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C’est comme toujours avec les bras encore blancs et le porte-monnaie encore plein que tout " fiber " arrive, le sac à dos lui broyant le dos et la patience à bout, sur le terrain de camping de son festival indé chéri. Cette année toutefois, l’individu en question avait tout de même le droit de ne pas trop se plaindre, compte tenu de la programmation proprement incroyable (tant au niveau des styles de pop-rock abordés, qu’à leur rôle dans l’histoire de celui-ci) que réservait le festival ibérique à l’occasion de ses 10 ans : les monuments Brian Wilson, Love, Lou Reed, Wire et Kraftwerk se mêlant aux pointures modernes que sont Teenage Fanclub, Primal Scream, Tindersticks ou Dandy Warhols, tout en laissant une large place aux tendances de ces derniers mois, Franz Ferdinand, Lali Puna, Scissor Sisters, Electrelane, ou LCD Soundsystem en tête , le tout formant un ensemble d’un incroyable équilibre.

A peine le temps de s’énerver contre les sardine sa tente qui, par définition, rencontrent toujours un caillou, de pester contre sa malchanceuse place de camping (à 50m d’une rave continue pendant quatre jours) et de se rafraîchir un brin, qu’il s’agit déjà de rejoindre le site du festival pour la soirée d’ouverture. Malgré la cruelle déception de ne pas voir les géniaux Shins, dont l’annulation aussi obscure qu’agaçante préfigurait celle, deux jours plas tard, de Morrissey, les honteusement mésestimés Irlandais de Ash se chargèrent de tout pour nous faire ravaler notre amertume- et y parvinrent. Une heure et vingt minutes sans pause de pop survitaminée plongée un heavy-metal euphorisant et totalement premier degré, absolument ravissant. Et que ça se pointe sur scène en brandissant sa guitare en feu, et que ça saute de partout, tel Weezer rencontrant AC/DC, et que ça enchante les garçons (gra^ce à la sublime guitariste Charlotte Hatherney) et que ça enchaîne gaiement les tubes les plus imparables comme Kung-Fu ou The Shining Light, que la foule reprend à tue-tête. Passons sur les ridiculo-hilarants Fangoria, sorte de Rita Mitsouko SM cultes en Espagne (merci à Régine et à une certaine Josiane B. pour le look de la chanteuse), ainsi que sur les insipides Zoot Woman, jouant à faire semblant d’être restés en 1982, ce qui, en l’absence de Jacques-Lu Cont (préférant -à raison- tourner avec Madonna), ne ressemble plus à rien- et entrons dans le vif du sujet.

Vendredi 6 / gentlemen machine : La première soirée officielle du festival 2004 semblait être placée sous les signes communs de la classe et de l’Allemagne (Einstürzende Neubauten, Lali Puna, Kraftwerk), ce qui, par la magie de la touffeur espagnole devient possble. Après les prestations déjà oubliées de Cooper, resucée mod espagnole, et HerS pace Holiday, les choses sérieuses commencent à 22h20 sur la scène principale avec l’arrivée des inclassables et classieux Tindersticks.

Malgré la toute nouvelle moustache de Stuart Staples (ce qui, après un sondage express, ne semble en rien mettre à mal son succès auprès de la gent féminine), les Tindersticks jouent encore et toujours cette musique distinguée, subtile et capiteuse, ces volutes de cordes et de violon comme sur " My Oblivion " et " Trouble Every Day ". La finesse des musiciens, batteur et guitariste en tête, devient confondante, et le temps de deux titres inoubliables tirés du chef-d’œuvre " Curtains " (" Rented Rooms ", " Buried Bones "), ajoutés à la voix de Staples, cette vibration soul incroyable, un frisson quasi-mystique parcourt l’assemblée. Seul hic de ce concert, comme d’ailleurs d’un nombre rageant d’autres concerts, les problèmes de son successifs, faillirent presque parfois énerver les membres du groupe. Presque. N’est pas un Tinderstick qui veut. Preuve de cette douceur envoûtante, la seule chanson intégralement chantée par le violoniste Dickson Hinchliffe, " Until the Morning Comes ", sacrée splendeur absolue. Les Tindersticks auront même le temps de progresser sur les rives inattendues d’une tension bruitistes sur les intenses " Drunk Tank " ou l’apothéose finale " Raindrops ", conclusion d’un concert dont on ressort forcément chamboulé. La transition fut un peu rude mais nécessaire, puisque immédiatement après, il fallut changer de scène pour ne pas rater le début du concert des mythiques Einstürzende Neubauten.

