LE CONTEXTE
Gérald (le saint patron de « A Découvrir Absolument ») nous a proposé de tenir une sorte de work in progress lors de l’élaboration du nouvel album de Summer. Pourquoi pas ? Au-delà du plaisir d’écrire pour ADA, au-delà de la générosité de l’offre, cela pourrait nous aider à y voir plus clair dans le joyeux bordel que constitue généralement l’élaboration d’un disque.
LA SITUATION
Journal de bord part 2 : avril 2014.
LE COMMENTAIRE
L’étape de la composition et de la sélection est dorénavant achevée. Sur une quinzaine de morceaux, dix sont conservés pour le prochain album (ainsi que deux supplémentaires pour un single digital que nous aimerions sortir d’ici juin prochain). Comment se déroule ce genre de sélection ? Très simple : dans notre cas, où bien certains titres jureraient trop dans le contexte de l’album (ce fut le cas pour un morceau façon Jozef Van Wissem) ; ou bien, banalement, certains enthousiasmes d’hier se révèlent aujourd’hui plutôt infondés (une spirale krautrock que nous pensions intéressante ne nous inspire actuellement que rejet et mépris – sans doute car, depuis peu, trop de groupes français incorporent à leurs répertoires des influences krautrock ; voila qui est suffisant pour nous inciter à bazarder cette optique musicale).
Ordonner un track-listening cohérent ne fut pourtant guère une mince affaire. En début d’écriture (autrement-dit, vers septembre 2013), nous nous orientions vers des titres très noise-rock. Puis, depuis février, la rutilance électrique a fini par nous lasser. Instinctivement, sans intellectualiser la chose, les chansons sont devenues beaucoup plus lentes, épurées, limite ambient parfois. Dans ces moments-là, inutile de se forcer à composer des morceaux gorgés de sursaturations. Il faut suivre son feeling, faire confiance à ses envies et se laisser aller. D’où, semble-t-il, un quatrième album schizophrénique : une face A noise-rock, et une face B atmosphérique. En toute modestie, nous avons en tête des disques tels que « Before And After Science » de Brian Eno et « Republic » de New Order : non pas pour leur contenu musical (difficile d’affirmer que « Republic » est un grand New Order) mais pour leur façon d’orchestrer une cassure entre les deux faces du vinyle (car oui, le prochain disque de Summer sera essentiellement disponible en vinyle). A chaud, sans aucun recul, le disque semble lorgner vers une noirceur qui nous colle à la peau (décidemment, ce n’est pas encore pour demain, le titre optimiste de Summer) ; mais cette noirceur parait plus apaisée, moins colérique, plus acceptée que lors des précédents disques. D’où, nous l’espérons, un album qui ne refuse pas de se frotter à la lumière…
La grosse galère, le casse-tête absolu, actuellement, consiste à faire sonner ces putains de basses. Nos nouveaux titres comportant peu de pistes, le silence et l’espace entre chaque note étant d’une importance capitale, il faut impérativement que la basse trouve sa juste place. Ceci est actuellement notre limite, une limite telle qu’elle requiert l’apport d’un ingénieur du son qui saura démêler la pelote de laine dans laquelle nous nous perdons. Nous adorerions bosser, par exemple, avec des mecs comme Vincent Gregorio (qui a fait un super boulot pour Jessica 93), Seb Normal (La Triple Alliance de l’Est) ou Thomas Fourny (Berline 033)…
Notre précédent disque, « French Manucure », avait été mixé et produit par nos propres soins. Cette fois-ci, ce ne sera pas possible : il nous faudra partir une semaine ou deux en studio pour réussir à donner de l’ampleur à la matière atmosphérique qu’exigent nos nouveaux titres (sinon, le résultat sera trop écrasé, très inférieur aux possibilités proposées par les morceaux). Evidemment, pour nous, la question ne se pose pas : direction Toulouse, au Studio de la Trappe, en compagnie de l’ami Triboulet. Ce dernier, avec Michel Cloup au poste de réalisateur, avait donné cohérence et tension à notre premier album (« RDV Drague », en 2007). Nous lui devons beaucoup. Ainsi, pourquoi donc chercher ailleurs lorsque nous savons que Triboulet réussira à donner du corps à notre prochain album ? Sans même aborder les journées festives qu’offre, en bonus enthousiasmant, le Studio de la Trappe. Pas de dates précises, il va falloir contacter Triboulet et se mettre d’accords sur une période d’enregistrement…
Evidemment, l’autoproduction devient maintenant une contrainte de plus en plus aliénante et restrictive. Il sera nécessaire de démarcher certaines structures avec les démos de notre prochain disque ; sinon, avancer devient difficile, enregistrer un disque exige dorénavant des qualifications que ne possèdent pas les musiciens (aujourd’hui, dans le secteur de l’autoproduction, il ne suffit malheureusement plus d’écrire de bonnes chansons ; il faut également maitriser les métiers d’attaché de presse, de Webmaster, de tourneur – et c’est beaucoup trop en demander à un musicien dont le boulot, logiquement, consiste à écrire, composer et basta). Quels labels allons-nous contacter ? La question serait plutôt : qui pourrait s’intéresser à notre musique ?
Donc, dans cette phase intermédiaire (entre le peaufinage et la nécessité de partir en studio), Summer oscille entre cendriers pleins, canettes qui s’empilent, fous-rires, réflexions et écoutes intempestives des prochains titres… L’affaire est loin d’être gagnée, mais l’album est là.
Crédit photos : Marion Castor