> Interviews


  • 3 janvier 2004 /
    Dionysos
    l’interview

    réalisée par gdo

Interview réalisée par email entre le 28 decembre 2003 et le 4 janvier 2004.

Alors la descente se fait comment après ces mois de tournée ? Vous préparez déjà la suite ou vous vous accordez un break bien mérité ?

— On amortie comme on peu,on a le corps encore bien humide,chargé d’adrénaline...Alors,on écrit,on fait du ski,on voyage,on mange du chocolat,on écoute de nouveaux disques,on fouille....

On sent chez vous aucun esprit de revanche, je me trompe si chez vous l’essentiel c’est de créer le reste viendra si cela doit venir ?

— C’est pas tout à fait vrai,même si l’idée de création est une matière magique que nous protégeons,elle ne vient pas seulement de l’amour, l’humour et les belles choses. Les gens que l’on déteste et/ou qui nous ont blessés sont également un bon carburant. Il s’agit de transposer, transcender tout ça.

Vous retenez quoi de cette notoriété nouvelle, ces passages radio, télé, (ce passage mémorable chez Baer) ?

— Une expérience, de l’apprentissage, de l’exitation, de la joie et de la peur. Un gain d’espace de liberté aussi. Certains utilisent le succès pour s’enfoncer dans de confortables fauteuils ( plus vraiment ) artistiques.... il faut continuer de grimper aux arbres ! Et de nouveaux arbres, même si on doit si ça fait peur, même si ça engendre du doute, c’est de cet équilibre fragile dont nous avons besoin pour continuer à nous remettre en question et avancer.

Vous jugez comment la situation des groupes qui débutent maintenant ? Y a t’il chez vous de la sueur froide à s’imaginer commencer maintenant ?

— Il ne faut surtout pas commencer à rentrer dans des considération logistiques ou financières lorsque l’on se jette dans un projet, une aventure artistique, sinon, c’est déja mort. Donc, quoi qu’il arrive, et même si j’admet que la situation actuelle est assez catastrophique ( mise en péril de l’objet disque et de l’idée d’une culture "alternative" sabotée par le medef ) malgré tout ça, si quelqu’un a aujourd’hui une passion, un gros désir de faire, il doit s’y mettre un point, c’est tout. Si nous avions à commencer aujourd’hui, nous le ferions avec autant de détermination qu’il y a 10 ans. Sans doute que les obstacles et les joies ne seraient pas les même, mais il s’agit de foncer quand même.

Quand on écoute ce que nous recevons ici pour notre rubrique « coups de pouce » nous sommes loin de penser que les talents manquent, alors c’est le système qui est mort, et dans ce cas c’est la faute à qui ? Internet, le mp3 ?

— C’est avant tout la faute au manque de curiosité général. Aujourd’hui, on cherche peu, on s’emmerveille peu ( c’est pas branché de s’emmerveiller ) ou alors on reste snob, ou pantouflar ( ce qui finalement, est à peu près la même chose ). On attend que les choses arrivent comme des pizzas, déja cuisinées, déja cuites, déja en heavy rotation radio télé...Mais heureusement, il y a encore de magnifiques contre-exemples, des gens, que ce soi dans le public et des médias, ou du côté artistique qui ont gardé le sens de l’aventure ; le gros problème,c’est que ces derniers se font rares.

après le succès de song for jedi vous n’avez pas eu peur de basculer vers le mauvais côté de la force ?

— Non ! Nous aimons et revendiquons cette chanson à 100%, nous sommes heureux qu’elle ai pu avoir cette jolie vie. Basculer du mauvais côté, ce serait devenir mesquins, calculateurs et ne plus prendre de risques, et pas qu’une chanson qui nous ressemble soit appréciée, au contraire !

Mathias tu réponds quoi à ceux qui parlent parfois d’égocentrisme quand tu passes un film d’enfance pendant les concerts avec la musique de watoo watoo, ou quand tu te jettes dans le public ?


— Je dis oui ! Mais c’est absolument ridicule d’isoler les films d’enfance ou les slams...écrire est égocentrique, monter sur scène est égocentrique, arriver dans une salle, et jouer ses propres chansons, c’est tellement égocentrique ! Ceux qui dénoncent ce genre d’égocentrisme, sont sans doute des égo-centriques aussi, mais frustrés, qui n’ont jamais pris le risque de s’exposer, de se mettre à nu et de voir ce que ça fait comme peur comme joie, comme froid et comme chaud ( ce qui exclu tout idée de goût esthétique, juste le rapport à l’égo ).

Vous vous situez où dans le paysage musical français ? c’est jouissif de se sentir à part, d’être en marge, de faire ce qui n’a pas été fait ?