C’est avant tout l’arrivée sur scène des Berlinois qui est impressionnante. Blixa Bargeld, gentleman intello et déviant arrive pieds nus en costard, accompagnés des inséparables Unruh, Moser et Arbeit , au milieu d’une scène qui ne ressemble à rien sauf à une scène de Neubauten, jonchée de plaques de métal, de bidons en ferraille, d’énormes goutières en plastique. C’est d’ailleurs en projetant de l’air comprimé dans celles-ci que Unruh entame l’introduction du premier morceau " Ich gehe jetzt ", également placé en première position sur le dernier album du groupe, " Perpetuum Mobile ". Le groupe, prenant perversement à la lettre sa promesse au début du concert de faire un concert plutôt calme qui s’énerverait petit à petit enchaînent les morceaux dont l’intensité ne fait que croître : le vicieux " Was ist die Befindlichkeit des Landes ? " le wagnérien " Armenia ", le cacophonique " Perpetuum Mobile ", les touchants " Meyou & Youme " et " Dead Friends Around the Corner ", l’incroyable " Sabrina ", et, pour finir, l’apocalyptique " Alles ", morceau de bravoure au cours duquel le groupe joue autant avec nos pulsions qu’avec nos nerfs et nos tympans, Bargeld poussant à plusieurs reprises son hurlement grinçant et terrassant. Le temps de se détendre un petit peu, pour aller voir, par curiosité, le set des Pet Shop Boys, qui nous prouvèrent avec conviction que le ridicule ne tue toujours pas. Sapés comme des flétans sous-vide, dotés d’un chanteur, Neil Tennant, à la voix nasillarde et irritante à faire pleurer de honte Brian Molko, les Pet Shop Boys nous gratifièrent d’une armée de génériques potentiels pour l’ensemble des prochaines émissions de J-L Reichmann sur TF1, poussant même la confiance en-soi jusqu’à oser interpréter l’inénarrable " Go West ", repris en chœur par des régiments d’Anglais rasés et avinés. La classe… moyenne, quoi. Le temps juste de se remettre de ces émotions qu’il faut se préparer, à la venue, à 2h45, des inventeurs de l’électro, les géniaux Kraftwerk. Après quelques petites minutes de retard (le genre de minutes dont on a hautement conscience avant un évènement comme celui-là), une voix robotique et déphasée nous annonce l’arrivée des quatre allemands. La boucle de vocoder de " The Man-Machine " retentit et le rideau s’ouvre, laissant voir quatre silhouettes droites et immobiles devant leurs synthétiseurs et leurs ordinateurs. L’idée géniale qu’a eu Kraftwerk pour ce concert a été de refuser que les caméras ne retransmettent leur image sur les écrans géants des deux côtés de la scène. A l’opposé d’un caprice de diva, il s’agissait en fait d’un choix esthétique brillant, puisque le public était contraint de voir ces quatre formes de très loin, devant des énormes projections vidéo, qui suivaient le thème de la chanson jouée. Cette disposition des choses entoura encore davantage la prestation de Kraftwerk d’un halo mystérieux et devenant quasi-mystique à mesure que le groupe égrenait la quasi-totalité de ses grands chef-d’œuvres, tels que l’hypnotique " The Man-Machine " et son ambiance vidéo constructiviste magnifique, le rockabilly ralenti et…robotique qu’est " Autobahn ", l’indépassable tube popissime " The Model ", le ludique " Radioactivity " et ses paroles naïvo-goguenardes. Puis, Kraftwerk referme son rideau, et, quelques minutes plus tard, retentissent le gimmick de synthé de " The Robots ". Le rideau s’ouvre, laissant apparaître en lieu et place des quatre membres, des robots les représentant et jouant à leur place, remplacés à nouveau plus tard par les vrais membres. Un moment unique dans la vie d’un amateur de musique que ce concert, un véritable messe synthétique et outrageusement moderne aussi bien dans les programmations rythmiques que dans le traitement pur des sons, une modernité que des Aphex Twin, Autechre et autres écuries Mego se sont donnés pour mission à vie d’atteindre. .

