> Interviews



Gérald (le saint patron de « A Découvrir Absolument », « Dieu » dirait Greg Bod) m’a proposé de tenir une sorte de work in progress lors de l’élaboration du nouvel album de Summer. Pourquoi pas ? Au-delà du plaisir d’écrire pour ADA, au-delà de la générosité de l’offre, cela pourrait m’aider à y voir plus clair dans le joyeux bordel que constitue généralement l’élaboration d’un disque. Alors, ok, let’s go ! J’espère simplement réussir à ne pas trop raconter ma vie et à éviter les atermoiements de l’angoissé de service.

Well, par où commencer ?

Voila maintenant cinq mois que le nouvel album de Summer est en chantier (le quatrième, déjà). Et comme toujours, nous avons démarré en réaction au précédent. « French Manucure » avait été écrit et enregistré dans l’urgence et la rapidité, cela pour conserver un aspect rock et brut, également pour ne pas s’embarquer dans un disque surproduit (tel auparavant « Kimy EP » dont chaque titre devait contenir quelque-chose comme cinquante ou soixante pistes, ce qui était trop). Cette fois-ci, nous prenons notre temps, sans pression, à la cool, en essayant de ne pas dépasser les sept ou huit pistes (afin que les chansons tiennent pour elles-mêmes et non pas via les astuces techniques – une leçon apprise chez Martin Gore).

Pour autant, notre méthode d’écriture ne change guère : Louis-Marie compose les morceaux, je cherche un texte adapté puis un phrasé précis, et Marion habille de sa personnalité les démos avancées. Pour l’heure, onze morceaux sortent du lot. Excepté deux titres à 90% achevés, ce ne sont encore que des ébauches, des ossatures soniques. J’ai encore du mal à définir la ligne directrice ; et sans doute, dans un souci de cohérence, faudra-t-il éliminer une ou deux chansons que nous aimons beaucoup mais qui jureraient trop dans le contexte du disque. Mais l’étape du dégraissage se fera en studio… Pour l’heure, et personnellement voici mon moment préféré dans la confection d’un album, il s’agit d’expérimenter, de chercher (quitte à se planter), de réduire ou rallonger, de trouver un chant qui colle à la musique…

Parfois, le résultat est totalement opposé aux idées initiales. Sans doute car certains instrumentaux demandent un phrasé précis, encore faut-il le trouver. Par exemple, depuis plusieurs semaines, nous butions sur un titre aux sonorités électro-dark alanguies (au passage, piqué à Bauhaus) : impossible d’utiliser ce titre comme un instrumental (cela ne donnerait rien), impossible également de trouver une voix adaptée (cela sonne trop littéraire, trop sombre sur du sombre). Jusqu’à ce que Louis-Marie me suggère d’écrire une conversation téléphonique et de parler ce texte. Inspiré par mon ex m’ayant impitoyablement largué aux premiers jours de juillet (« soit ça fait des chansons, des choses à raconter » chantait Dominique A sur « Remué »), j’ai donc noirci toute une page à base de vacheries et de remontrances. Après enregistrement du texte, nous nous sommes rendus compte que ce qui fonctionnait vraiment dans cette fausse conversation téléphonique, c’était les silences, les « ouais… mmm… ok ». Parfois, et c’est toujours une bonne surprise, trois tonnes de mots aboutissent à un résultat sobre, épuré, mais qui tient la route.

Et le financement dans tout ça ? Groupe autoproduit, Summer connait les mêmes galères que la plupart des groupes autoproduits. Où sortir le fric pour payer répétitions, studio, mastering et édition ? Jusqu’à présent, nous avons été assez chanceux : en 2006, le festival « Les Indépendances de Sédières » nous donna une grosse somme d’argent pour enregistrer notre premier album (avec Michel Cloup à la production, tout de même), puis les subventions banquèrent la quasi intégralité de nos deux albums suivants. Cette année, c’est un peu plus hard : la prochaine subvention ne tombera qu’en octobre prochain, ce qui nous oblige à prévoir la sortie du disque pour décembre 2014 (cela car, dans notre cas, un album avoisine en moyenne les deux mille euros). En attendant, probablement en mai ou juin, nous allons sortir un trois titre en digital et téléchargement gratuit (manière d’annoncer le prochain LP et de ne pas disparaitre de l’actualité – car oui : les groupes autoproduits n’ont pas d’argent mais doivent impérativement sortir une livraison chaque année sous peine de se faire oublier). Parfois, je regrette de ne pas avoir fait des études d’architecture ou de médecine (quelle vie saine et soyeuse aurais-je aujourd’hui ! Nan, je déconne)…

Il y a peu, une copine me demandait : « alors, le prochain Summer, ce sera encore un album joyeux ? » Pas encore, chérie, pas encore… Entre une récente dépression et l’obligation de partir en désintox, j’ai écris les textes les plus autobiographiques de ma vie. Non pas pour me la raconter, mais simplement car le vécu donne de l’honnêteté aux chansons. Et je ne veux pas tricher. Je ne veux pas balader l’auditeur avec des mots dénués de sens. En tant qu’accro à la musique, cela me vient probablement de mon adolescence à écouter les paroles salutaires de Morrissey ou de Felt. Et puis, soyons honnêtes : qui, aujourd’hui, a envi de se farder une chanson parlant de la beauté de l’amour, des joies de la paternité ou du bonheur d’être vivant ? Pas moi ! C’est également pour ce négativisme que je me retrouve beaucoup, actuellement, dans la musique de FLEUV : Lionel Fraisse écrit des chansons monstrueusement intimes mais avec élégance, clarté et retenu. J’ai beaucoup écouté, et j’écoute encore beaucoup son premier album, au moment d’envisager une suite à Summer (avec FLEUV, Rhume et French Leisure, j’ai l’impression – en fait non, je le sais – que nous appartenons à une même génération biberonnée à My Bloody Valentine et Smog).

Du coup, comme toujours durant l’écriture d’un nouvel album, je ne glande pas grand-chose de mes journées à part écrire, faire du spoken-word (comme on dit dans la presse), écouter et réécouter inlassablement les démos afin d’évacuer les doutes et les inquiétudes. Pour décompresser, rien de tel que de partir boire des coups avec les membres de Treponem Pal et des Tad-Girls. Prochaine étape ? Trouver un texte pour un morceau qui me résiste, un titre spleeneux (presque une ballade, semble-t-il) qui exige une certaine forme verbale mais je ne sais absolument pas laquelle !

To be continued…