Comment te sens-tu à la sortie d’un nouvel album ? Il y a encore de l’appréhension sur la rencontre avec le public, les médias ?
Non, et d’ailleurs, il n’y en a jamais vraiment eu, ni à l’époque de Chelsea, ni après... Aujourd’hui, j’ai un tel détachement par rapport à tout ça que je m’en fais même un peu la critique : d’une certaine façon, je suis peut-être trop détaché. Et je devrais peut-être prendre tout ça plus à cœur, avoir davantage envie de me battre pour faire connaître notre musique… Mais ça n’est pas dans ma nature. Je suis un coureur de fond, pas un sprinter. J’avance à mon rythme, sans faire de vagues, et sans prendre les choses trop à cœur. Ce n’est pas du dilettantisme, c’est juste que je ne fonctionne pas comme ça... En fait, la grande aventure quand on rentre en studio, c’est de produire une musique qui nous excite, nous, le groupe, en premier lieu ! Une musique qui nous plaise intimement, qui nous nourrisse, nous fasse grandir... Le partage avec le public, c’est une deuxième aventure qui commence. Mais il ne faut jamais sous-estimer la première, qui est l’aventure intérieure, et qui est pour moi une question de survie, puisque je pense que je pourrais pas fonctionner au quotidien si je n’avais pas ce moyen d’expression si particulier.
J’ai des capteurs ultra-sensibles concernant ma propre relation à la musique, mon besoin d’en écrire, ma relation à mon piano – tout ça reste très viscéral -, et bien sûr ma relation à mes trois amis du groupe, Etienne, Fabien et Samuel, à leurs attentes, leurs réactions. Par contre, j’ai des capteurs très peu sensibles à tout ce qui se passe après, la médiatisation, la réception… Je suis presque désensibilisé… Sauf pendant les concerts, qui sont des moments publics que j’adore, et ou à l’inverse je suis ultra-sensible à l’énergie qui circule, à la façon dont les gens reçoivent les chansons.
Une grande partie de la démarche est donc personnelle, c’est ça ?
Oui, et c’est une dimension qui est beaucoup trop absente dans les discours – ou pseudos-discours – sur la musique. On a l’impression que les musiciens ne jouent que pour le public, ou pour la gloire, pour se faire une place au soleil. Mais c’est faux, et ça occulte totalement la dimension intime, non spectaculaire, de la musique.
En fait, quand nous terminons un album et sortons de studio, je suis attentif à la réaction du premier cercle des proches, des amis intimes ; mais ensuite je passe rapidement à autre chose, je retourne illico écrire les chansons suivantes. Parce que j’en ai besoin ! Et que la vie est trop courte ; je n’aurai pas le temps d’écrire toutes les chansons que j’aimerais voir naître, alors pas le temps de se torturer à propos ce qui vient d’être achevé. Si c’est compris et apprécié, génial. Sinon, tant pis, et vivement le prochain disque...
Ceci dit, je reste en alerte sur un point : c’est la façon dont les disques – et en l’occurrence les nôtres – s’installent dans la vie des gens. J’accorde peu d’importance aux critiques « sur l’instant », mais j’en accorde beaucoup à la relation sur le long terme. Ecrire un disque brillant et virtuose, mais que les gens n’écouteraient que très peu de temps, et très peu de fois, parce qu’il serait fatiguant, ou un « frimeur », « over the top », quel intérêt ? J’aime bien Polyphonic Spree, mais qui peut vraiment écouter ça dix fois ? Par contre, publier un disque qui reste, qui s’installe, qui est toujours sur la pile du haut à la maison ou bien au chaud dans l’autoradio, ça, je trouve trippant. A priori, c’est ce qui se passe avec « Songs of popular appeal ». Les gens nous disent qu’ils l’écoutent beaucoup, qu’il est entré dans leur quotidien. Rien ne peut me faire plus plaisir. Si nos chansons peuvent s’imposer en bande-son, comme ont pu l’être pour moi certains albums de Prefab Sprout, Lloyd Cole ou REM – pas forcément mes artistes préférés au monde, mais des « musiques amies, jamais décevantes - , alors j’en serais vraiment heureux.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour faire cet album ? Ça a été plus ou moins long que pour les précédents ? Quel est le processus ?
