— Que représente Sugar pour vous ?

C’est le groupe d’un grand album et de quelques très bons morceaux, ils font aussi une jonction intéressante entre le son shoegaze anglais et le punk US, sur le label de My Bloody en plus. Bob Mould a une personnalité que j’aime beaucoup. Il a un côté bipolaire, à la fois lucide et d’un seul coup en pleine névrose. Son parcours est touchant, sa rivalité avec Grant Hart, son homosexualité cachée, son abnégation et ses phases dépression-junk food. Il était très au premier degré, écorché vif, sincère, toujours dans le doute, un peu missionnaire, l’anti-Black Francis.

— Pourquoi avoir participé à ce projet ?

Parce que c’est "Beaster" ! Quand j’étais en train de faire le mixage d’"Onlooker", je me demandais quels albums 6 titres avaient vraiment compté pour moi, et j’ai pensé en premier à "Beaster". Je ne fais jamais de covers, même pour m’amuser. Je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai failli abandonner 15 fois avant de m’y mettre à fond. C’est quand même un des morceaux qui me reviennent le plus souvent en tête depuis qu’il est sorti, je l’ai pratiquement reprise de tête - en poussant à fond les fantasmes que j’avais développés sur lui. D’ailleurs, avant de réécouter l’original cet été, je pensais que le tempo était beaucoup plus lent, et le morceau beaucoup plus long. 

— Si vous deviez retenir une chanson de Sugar ?

"JC Auto", parce qu’il est construit idéalement, c’est un sursaut continu qui d’ailleurs commence déjà à bloc, on se demande comment il va tenir ces 6 minutes en augmentant le degré de rage, toute la construction harmonique du morceau est sidérante. Des fois, Sugar était un grand groupe capable de ça.

— Sugar en un mot

Frontal. 

— « Beaster » ou « Copper Blue ?

"Beaster" est beaucoup plus homogène et très bien construit, les morceaux fonctionnent très bien entre eux, et d’ailleurs le disque est monté très serré. Il révèle toujours un truc un peu sombre, il y a un climat mental auquel je suis réceptif, avec plein de colère et d’incompréhension, mais aussi des moments de grâce, comme sur "Come Around" ou "Walking Away", même si tout ça reste plutôt triste. Et plus simplement, c’est un de mes 10 ou 15 disques de référence.

— Son meilleur héritier dans la scène actuelle ?

Peut-être les premiers Trail of Dead... En fait, il n’y en a pas. C’est du punk atmosphérique très sérieux, de trentenaire en plus, donc ça devient rare. D’ailleurs, personne, à ma connaissance, ne se revendique de Sugar. A la rigueur, l’album de I Love You but I’ve Chosen Darkness me rappelait assez Sugar, d’ailleurs ils auraient gagné à avoir Mould en frontman. 

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