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Interview réalisée par mail par en janvier 2007

Que retiendras-tu de tes débuts et de tout ce qui a suivi Gargilesse ?

— Il s’agit d’une suite plus ou moins logique, depuis 10 ans j’écris des chansons et là elles deviennent l’objet d’un album. Curieusement, ça ne change pas grand-chose au processus créatif si ce n’est le fait que je me suis plus libre qu’avant.

Cette première tournée a-t-elle répondu à tes attentes ?

— Oui, avec une centaine de concerts, on a vécu quelque chose de très dense. Mais j’avoue que les Paris-Marseille-Nantes m’ont un peu épuisé à la longue.

Le fameux passage au deuxième album t’as fait flippé ?

— Je n’ai pas réfléchi à ça. Écrire et composer sont des choses essentielles et quotidiennes pour moi. Je songe rarement au fait que mon travail sera commercialisé.

Comment est arrivée l’idée du concept album ?

— Le mot concept est rattaché à un terme marketing. Il suppose une réflexion en amont et ne réserve que très peu de surprise, tout l’inverse du processus créatif en somme. Je me suis laissé surprendre par l’écriture avec un profond désir de ne plus quitter la ville de Rio Baril (une des première chanson écrite pour l’album) où je me sentais bien.

Tu n’as pas eu peur d’avoir tout dit avec ton premier album ?

— Et vous, avez-vous tout dit dans cette interview pour tout le reste de votre vie ? Est-ce la même interview pour chaque artiste ? Non, sérieusement quand on n’a plus rien à dire c’est qu’on est mort.

Ce Rio baril n’est-il pas la transposition de l’endroit où tu as vécu ?

— Pas vraiment, il se situerait plutôt en bord de mer et correspond à la vie dans les petites villes de provinces telles que je me l’imagine. Ces petites villes sont des lieux idéaux pour les choses romanesques. Ce qui m’intéresse dans ces ambiances de province, c’est le côté universel des comportements et l’effet loupe qui s’en dégage.

Ta vision de la bourgade de province n’est pas des plus optimistes (Rio baril) ?

— Ah mais la vie n’est pas toujours drôle et les créations artistiques tendent aussi à sublimer le tragique.Pas toujours à amuser la galerie. Le cinéma et la littérature s’autorisent des thèmes mélancoliques ou graves, pourquoi pas la chanson ? N’aurait-on que le droit de raconter son quotidien ?

Ton adolescence a-t-elle ressemblé à sous les draps ?

— Je revendique le droit à la fiction. Cela vous importe-t-il de le savoir ? Etes-vous bien certain d’avoir compris cette chanson ? Mes parents sont des gens formidables.

Rio Baril est une façon de régler tes comptes avec ton passé, une façon de vider ton sac comme Angot peut le faire sans nommer ?

— Non pas vraiment, la vie d’une petite ville de province chabrolienne me parle parce qu’il s’agit là d’un merveilleux théâtre romanesque où l’anonymat renforce les secrets, les non-dits et où les personnages sont davantage à découvert.

Une transposition en vidéo de cette vie à rio baril est-elle dans l’air ?

— Un petit cousin vidéo existe déjà, écrit par Arnaud Cathrine et moi, réalisé par Charles Fréger mais pourquoi pas se lancer dans quelque chose de plus ambitieux même si les projets cinématographiques prennent parfois un temps fou. En tout cas, si d’aventure un film se tournait à Rio Baril (ou ailleurs), j’espère bien avoir l’occasion d’en signer la musique.

Comme chez Emmanuel Poirier, cinéaste que je trouve prêt de ton univers, le Western est situé loin de l’Amérique. Un hasard ?

— Pour moi un Western ne signifie pas toujours un décor de Far West. Dog ville est un très beau western avec ce personnage mystérieux qui arrive en ville avec sa douleur secrète. Un western, c’est bien souvent un personnage qui revient sur un lieu douloureux pour en découdre avec ces propres démons.

Avec j’ai trente-cinq ans comme sur il fait beau tu inventes un nouveau format, ce n’est pas une chanson, c’est comme une lecture mise en musique. C’est pour le confort d’écriture ?

