Mos Def fait du hip-hop, mais du hip-hop qui regarde autre chose que son nombril. Du hip-hop ouvert aux autres musiques urbaines. Ce qui saute aux oreilles, c’est la présence de nombreuses guitares tout au long de l’album (parfois très rockeuses comme sur les morceaux Freaky Black Greetings, The Easy Spell). Parce que Mos Def est accompagné sur beaucoup de morceaux par un vrai groupe, avec guitare-basse-batterie. La production reste assez sobre, mais le son de l’album est assez riche, très organique. Mos Def ne se contente pas de rapper par-dessus un beat, mais crée des climats qui n’ont rien à envier au rock ou à la pop. Le rapprochement avec Saul Williams est immédiat, mais Mos Def ouvre encore plus le spectre des musiques qu’il intègre à son hip-hop. Sur les morceaux les plus apaisés, on est dans le registre du rythme & blues (Blue Black Jack, The Boogie Man Song, Bedstuy Parade & Funeral March). Mos Def nous livre aussi quelques morceaux de hip-hop plus classique, secs et courts (The Rape Over, Close Edge). Par moments, on pense aussi au collectif Quannum proche de DJ Shadow. On entend également à plusieurs reprises des samples de soul music, comme sur Sunshine, un des sommets de l’album. En fin d’album on trouve une superbe déclaration d’amour ("Women I love you" sur The Beggar), un long morceau très lent mais enflammé. Pour terminer, le graphisme de l’album est impeccable, mettant en scène Mos Def maquillé comme un clown triste à l’intérieur du livret. On est loin des poses bad-boys courantes dans le rap mainstream (aux USA ou en France). A noter que cet album sort sur le label Geffen, pas vraiment un label habitué au hip-hop .