Samedi 7 / absences : La journée de samedi commence par une déception de taille : celle de l’annulation du concert de Morrissey, en raison d’une sombre histoire de problèmes techniques aériens et d’un avion qui, à 19h30, a fini par rester à Londres. La déception est d’autant plus grande que Morrissey est l’un des rares artistes que les organisateurs du festival n’avaient encore jamais réussi à avoir (et les fans du Moz étaient légion à Bénicassim, certains étant même reconnaissables grâce aux glaïeuls placés dans les poches de leur pantalon), et cette année, avec la sortie de son nouvel album " You are the Quarry ", était l’occasion rêvée de voir l’ancien Smith dans un cadre actualisé. Mais c’est par la grâce d’un groupe merveilleux et lui aussi relativement ignoré en France que la soirée commença en fanfare. Ce groupe, Teenage Fanclub , semble ni plus ni moins avoir été formé pour donner de la joie aux gens par tranches de trois minutes trente, c’est-à-dire dans des pop-songs carillonnantes et gracieuses qui sont autant de bulles d’espoir et de génie. Jouant le sourire aux lèvres tous ses tubes devant un public littéralement extatique qui réservait au groupe des acclamations de plus en plus fortes entre les morceaux, le groupe écossais, emmené par Norman Blake (arborant un étonnant T-Shirt Métal Urbain), Gerlald Love et Robert McQuinley connut même deux moments tout à fait mémorables, le temps des deux perles de l’album " Grand Prix " que sont " Don’t Look Back " et surtout " Sparky’s Dream ", au cours desquels le public semblait monté sur ressorts, trop heureux de revoir ces enchanteurs restés aphones depuis trop longtemps. La soirée de samedi continua ensuite avec Migala,

ultra-populaire auprès du public indé espagnol (et plus légitimement que les horribles Los Planetas). Le groupe partagea son set entre les morceaux de ses derniers albums, dont les récents "Restos de Un Incendio " et " La Incréible Aventura ", installant à l’occasion des ambiances de jungle (propres au dernier album), ou de western désenchanté à la fois sonores et visuelles (mention spéciale aux magnifiques projections que proposait le groupe). La musique offerte par le groupe, sorte de post-rock mâtiné de folk, ne brille pas par son originalité, au croisement du Cure de " Disintegration ", de Mogwai et des Tindersticks, mais possède un son suffisamment personnel et reconnaissable, pour pouvoir être sauvé de l’indifférence, ce son chaud et rougeoyant, donnant de Migala l’impression d’une musique inflammable, qui peut prendre feu par la simple chaleur qu’elle dégage. Puis vint 22h et l’heure des choix : dois-je me diriger vers la scène principale et voir (mais dans quel état et dans quelles dispositions ?) la légende Lou Reed, ou dois-je rester là où je suis et rester pour Yann Tiersen que ses liens avec Dominique A. me rendent fort sympathique, et malgré l’indigestion à la BO d’Amélie Poulain dont a été victime le public français ? Je choisis le deuxième choix et bien m’en a pris. Epaulé par Christian Quermalet (de The Married Monk) et par le…surprenant Marc " j’ai écouté l’intégrale de Sonic Youth et de Neu ! à quatre heures " Sens, Yann Tiersen mérite le respect dû à un concert audacieux, courageux, nerveux, intense, éclectique et étonnamment électrique. Le Breton prit à des multiples reprises la guitare électrique en compagnie de ses musiciens pour des versions krautorck voire punk de certaines de ses compositions. Autre surprise, la part belle qui fut laissée aux chansons, Tiersen se