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Portés par un culte grandissant, une participation hautement remarquée aux Transmusicales 2012 et deux EP hyper aguicheurs, les nantais de Von Pariahs (même si le chanteur est anglais) proposent enfin ce tant attendu premier album. On espérait une onde de choc, un post-punk furibard, des hymnes électriques à l’image des « Someone New » et « Skywalking » déjà connus… Et c’est le cas, puissance mille !

Dans une tradition britannique incluant la plupart des meilleurs groupes cold-wave de la décennie 80’s (les inévitables Joy Division, Echo & The Bunnymen et Jesus And Mary Chain), sans toutefois léser l’apport précédemment divulgué par des formations contemporaines telles que The Rakes ou les Arctic Monkeys, Von Pariahs est incollable sur toute la période indie-rock couvrant les années 79 / 89. Mais plutôt que d’assimilation, on parlera d’appropriation. Car Von Pariahs sonne très éloigné des groupes actuels se complaisant à réciter dans les moindres détails le petit guide du Ian Curtis pour débutants. Von Pariahs ne se veut pas révérencieux envers les années post-punk / cold-wave. Pour les nantais, pas question d’enregistrer un énième succédané dépourvu de personnalité. Au contraire : ici, la cold-wave se fait lacérer, déchirer, triturer, saccager dans toutes les positions afin d’en extraire un jus inédit. Cela s’exprime par des guitares qui hurlent à la mort, une section rythmique tendue jusqu’au craquage mais qui sait également adopter le profil de la souplesse, un chant bien plus punk que plaintif (très Gun Club, souvent), des correspondances rentre-dedans (imaginez un croisement entre Ian Curtis et Peter Murphy jouant avec une association Pixies / Bunnymen).

Autre point qui permet à Von Pariahs d’adopter une attitude singulière : au-delà de ce rock claustrophobe, addictif et cramé (même si chaque chanson de « Hidden Tensions » respire la bonne santé) jadis porté au firmament par Joy Division et les Bunnymen, Von Pariahs possède le pied dansant. On devine que les nantais ont pas mal écouté les premiers New Order, A Certain Ratio ou le New-York no-wave des Del-Byzanteens et Sexual Harrassment. Si la tension demeure titre après titre, le rythme incite toujours à la libération du corps, à la frénésie d’une danse hystérique. Avec Von Pariahs, on n’hésiterait pas une seule seconde à se déhancher en boites de nuit (pour un groupe à concordance dark, voilà qui est rarissime, voire inexistant).

Logique également de retrouver le doué Stefan Brändström au mixage de « Hidden Tensions ». Comme chez Holograms (que Brändström produisit), il y a chez Von Pariahs la même faculté d’ingurgiter le passé et de le façonner selon un angle déviant. A une différence essentielle : avec leur nouveau (et plutôt bon) « Forever », les suédois d’Holograms creusent le sillon d’une shoegaze asphyxiante, très sérieuse, voire cérébrale ; là où les nantais de Von Pariahs, sans toutefois renier leurs influences premières, ouvrent en grands les fenêtres de leur musique et obligent l’auditeur à lâcher prise, à se laisser prendre par le rythme plutôt que par la torpeur d’une ambiance… La libération plutôt que l’enfermement, une formule gagnante appliquée (enseignée ?) par Von Pariahs.