— Nous sommes un peu perdu, faut dire qu’on a un peu balancé la boussole par dessus bord. Pas de jubilation d’être marginale, pas de jubilation de "faire partie de la grande famille" non plus, juste certains artistes qu’aime d’autres moins et d’autres qu’on déteste, exactement comme dans le reste du monde. On aime dominique a, mickey3d ou noir-désir, juste parce-qu’on aime ce qu’ils font pas seulement parce-qu’ils sont français, pareil pour la vieille garde genre sloy, Welcome to julian ou drive-blind, ou des choses aussi differentes que Bénébar, Emilie Simon, Stupéflip, Cornu ou Uncommonmenfrommars.

Comment un groupe comme vous juge le retour à la « chapellisation » des styles, le new rock et autres styles qui de nouveau s’enferment après le grand brassage des années 90 ?

— On trouve ça absolument ridicule, ça nous a toujours emmerdé les chapelles,c’est de la matière pour scribouillard snobs, des étiquettes pour vendre de la lessive rien de plus, ça ne veut rien dire. Bon,il y a bien quelques courants, qui peuvent avoir leur intéret historique à la limite, mais toutes ces subdivisions débiles...tom waits, bjork, pj harvey, les beasties boys, johnny cash, gonzales, brel, marylin monroe, nirvana, buck 65, lee hazlewood, daniel johnston, nick cave, catpower, sinatra, adam green, sonic-youth, dj shadow...Liste non-exhaustive...c’est du quoi ? je m’en fou ! Mais quand j’écoute, ça me me plait, voilà .

Venons en ces deux albums live et à ce dvd. C’est avant tout pour clore un chapitre du groupe avant de passer à autre chose, ou la nécessité d’enfin capter l’énergie folle déployée sur scène et de la retranscrire tant que possible pour tout ceux qui n’ont pas la possibilité de venir vous voir ?

— C’est un relai, entre "western sous la neige" et ce qui va se passer ensuite, puis c’est un document, comment on était, pile à cet instant là. Retranscrire tant que possible l’energie, oui, tu as raison, c’était passionnant à faire, excaver ces instantannés du fond du studio pour leur re-donner vie sur un disque, ça nous a appris plein de trucs, donné plein de nouvelles idées pour la suite. Ces live sont aussi importants que nos autres disques studio pour nous, mais ils ne sont pas pour autant une fin en soi, c’est un relai, un trampoline, de la matière en mouvement.

L’habillage par sfar c’est décidé comment ?

— Au coup de coeur. J’ai lu, grace à des amis toulousains ( qui ont dessinés la pochette du single don diego 2000, Cool Jo et Ciou ) Petit vampire, adoré, puis Grand Vampire, le chat du rabbin, le monde du golem, quelques donjons ( il y en a vraiment beaucoup ) flash intégral, pour moi, il est le croisemment de Woody Allen et Tim Burton, ses bds sont à la fois de bons livres, de bons films et je dirais presques de bon disques tellement tout ça "sonne" ! alors, j’ai disséminé des "grand vampire" de partout dans le camion, ils ont hanté la fin de la tournée, c’était logique de les retrouver sur les disques ! entre temps, la rencontre humaine avec joann s’est faite, on s’est bien marré, ce projet devrait etre suivit de nouvelles collaborations surprises...

Et votre habillage à vous c’est un pari, un souhait de renouer avec une certaine idée de la « sortie » ?

— C’est un petit rite, ça nous premet, au propre comme au figuré de nous "mettre dedans" avant de monter sur scène, puis j’aime l’idée que l’on soit tous habillés pareil, mais chacun avec sa façon de le porter, avec sa personnalité. Puis, on aime bien les costumes, on est un peu coqués, des fois lol !

comment vous est venue cette version « scratchy » de longboard blues, qui démontre si il était nécessaire que quand le groupe forme une grand chorale, la chaire de poule n’est pas loin ?

— Une improvisation dans le garage de Mike ! Avec notre petit sampleur pourri, au début je chantait "coccinelle" dessus, puis les deux mélangés, ça faisait des bonnes sensations, on s’est dit, on garde que le sample, une folk et l’harmonica, on chante tous, et on voit ce que ça donne, puis il a beaucoup bougé sur scène, avec les scratchs et tout...

à la fin de ce titre Mathias reprend PJ Harvey c’est pourtant loin de votre univers celui de notre sauvageonne préférée, et de ses 4 track demos ?

— Oh que non ! Pj harvey, on est super fan, on se sent terriblement proche d’elle. Ce côté brut, sensuel, un peu de travers, cabaret, tendu et fragile à la fois nous touche beaucoup. Et puis, c’est sans doute la fille au monde que je préfèrerai embrasser, je crois !

Pour thank you Satan, vous précisez bien avant de l’interpréter que c’est une chanson de Ferré. C’est pour ne pas que le public se trompe, car ce titre vous colle à merveille ?