chargeant d’assurer les parties vocales, et se lançant à ce propos dans un numéro de mimétisme avec Dominique A., à la fois ahurissant et un peu gênant tout de même ( " Les Bras de Mer ", " Monochrome ", et " Les Jours Tristes " où Quermalet se chargeait quant à lui d’imiter Neil Hannon). Tiersen fit aussi évidemment montre de son talent pour l’exercice instrumental, impressionnant vraiment le public par ses morceaux frénétiques au violon solo, au piano virtuose, ou à l’accordéon (" Le Quartier ", " Sur le fil "). Malheureusement pour Yann Tiersen, des problèmes de son, encore une fois très irritants, raccourcirent le set ; ce problème étant le seul vrai gros point noir de ce festival. Pris de remords, je me dépêche pour voir la fin du concert de Lou Reed, accompagné par un groupe bluesy-rock bedonnant et regrettable quand on connaît le goût pour l’inconfort qu’a déployé durant toute son existence le Velvet Underground. Affable pourtant, Lou Reed, sans être mauvais, semble être en pilotage automatique, massacrant au passage " Perfect Day " ,et faisant plaisir au public en lui offrant pour finir un " Take a Walk on The Wild Side " à la limite de la varièt’. A sauver cependant (mais je ne l’ai pas vu), d’après certains, une magnifique version minimaliste de " Venus In Furs " où Reed chante seul avec un violoncelle entêtant. Au même moment, les quatre Anglaises d’Electrelane entament un set tendu sur une des trois scènes annexes, au cours duquel elles laissent une large place aux morceaux de leur dernier album produit par Albini, " The Power Out ". Jouant un rock à angles droits, comme la rencontre de Joy Division et de Neu ! sur laquelle chanterait une PJ Harvey hautaine, Electrelane réussit à faire passer sa musique difficile dans un tel cadre, qui ne lui était pourtant pas vraiment propice. A 1h30, c’est à tour des gentils petits écoliers de Belle & Sebastian de s’emparer de la scène verte, la principale, et livrant à cette occasion un spectacle d’un niveau autrement supérieur à leur apparition en 2002. Fort de leur meilleur album à ce jour " Dear Catastrophe Waitress ", les Ecossais montent sur scène, plein d’entrain et, surtout, accompagnés d’une section de cordes et de cuivres. Il en ressort une sincère fraîcheur et une impression globale de maîtrise et de fluidité qui épargne à leur pop pastelle la gênante odeur de gnangnan que leurs détracteurs ne se privent pas, habituellement, de relever. Stuart Murdoch sautille partout, prenant soin de répandre son humeur badine pendant une heure et demie, allant même jusqu’à provoquer l’un des meilleurs moments de ce festival : certainement aussi déçus que la foule par l’absence de Morrissey, Murdoch entame une gentille taquinerie à l’égard de " Sa Majesté qui n’a pas pu se libérer ", et amène à ce propos à un très gros bouquet de pâquerettes sur scène. Puis, le groupe entame la reprise, somptueuse, de " The Boy With The Thorn On His Side " des Smiths, qu’ils enchaînent malicieusement à leur " Boy With The Arab Strap ". Il est 3h, le public a encore des pâquerettes dans les yeux quand déboule, droit dans ses Gucci, Bobby Gillespie et sa machine de guerre : Primal Scream. A l’instar de Belle & Sebastian (enfin, si l’on peut dire) , le groupe à Bobby arrive à Bénicassim avec une forme bien meilleure qu’en 2002. Gillespie semble en effet avoir changé de drogues depuis, et est littéralement déchaîné, court de long en large, finit ses chansons à se tortiller par-terre dans la position du fœtus, et prend les poses les plus