Harpiste de formation, Serafina Steer a décidé de quitter l’accompagnement, pour laisser gambader son spleen, sa mélancolie sur des mélodies qui devaient lui chatouiller les cordes. Au premier abord, qui reste implacablement la pochette, ce disque avait plus de chance de me mettre la frousse, que de provoquer en moi un choc émotionnel pouvant me plonger dans le renoncement de tout, pour assouvir une lubie passagère mais prenante, l’écoute sans discontinuer de « Change Is Good Change Is Good ».

Disque très ramassé (une trentaine de minutes), ce premier album est comme un herbier. Sous chacune des chansons, un nom, une origine, et les vertus. La cohésion se fait par les instruments, mais les atmosphères elles différentes. Les thématiques sont, la mélancolie, l’introspection sont abordées avec la même approche que Soap & Skin (Dt Glo) sans tomber dans la neurasthénie ambiante de la jeune autrichienne. Serafina Steer serait comme une incarnation musicale de Chaucer, actualisant la poésie médiévale. Fouillant dans les temps anciens (« Margoton » chanson en français à la rythmique addictive en vieux français peut en témoigner) elle propose de nous parler d’elle, par le prisme d’une musique, et d’une écriture trouvant son encre dans un encrier d’une autre époque. Toujours à la limite de tomber dans la noir dans lequel semble être plonger ces quatre filles de la pochette, reliées par la chevelure (Prinking While Driving), Serafina Steer sait parfaitement nous donner de l’air, nous donner à danser, prenant parfois les traces d’un Young Marble Giants en costume elfique, le juste au corps savamment déchiré aux genoux.

Un disque presque audacieux au milieu des nombreuses sorties d’album de folkeuses, « Change Is Good Change Is Good » a le charme des contes que l’on ne raconte qu’à nos enfants à l’orée de l’adolescence, magique mais aussi parfois terrifiant. La découverte d’une lumière perçante et chaude.