— Merci ! c’est juste, que voilà, nous jouons ce titre exactement comme s’il nous appartenait, mais c’est quand même Férré qui l’a écrit, c’est bien de le préciser, non ? On se sent tout petit dans notre costume d’apprentis ferré, ça fait très, peur, mais comme on aime bien avoir peur, ça va

Cela vous fait marrer quand je pense que le palace de will oldham serait le Dionysos américain si il avait décidé d’être moins neurasthénique ? Aussi bizarre que cela puisse paraître on sent une écriture très proche chez vous, mais l’emballage diffère

— Whaouh, trop bien...c’est un beau compliment, je vais rougir derrière mon écran ! Je me sens très proche de will Oldham, autant que de pj harvey, mais lui, je ne rêve pas de l’embrasser...sa chanson "when you have no one, no one can hurt you" est le genre de chansons que je peux me repasser en boucle, sans m’en lasser, elle me transporte entièrement

Vous prenez comment les critiques comme MAGIC qui voit en vos chansons des textes bêtifiants sur des musiques binaires ? jusqu’à nous faire préférer Patrick mc enroe à son frère !

— On ne peu pas dire "critiques comme magic", personne ne nous a jamais insultés de la sorte. Des mauvaises critiques, c’est arrivé, oui, ça fait partie du jeu, ça peu même apprendre des choses, des insultes, non. On n’a pas compris ce qui s’est passé avec magic, ça sentait le règlement de compte personnel, c’était étrange. Ce papier n’avait rien d’une chronique. Ils ont le droit de détester le disque, voir même de nous détester, mais au point de nous insulter...C’est un mystère, mais suffisament peu passionnant pour que nous nous soyons donné la peine de l’élucider

Sur la fin de coccinelle sur le DVD on décèle une certaine inquiétude de Babeth après la remontée sur scène de Mathias, vous vous faites souvent peur à sauter dans tout le sens et à parfois rater les marches ?

— Il arrive qu’on se fasse peur, des fois on se cogne ! Je me souviens d’un coup de manche de basse derrière la tête, j’étais complétement sonné, j’avais l’impression de chanter au ralentis. A une jambe cassée, quelques guitares et un violon près, ça va ! On a aussi un très bel entourage( son, lumière, retour, régies ) pour veiller sur nous, ils sont indispensables à l’équilibre artistique et humain du groupe en tournée, et bien-sur, comme nous ils sont intermittents. Stéphan, qui joue également sur pleins de morceaux en live, me faisait des piqures dans le ventre tous les matins à 10 heures, pendant la tournée qui a suivit ma fracture de la jambe, il était plûtot marrant comme infirmière !

Pour le dvd les bonus sont à la hauteur et sont fournis, dont des reprises d’un enfant sautant sur son lit. Cela grossi un peu plus le sentiment de partager les moments d’une bande copains. Vous êtes conscients de dégager cela ?

— Les bonus sont fait maisons, ils sont encore tous chauds, on a terminé de les fabriquer et les monter juste avant l’encodage du dvd. Nous aimons nous impliquer, c’est un beau privilège que de sortir un dvd et deux lives, c’est pas arrivé tout seul, on s’est bien battu pour ça. On aime travailler comme des artisans, on est content si ça passe, si ça se ressent. ( c’est mon petit cousin qui saute sur son lit ! )

ne vous ayant pas vu en acoustique, ce live a tout de suite attiré mon attention, et sa track list, savoir comment vous aviez pu reprendre Surfin’frog, Coccinelle ou encore don diego 2000 ? C’était un challenge pour vous de mettre le son en sourdine, ou un juste retour des choses au commencement, à la construction des titres ?

— C’était pas juste se mettre en sourdine, c’était se ré-inventer avec d’autres instruments, d’autres arrangements, jouer dans des lieux configurés assis, ce qui change la nature de l’écoute et voir, écouter, sentir ce qui pouvait se passer

Il y a même un côté cabaret qui vous sied à merveille sur une très fraîche version de lady bird . Vous vous interdisez des styles musicaux ?

— C’est marrant, plus haut on parlait de tom waits, ou de pj harvey ou marylin monroe...et de cabaret ! Nous ne interdisons rien, on essaye de faire ce qui nous plait, nous excite, nous fait vibrer. Ce n’est pas un exercice de style que de faire une chanson "cabaret", c’est plus un rapport au désir. On marche au désir.

Spiderman, Jedi, l’univers enfantin est présent chez dionysos, c’est la peur de grandir, ou une source d’inspiration, celle de nos premiers « savoirs » la graine ?

— Peur de grandir, non, se souvenir qu’on a été enfant, oui. Cette liberté, cette capacité de rêve, de cruauté, de tendresse, d’amour, de jeu, de mélancolie sans filtre, sans politesse sociale, juste brute. Cela n’a rien avoir avec de la nostalgie de l’enfance, il y en a un peu, mais ce n’est pas la vraie raison. L’important, ç’est se souvenir de l’instinct et du spontané de l’enfance, son energie. C’est matière à contraste et nous aimons ça.