rock’n’rollesques possibles. Le groupe, ou plutôt le super groupe, qu’est Primal Scream (Mani et Reni ex-Stone Roses, Kevin Shields ex-My Bloody Valentine, et Duffy ex-Felt) fait des ravages collatéraux à faire tomber en sanglots Colin Powell. Primal Scream joue tout sur sa puissance dévastatrice, et on lui en est gré .La set-list ressemble à la réunion des points qui, à la fin, formerait un tank, les Ecossais ne jouant que leurs compositions les plus guerrières : Accelerator, City, Xtrmntr, l’indépassable Shoot Speed/Kill Light, l’énormissime Swastika Eyes, le démentiel Kowalski auquel votre serviteur doit son pseudonyme, l’éléphantesque Kill All Hippies. A noter également, une nouvelle composition, " Suicide Sam ( ?) & Johnny Guitar ", ainsi qu’une reprise à la dérobée, mais néanmoins hilarante du " Rebel Rebel " de Bowie. Dodo.l.

Dimanche 8 / the dance, the sweart, the tears : Avec impatience et appréhension, nous nous rendons sur le site ce dimanche, pour assister à ce qui s’annonce comme LA grosse soirée de cette édition 2004. Impatience et appréhension puisque les deux premiers concerts de la soirée se nomment Arthur Lee et Brian Wilson, soit Love et les Beach Boys, soit les auteurs des plus grands albums des 60’s, " Forever Changes " et " Pet Sounds ", -donc de l’histoire ( ?). On s’apprêtait à aller au concert comme on irait en classe, pour prendre une bonne leçon, mais une leçon de professeurs dont on ne connaît pas vraiment les antécédents récents, surtout connaissant, par exemple, la vie depuis 30 ans de Brian Wilson. On allait être bien surpris. A 20h20, le groupe d’Arthur Lee monte enfin sur scène, avec 20 minutes de retard. Le public, électrique, n’en peut plus d’attendre, et semble-t-il, le groupe non plus, puisqu’il se passe encore presque 5 minutes avant qu’Arthur Lee ne rejoigne ses collègue sur scène. Le corps rigide, légèrement courbé, avec son chapeau et ses lunettes noires, Lee commence par ânonner maladroitement un semblant d’excuses que personne ne comprend. Puis retentissent les arpèges, timides mais qu’importe, de " Alone Again Or ", le morceau d’ouverture de son joyau. Le public est ravi. Mais il déchanter plus que rapidement. Dès le moment où Lee ouvre la bouche, une cacophonie incompréhensible point. Le flou le plus total s’empare de l’assistance, jusqu’à ce que, sur le second couplet, ses guitaristes fassent plus que le soutenir à la voix. La sentence est claire, dure : Arthur Lee ne sait, ce soir-là, plus chanteur. Ce qui sort de sa gorge n’est qu’une suite de gémissements aphones et apeurés, des brisures de cordes vocales. On ne comprit que bien plus tard ce qui s’était passé l’après-midi de ce dimanche : son meilleur ami, le musicien Rick James, était mort le jour même, laissant Lee seul désormais, semble-t-il, dans ce monde, et désespéré. Pris de la tristesse la plus insoutenable, Lee vacille et manque de s’effondrer à plusieurs reprises, tel un cheval blessé, désormais incapable de passer le moindre obstacle, c’est-à-dire de jouer la moindre note. Sur le solo de " A House Is Not a Motel ", Lee s’affaissera même sur un ampli, pris de sanglots. Le public, qui ne comprend pas ce qui est en train de se passer, hue et siffle dans sa moitié l’homme. L’autre moitié ne fait que le soutenir, atterrée cependant. Lorsque Lee annonce " Old Man " " écrite par Bryan Mc Lean, quelqu’un qui est mort lui aussi ", le public assiste certainement au moment fatidique d’un homme qui soudain prend atrocement conscience de sa vieillesse, et de la mort qui