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A l’occasion de la sortie de son puissant « Saint Sébastien », nous avons proposé à France de Griessen une carte blanche. Travaillant le fond comme la forme avec une liberté et une insoumission qui lui ressemblent, d’une belle générosité, France nous livre ici les clefs de ses amours musicaux. Miss World !

Donovan « Hurdy Gurdy Man »

« Thrown like a star in my vast sleep

I opened my eyes to take a peek

To find that I was by the sea

Gazing with tranquility

It was then when the Hurdy Gurdy Man

Came singing songs of love

Then when the Hurdy Gurdy Man

Came singing songs of love »

La vielle à roue (Hurdy Gurdy en anglais) est un instrument à cordes apparu au moyen-âge, qui n’a cessé d’évoluer depuis. Elle avait sa place parmi les nombreux instruments des ménestrels qui agrémentaient les fêtes de la noblesse. Aux XVe et XVIe siècles, on constate une étrange ambiguïté dans le statut de l’instrument. Car, si une série d’éléments donnent à penser que la vielle était appréciée de la haute société, d’autres la placent dans les bas-fonds. On m’a élevé en me disant « les artistes ont leur place partout », j’aime bien l’analogie avec la vielle à roue… et j’adore particulièrement la période psychédélique de Donovan, dont ce titre est un très bon exemple. Hugues Aufray « La Prière » « La Prière » à été écrite par le poète Francis Jammes. Je ne suis pas du tout quelqu’un de religieux, au sens d’appartenir a une religion car beaucoup trop de crimes sont commis en son nom et je ne crois pas que des « règles » puissent encadrer la foi – en quoi qu’elle soit - , qui est à mon sens une chose personnelle, individuelle. Ce qui me touche particulièrement, dans l’interprétation d’Hugues Aufray, c’est que l’on ne sait pas vraiment dans quel sens il l’interprète. Cela pourrait aussi bien être avec l’ironie de la révolte qu’au premier degré. Les deux sont beaux… La prière

« Par le petit garçon qui meurt près de sa mère

Tandis que des enfants s’amusent au parterre ;

Et par l’oiseau blessé qui ne sait pas comment

Son aile tout à coup s’ensanglante et descend

Par la soif et la faim et le délire ardent :

Je vous salue, Marie.

Par les gosses battus par l’ivrogne qui rentre,

Par l’âne qui reçoit des coups de pied au ventre

Par l’humiliation de l’innocent châtié,

Par la vierge vendue qu’on a déshabillée,

Par le fils dont la mère a été insultée :

Je vous salue, Marie.

Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids,

S’écrie : "Mon Dieu !" Par le malheureux dont les bras

Ne purent s’appuyer sur une amour humaine

Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène ;

Par le cheval tombé sous le chariot qu’il traîne

Je vous salue, Marie.

Par les quatre horizons qui crucifient le Monde,

Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe,

Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains,

Par le malade que l’on opère et qui geint

Et par le juste mis au rang des assassins :

Je vous salue, Marie. Par la mère apprenant que son fils est guéri,

Par l’oiseau rappelant l’oiseau tombé du nid,

Par l’herbe qui a soif et recueille l’ondée,

Par le baiser perdu par l’amour redonné,

Et par le mendiant retrouvant sa monnaie :

Je vous salue, Marie. » Alain Z Kan « Le Charter » Textes provocants, ironiques, excentriques, énigmatiques ou relatifs aux drogues et au sexe, ambiances punk-psychédéliques glaçantes et performances intenses et théâtrales : Alain Z Kan, unique en son genre. Il a mystérieusement disparu en avril 1990. Tous les ans je cherche si de nouveaux indices ne sont pas apparus sur Internet, je n’ai pas envie qu’il soit mort… Il a également enregistré la meilleure version à mes yeux de « Falling in Love Again » : J’espère de tout mon cœur qu’un beau livre lui sera un jour consacré, il le mérite. Alain Kan a dit : « La marginalité c’est un art ». Pour moi, la beauté et l’intérêt d’une parole, c’est ce qui est dit, mais aussi qui le dit… Daniel Darc « Toutes les Filles sont parties » Daniel est l’une de mes influences majeures. Un rocker-poète. Il m’a donné cette façon de voir : si tu produis des choses véritablement belles, alors ta vie n’est pas gâchée ou inutile.

Qu’il ne s’agit pas de produire des choses en quantité, mais des choses fortes. Et cela passe parfois par des choses ratées aussi. Ce n’est pas courant à notre époque. Comme moi, c’était un inadapté social.

Et pourtant il a réussi à faire entendre son art et il a même réussi à en vivre.

Et c’est pourtant très particulier, autant sa personne que ses chansons.

Qui aurait cru que tant de personnes finiraient par l’aimer ?

Il fait partie des personnes qui me donnent du courage quand je me dis que je n’ai vraiment rien à faire sur cette terre.

Je bénis le ciel qu’il ait existé, pour les gens comme moi.

Une autre chanson de lui, extraite de son album avec Bill Pritchard, du même titre, « Parce que » :

Johnny Thunders « I was born to cry » J’écoute Johnny Thunders presque tous les jours depuis tant d’années et il me fait toujours autant battre le cœur. Son jeu de guitare caractéristique, héritier de Chuck Berry en plus sauvage et moins propre, sa voix tellement chargée d’émotions.

Un type qui ne s’est jamais excusé d’être là, un putain d’éléphant dans un magasin de porcelaine avec une grâce, une beauté, une fragilité et une classe infinie.

Un critique rock avait écrit de l’un de ses disques : « des reprises dont il se souvient à moitié ».

C’était dit négativement dans le contexte, mais moi je trouve ça génial. Bien sûr qu’il faut faire des reprises en se souvenant à moitié de l’original. Quel intérêt, sinon ? « Hurt me » :

Marie Laforêt « Mes Matins d’Antan » « J’apprends à prier

Dieu sait qui

Peut-être Dieu »

Marie Laforêt est ma chanteuse préférée. Vocalement, elle a un registre hors du commun, le romantisme de ses chansons m’évoque quelque chose de l’ordre de la sorcellerie, ou des fées, en tout cas d’intemporel. C’est très important, pour un artiste. Finalement, dans le meilleur des cas, soit on peut arriver à capturer une époque, comme Jimi Hendrix, les Pink Floyd ou les Sex Pistols par exemple, soit on est intemporel. Les deux sont aussi bien.

Comme Daniel Darc, Marie Laforêt joue avec les temps, et donne ainsi aux paroles un relief particulier, ce petit truc qui vous tord le cœur à quelques secondes près.

Outre ses propres chansons, Marie Laforêt a intégré dans son répertoire beaucoup de morceaux folkloriques et de musiques du monde. Elle interprète ici une chanson d’Atahualpa Yupanqui, un poète, chanteur et guitariste argentin. « Le Tengo Rabia Al Silencio » Indochine " Punishment Park" Il y a pour moi un parallèle entre Indochine et Larry Clark au sens où leurs univers nous ramènent, par des voies différentes, à l’essence de l’adolescence, à son trouble, sa mélancolie, son énergie et son innocence néanmoins sensuelle. J’adore l’harmonica ; et la façon dont il est associé ici à une chanson pop n’est pas courante.

Nicola et Indochine m’ont invitée à faire leur première partie sur le Black City Tour 3 pendant ce mois de mars, et j’en suis honorée.

"Car je ne crois pas que tout va bien par ici

Je veux aller quelque part

Je veux aller vers un paradis

Ne pas m’enfermer dans un parc

A attendre un jour qu’elle ne parte..."

Crédit photos : Richard Dumas