— Le mot confort à tendance à m’évoquer le champ lexical de l’industrie automobile. La prose ou la versification sont des contraintes essentielles qui permettent de trouver une liberté dans la création. Par contre, ça me permet effectivement d’écrire des textes différents, plus longs et emprunt d’une forme narrative proche de la nouvelle. Je n’ai pas la sensation d’avoir inventé un nouveau format. Il y avait le talk-over avec Gainsbourg, aujourd’hui il y le slam, le rap, et puis des groupes merveilleux comme Mendelson ou Expérience… tout ça n’est pas très éloigné en définitive.

Chanter les cachets avec Katerine s’imposait, face à l’auteur de poulet N°…. Comment lui as-tu proposé ce duo ?

— Il y a 2 ans, je croisais régulièrement Philippe. A la suite de l’une de ces performances à Nantes, l’idée d’une invitation a été évoquée. L’idée qu’il endosse la panoplie de pharmacien fou pour ponctuer les refrains "des cachets" m’a séduit.

La rumeur et les conséquences de on a rien vu venir puis sur France 3 est-elle pour toi inhérente à la province, plus encore qu’au grand tout d’internet ?

— Ce qui m’intéresse, c’est la rengaine récurrente de la rumeur qui survient à chaque fois dans les petites villes (où l’on entend systématiquement les mêmes phrases).

Les influences sont importantes et cela se sent dés l’ouverture certainement pas éloignée d’écoutes de calexico ?

— Ah les influences, j’ai commencé par 15 ans de musique classique, puis le jazz, la musique irlandaise et yiddish, la folk, le rock…Calexico, Herman Dune et bien d’autres sont eux même le résultat de métissages, d’influences. C’est tant mieux et c’est sans fin.

Ces influences, tu n’as pas eu peur en avançant sur l’album qu’elles finissent pas être trop présentes ?

— Me reprocherait-on d’écouter trop de musique ? On écoute jamais assez de musique et l’important est de trouver son mode de communication, d’expression au sein d’une famille.

Tu as un vrai talent de chroniqueur, de conteur. En littérature tu es plus amateurs de nouvelles que de format long ?

— Je lis de tout sauf la notice du paic citron.

Tu peux nous parler de ta rencontre avec Arnaud Cathrine

— Cette rencontre a eu lieu à l’occasion d’une carte blanche qui m’était proposée au festival des correspondances de Manosque qui propose, à l’initiative de son directeur Olivier Chaudenson de décloisonner la littérature et la musique. Avec Arnaud, nous avons appris à nous connaître, nous apprécier. Nous avons beaucoup échangé sur la création et participé ensemble à des lectures musicales. Lui écrivait son roman ("la disparition de Richard Taylor"), moi mon album. J’ai eu envie de l’inviter sur certains titres afin de partager nos univers. Ecrire à 4 mains est une chose rare et précieuse.

Dominique A, Katerine en guest star, c’est une façon pour toi d’assumer la filiation ?

— Le hasard des rencontres, des calendriers avec les gens que j’aime artistiquement. C’est une chance pour moi.

Tu t’imagines dans dix ans dans une version de Louxor ?

— J’ai déjà du mal à envisager la fin de la journée, alors dans 10 ans…

Tout ce chemin c’est aussi de la mélancolie comme sur tout est oublié ? le temps passe vite Florent ?

— Ça va, je n’ai pas à me plaindre. La mélancolie n’est pas une histoire de minutes mais de pulsations cardiaques contrairement à la nostalgie.

Comme tu en parles rapidement dans la chance de ta vie, tu pourrais écrire pour quelqu’un d’autre, mais à des fins autres que financières (rires) ?

— Je ne peux pas me passer d’écrire et de composer. Je suis devenu interprète pour porter mes chansons. De toute évidence, j’ai aujourd’hui plus de chansons que de temps pour les chanter. Bien sûr que je serais ravi de leurs trouver des interprètes

Pour ADA, tu peux nous le dire, le chien de Neil Young tu l’as caressé où il t’a mordu ?

— Il m’a refilé ses puces et depuis j’aime les choyer comme des reliques.

Le mot de la fin est pour toi

— Pfou, longue interview, suis rincé.Vous embrasse