rôde autour de lui. Son interprétation de " Old Man ", techniquement désastreuse, fut cependant d’un pathétique, d’un tragique, d’une douleur absolument bouleversante. Au bord des larmes, je préfère ne pas en voir plus, m’accusant presque de voyeurisme, et je me dirige, profondément chamboulé vers la scène verte, où, 20 minutes plus tard, Brian Wilson devra recréer la magie des Beach Boys. Vêtu d’une chemise noire comme celle que doivent porter tous les retraités californiens, le génie des Beach Boys monte sur scène escorté par ses 10 musiciens, d’un pas mécanique, le regard à la fois perdu et sûr de lui scrutant attentivement son prompteur, que la vie lui a rendu nécessaire. L’appréhension, après le concert d’Arthur Lee, est à son comble, jusqu’à ce que retentissent, les arpèges mirifiques de " Sloop John B ", l’une des merveilles de " Pet Sounds ". Le public, immédiatement, est rassuré : le son est incroyable (on croirait réellement entendre le son de " Pet Sounds "), la voix de Wilson et de multiples choristes est miraculeuses. Délivré, le public est euphorique, applaudit le Californien au milieu-même des morceaux, qui lui rend en bisous échevelés, et savoure le festival harmonique que le plus grand génie musical de ces 50 dernières années a concocté. La set-list, aux faux airs de best-of un rien réchauffé, n’en est pas moins jubilatoire : "California Girls " " Do you wanna dance ? ", " Dont’ Worry Baby ", " Wouldn’t Be Nice " , " God Only Knows " (" the greatest song ever "), mais aussi des extraits de son dernier album modérément apprécié, ainsi que " Good Vibrations " et " Heroes and Villains " dans leur version longue, celle de l’Arlésienne " Smile ". Les larmes de joie aux coins des yeux, nous n’en revenons pas. Au bout d’une grosse heure, Brian s’en va, puis revient pour le rappel, d’anthologie, enchaînant à la suite les cathédrales pop " I Get Around ", " Surfin’ USA ", et " Barbara Ann ". Une partie du staff déboule sur scène sur " Surfin’ USA " et mime une chorégraphie surf. On nage en plein dans les clichés des Beach Boys, mais ces clichés sont des chansons que personne à part lui ne peut écrire. Lui, Brian Wilson, semble ne pas trop savoir où il est, se lève au mauvais moment, et, lorsque le concert est réellement fini, reste assis, jusqu’à ce que quelqu’un vienne lui faire. Puis, tel n’importe quel retaité californien, Brian Wilson se lève, et, sans regarder autour de lui, sans doute perdu, retourne d’où il était venu, en faisant des petits pas, un léger sourire satisfait aux coins des lèvres, laissant en face de lui 30 000 personnes les yeux dans les cimes découvertes, créées, jouées et abandonnées par lui. Comment passer après Brian Wilson ? Le mieux est d’être plus que talentueux, survolté, sympathique, plus que dansant, et surtout de faire quelque chose d’absolument différent. C’est exactement le cas de Franz Ferdinand. Les Ecossais (encore !!) sont l’archétype du groupe que l’on n’a pas envie d’aimer au départ, mais qui finit par nous avoir en force, et, comme la série Friends, on se demande ensuite comment il est possible de ne pas les adorer. Parce que, sans être de mauvaise foi, ces quatre-là ont tout pour eux, des tubes,des tubes, des tubes, et une certaine classe, incarnée dans la tronche d’aristo débauché du chanteur Alex Kapranos. La set-list est une génératrice de sueur comme il en existe peu. S’enchaînent dans le désordre un " Matinée " grisant et surhumain, le mastodontique " Take Me Out ", le pulpien " Auf Achse ", le furieux " This Fire ", et les excellents noveaux " West Point " et " Shopping For Blood ". Un concert époustouflant, fantastique, dont on ressort les jambes en compote, le t-shirt détrempé et le sourire jusqu’aux oreilles. En même temps que Franz Ferdinand avait commencé le concert de la country-folk pince-sans-rire de Lambchop

