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Parlons de grandes orchestrations, d’envolées panoramiques et de pianos élégiaques. Terres Neuves : où comment faire de la musique classique avec un esprit indie. Derrière la profusion des instruments, le souffle chaud de la nature (omniprésente le long de ces dix titres) et la poésie attristée des vocaux, un seul homme : Frédéric Modine. Présentation de l’auteur par lui-même : « J’ai commencé la musique à l’âge de douze ans avec le piano dans une école de musique située près de Nantes où je suis resté cinq ans. Par la suite, comme beaucoup de jeunes passionnés, j’ai décidé de jouer en groupe. J’ai donc joué dans plusieurs groupes sans grande prétention, simplement pour rêver un peu et poursuivre mon apprentissage. C’est avec cette activité que j’ai pu produire plusieurs albums. Par la suite, je devins professeur particulier et décida de poursuivre la musique seul, n’ayant pas assez de temps pour travailler à plusieurs mais également parce que j’avais envie de pouvoir créer la totalité des parties instrumentales. Et c’est là que le projet Terres Neuves est né avec l’album « Prélude à la fondation ». A l’éternelle question des influences musicales et de l’héritage des mots, Frédéric esquive et préfère, à juste titre, rester dans le flou : « Je suis ouvert à tous les registres, donc je ne pourrais pas donner d’artistes préférés sans devoir cibler un type de musique. Mais concernant la chanson française à textes, je dirais que Mano Solo, Jacques Brel et Léo Ferré sont ceux qui m’ont apporté l’amour des mots, chacun à leurs manières. »

« Prélude à la fondation » propose une musique qui laisse entrer, en arrière-fond, le bruit de l’eau, des champs, du vent…. Disque rural ? « Oui, je vis dans un milieu rural et qui plus est dans un endroit vraiment très beau qu’est la ville de Clisson. C’est cet endroit qui m’a permis de devenir plus sensible à ce qui m’entoure. Et c’est ce qui a motivé en partie ma volonté de l’intégrer à l’album. J’avais déjà fait plusieurs œuvres mêlant le bruitisme à la musique. J’ai toujours trouvé que c’était une direction mal exploitée.... Si, au cinéma, la retranscription d’un environnement pour permettre l’immersion fait partie intégrante d’un film, dans une œuvre musicale, cela se limite la plupart du temps à une introduction, à une transition ou un outro… Je voulais casser cette habitude et projeter l’auditeur sur une scène dans laquelle, comme un concert, l’acoustique dépend du lieu. Ceci allant même jusqu’à perturber l’écoute à cause de perturbation de l’environnement comme la pluie, la mer ou le vent… Mais je n’ai pas d’attache particulière à l’eau. Je pense simplement que la mer et la pluie, même si elles sont composées du même élément, ne traduisent pas la même ambiance. » D’où la sensation que les baffles de la stéréo laissent claironner un concert acoustique, un disque qui réussit à sonner live quand bien même la production et le mixage y sont ici d’un délicat pointillisme.

Huit titres qui embarquent l’auditeur dans un voyage sensoriel, un voyage éminemment intime que permet également de comprendre l’apport du visuel dans le travail de Terres Neuves. Frédéric : « J’apporte beaucoup d’intérêt à ce qui pourrait être qualifié « d’emballage ». La priorité absolue consiste à écrire une composition mais quand on peut également lui apporter un complément artistique, ici visuel, cela ne peut qu’être positif dans la perception globale de l’œuvre (si le travail est bien fait, évidemment). Bien qu’amateur, ma sœur fait de jolies photos, elle aime vraiment ça. Ce qui tombait bien car certains clichés correspondaient à ce que j’avais en tête quand je pensais à cet album. Aussi, chaque photo est pensée pour représenter les différents lieux dans lesquels l’auditeur voyage. » Et l’importance des mots (enrichissant ici la complexe épure de l’orchestration d’un voile lyrique pas loin du Romantisme) ? « Je pense que la littérature et la musique se rejoignent dans le partage d’émotions et c’est pour cela que j’ai fini par m’intéresser à ces deux domaines. De plus, la méthode de création est très proche, comportant même des termes théoriques identiques ; alors forcément quand un jour on est emporté par quelques notes d’une symphonie comme par quelques mots d’un roman, on se dit : pourquoi ne pas prendre un peu des deux et créer un tout ? »

Littéraire et symphonique, érudit mais jamais abscons, « Prélude à la fondation » est le disque d’un mélomane instinctif utilisant son savoir musical pour éveiller une large palette d’émotions (un peu à la Comelade, parfois). La sophistication compte finalement moins que le cœur mis à l’ouvrage. C’est également pour cela que l’étendue des sensations voulues par Frédéric Modine se devine, se comprend… et emporte la mise. A suivre…




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