Coffin song est la chanson sur la mort que je cherchais depuis des années, car elle apaise celle ci pour la rendre désuète et que la vie c’est debout sur ces deux jambes. Elle vient comment une chanson comme celle ci, sachant que vous faites abstractions totalement de la religion (et vous faites bien) dans vos textes ? en fin de compte vous êtes finalement très cartésiens derrière ce surréalisme latent ?

— On parlait d’ "esprit de revanche", il m’est arrivé d’être très déçu par des gens, et d’avoir envie de mourrir en plein leur gueule pour leur faire comprendre comme je suis déçu. Cette chanson, et d’autres, viennent de ce sentiment, mélangé à une certaine auto-dérision, parce-que c’est un peu ridicule de se mettre en colère comme ça et je suis assez coutumier du fait.

Je ne peux m’en empêcher mais rico tu es de la famille à micheline dax ?

— Je me permet ( Mathias ) de répondre à sa place, non ! Il siffle tout le temps rico ! alors ,à force de l’entendre faire le rossignol en montant sa batterie, ça donne des idées d’arrangements.

Ce qui fait votre marque de fabrique, c’est votre générosité sur scène (même quand certains comme Mathias se ballade en plâtre (o ;), ce trop plein d’énergie qui vous faire même les poussières sur le plateau de NPA. Cela vous vient de quoi, c’est la combinaison nécessaire pour mieux faire passer votre musique ?

— Ce n’est pas un concept, c’est l’adrénaline qui saute à la gorge quand on joue notre musique ensemble ; On le fait comme ça depuis le début, même les premières répétitions. Mais nous n’avons jamais rien chorégraphier.

Après cette tournée, et la relecture de certains morceaux pour l’acoustique ou l’électrique, vous jugez comment le travail de Steve albini, referiez vous certains titres (anorak beaucoup mieux dans ses versions live par exemple…….enfin c’est mon avis ) ?

— On peu toujours refaire...si on enregistrais aujourd’hui haiku, western sous la neige, ou les précédents albums, forcement, il y aurais des différences. On l’a vu, justement avec le mix des lives, plusieurs versions de la même chanson nous plaisait, puis il faut trancher, faire du définitif. Aujourd’hui, je suis toujours heureux avec la production de steve albini. Aucun disque n’est une fin en soi, à chaques fois, c’est une étape, avec ses recherches, ses trouvailles, ses choses perdues ou écrasées, sa magie et ses imperfections. Nous avons l’énorme privilège de travailler à aller plus dans un univers que nous fabriquons de nos propres mains, nous sommes capitaine à bord, on va ou on veut. Je continue de penser que la direction albini était l’une des bonnes.

Pour finir, une question perso ; elle est où ma pétition contre la fin des black sessions que je vous ai donné un soir de concert à Reims à l’usine (c’était moi le grand blond sans trop de cheveux) (rires) ? D’ailleurs pourquoi pas de concert chez lenoir ?

— Ah ! je sais pas...nous sommes de grand fan de lenoir et de ses black sessions pourtant ! j’ai du la paumer, je fais ça très bien, paumer les papiers qu’on me donne, depuis toujours ! J’ai assisté à celle de will oldham de black session, et j’en ai enregistré plein...pj harvey, nick cave, franck black, deus, soul caughing...Pour nous, ça aurait du se faire, c’était prévu, et je ne sais plus pourquoi, ça ce n’est pas fait, pour le prochain album, j’aimerai bien.

Questions de fin traditionnelles : - que pensez vous du net et du travail fait par les webzines en particulier (notre compilation par exemple (o ;) ?

— Le net est un outil fantastique, pour découvrir, explorer, même si il a ce côté pervers qui risque de faire disparaitre l’objet disque et la notion d’album. Déja, on avait perdu un grand dégrès de classe on passant au cd, qu’une seule face, objet beaucoup moins attrayant...mais si on en arrive ( ce qui est apparement inevitable ) à la musique tout sur internet, c’est tristoune. C’est pourtant génial de télécharger le remix d’un tel qui a fait la face b de truc et la reprise de machin,c ’est un peu comme fouiller dans le bac d’un disquaire à vinyle curieusement.

votre panthéon musical du moment ?

— Buck 65 ( Tom waits version hip-hop ), Adam Green, The kills, Blind willie Johnson ( bientot un film de wenders sur ce bleusman rappeux du mississipi, Feist ( projet solo de la compagne scénique de Gonzalès )

Un dernier mot ?

— bonne nuit

Crédits photo : vincent poillet, avec l’aimable autorisation du site de dionysos