(qui rappelons-le signifie tout de même " Côtelettes d’agneau ", respect). J’arrive juste pour les trois derniers morceaux, étonnamment enlevés et plutôt gais, dont le tube " Up With People ". Kurt Wagner vêtu de son éternelle chemise de bûcheron et de son antédiluvienne casquette midwest est en pleine forme, de même que la douzaine de membres que comporte le collectif Lambchop sur scène. Wagner épatera même son monde lorsque, pour l’ultime morceau, il interprétera une reprise étonnante du " Marian " des crobeaux de Sisters Of Mercy, le tout perché tel l’oiseau du même nom, sur sa chaise, la corps penché en avant, avec l’allure d’un prophète qui se fait des œufs frits. A ce moment, on peut penser que le gros du festival est derrière nous. C’est sans compter LA claque-révélation-branlée du festival, j’ai nommé LCD Soundsystem, le groupe de James Murphy, moitié du label DFA, et habituellement connu pour ses dons de producteur pour The Rapture ou Radio4. Il faut pourtant bien se rendre à l’évidence, l’homme en question pulvérise absolument toutes les formations qu’il a jusqu’ici eu l’occasion de mettre en son. Son électro-punk-dance-rock surpuissante à mi-chemin entre le Death In Vegas de " Hands Around My Throat " et le Primal Scream de " Swastika Eyes " ravage tout sur son passage et fait preuve d’une réelle originalité, notamment par l’usage intelligent et pointu qu’il fait de l’électronique et des claviers. Le public déjà électrisé par la première heure de concert, va peu à peu devenir une sorte de marée furieuse et hystérique, un mur de danse et de frénésie sur les deux dernières baffes, les deux singles, du LCD Soundsystem : l’atone et pourtant scotchant " Losing My Edge " et surtout surtout le monstrueux " Yeah ", véritable épopée de 8 minutes primaires, percussives, éructives, tribales, essentielles, rencontre démentielle d’un Can sous ecsta et du cri que poussa Bobby Gillespie à sa naissance, dans une boîte de nuit. A cela, autant pour les Dandy Warhols que pour les Chemical Brothers, il fut impossible de répliquer. Les premiers scindèrent leur set en deux parties : l’une énergique et dansante, enchaînant avec leur maîtrise nonchalante si particulière les tubes tels que " Get Off ", " Bohemian Like You ", " Not If You Were The Last Junkie On Earth " ou " You Were The Last High ", l’autre, pénible, privilégiant leur penchant pour le mauvais psychédélisme opiacé et interminable, balourd et sans intérêt. Le duo électronique, quant à lui, envoya des dizaine de beats monstrueux avec des morceaux addictifs tels que " Block Rockin’ Beats ", " Star Guitar ", " The Golden Path " ou, évidemment, " Hey Boy Hey Girl ", mais l’immense majorité du reste ressembla trop à du remplissage sans âme, et, malheureusement pour eux, dédié à leur prochain album en prévision. Après quelques minutes de danse pour la forme, il fallut se résoudre à se dire que le Xè FIB avait (bien) vécu. A l’année prochaine, jolies patatas bravas, merveilleux camping à insomnies et fans d’indé grillés.

Et comme j’aime les top5, pour vous lecteurs chéris : Top 5 concerts 1- Brian Wilson 2- LCD Sounsystem 3- Franz Ferdinand 4- Kraftwerk



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