels. Je vais donc essayer d’en profiter. Je m’attèle bientôt à une musique de film.

ADA : Des dates de concert à annoncer ?

Aymeric : Pas vraiment de mon côté, mais les groupes de Kythibong oui, on les retrouve sur http://www.kythibong.org

Crédit Photo : Renan Peron (https://www.flickr.com/photos/renphotographie)



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