Si on compte les sessions en elles-mêmes, le temps collectif, je dirais entre six et sept semaines. Donc à peu près comme pour « The Violent Life and death of Tim Lester Zimbo ». Mais si on considère la période dans son ensemble, avec des moments où chacun peut travailler de son côté (Fabien sur un mixage, moi sur un texte, Etienne sur des sons de guitare à préparer), la gestation s’étend sur environ deux ans à chaque fois. Le processus est toujours le même : quelque chose de très libre, très intuitif. Nous n’avons jamais eu de plan de bataille, de ligne directrice. On bloque des semaines de travail ensemble, on attaque en général 4 ou 5 titres de front, en commençant toujours par des prises « live », tous ensemble. Cette fois, c’était à Berlin, dans cet ancien cinéma de Berlin-Est... Généralement, j’enregistre une première prise de chant très vite, pour que chacun sache vers quoi on va. Se développent ainsi des blocs de 4 ou 5 chansons, au milieu desquels vient toujours s’intercaler « la petite dernière », la chanson qui s’invite, comme ça, sans prévenir. Sur cet album, « Oceans », « I’m the driver », « Diego » ou encore « I eat your fire » n’étaient pas du tout prévues au départ.
En général, j’ai 15 ou 16 titres en réserve quand on commence un album. Il n’y a jamais de démo. On en répète certaines, et pour d’autres, on fonce tête baissée. Sur ces 15 chansons de départ, on en enregistre réellement 12 ou 13 – la sélection se fait naturellement -, et donc on en intègre 4 ou 5 nouvelles, les bonnes surprises de dernière minute.
L’album est superbe. Quel est votre principal motif de satisfaction ?
Notre cohésion. Quatre gars qui font vraiment de la musique ensemble, qui la vivent intensément, ensemble, chantent, contre-chantent, entrelacent des thèmes, des matières sonores, je ne connais rien de mieux que ça… J’ai été trop profondément marqué par les Smiths, James première période (jusqu’à « Strip-mine »), par les sublimes Woodentops ou les Pale Fountains, ou encore par Love et les Kinks pour voir la musique autrement que ça : une affaire de groupe, de camaraderie.
J’aime aussi la lumière qui traverse le disque. Je ne sais pas trop à quoi ça tient, mais c’est quelque chose que tout le monde pointe. L’album a un côté solaire, en même temps qu’apaisé. Peut-être est-ce l’ouverture sur « Oceans » puis « I’m the driver » juste après, deux titres qui s’écoutent les fenêtres ouvertes… Je suis content qu’on ait réussi à rendre sur la bande quelque chose qui est toujours difficile à incarner : nous sommes quatre types hyper vivants, pleins d’envies, pleins de désirs. Fabien transpire la musique, c’est un instrument de musique monté sur pattes, je peux vous l’assurer, et son énergie de vie est pour moi un moteur essentiel. Etienne et Sam, et moi avec eux, sommes des « partners in crime ». On est comme les Aristochats, toujours prêts à passer à l’action : il suffit de nous mettre ensemble dans une pièce pour que quelque chose de créatif et de très musical se produise, alors que pris séparément, on serait sans doute un peu paumés… C’est l’addition de nos quatre tempéraments qui fait groupe.
L’accueil de l’album est excellent, notamment par les blogs et les médias, j’imagine que c’est très plaisant ; tu reçois ça comment en tant qu’ancien chroniqueur ?
Comme je le disais, avec énormément de distance. Je survole plus que je ne lis… Ça n’est pas du tout un manque de respect, vraiment pas, car je pense que la critique est un exercice à la fois difficile et très important dans l’écosystème de la musique. Mais l’ayant moi-même beaucoup pratiqué – principalement aux Inrocks, que j’ai quitté il y a maintenant quatorze ans, deux septennats… -, je ne m’y intéresse plus beaucoup. Je ne lis quasiment jamais de chroniques des groupes qui émergent. C’est un peu triste, mais le discours critique sur la musique a perdu en force, en profondeur et aussi en impact… En fait, de vrai discours critique sur la musique, je veux dire… de discours à la fois passionné et analytique, militant, profond, poussé, avec une vraie réflexion, je n’en vois plus beaucoup… La musique est à la fois plus présente que jamais dans nos sociétés, mais elle me semble aussi s’être diluée dans un grand flou général où le spectaculaire a pris la place du fond… On dira par exemple que les mecs de MGMT sont des sortes de hippies modernes, avec une coupe de cheveux comme-ci, un clip comme ça, mais on ne dira pas assez que c’est aussi un groupe qui écrit de sacrées chansons – je ne me suis jamais remis de « Time to pretend »… D’une certaine façon, il me semble que la musique n’est plus vraiment prise au sérieuse. Elle est vue comme une sorte de gadget, un morceau du décor général, un fond distrayant…
Alors du coup, nous retrouvant nous même balancés dans ce gigantesque cirque sonore planétaire – notre album n’est qu’une poussière naviguant parmi les dizaines de milliers de disques qui sortent chaque année !!! -, ce n’est vraiment pas dans notre nature d’attendre une forme de couronnement critique - et de toute façon, mieux vaut ne pas trop compter dessus. En plus, un groupe français, mais de culture anglo-saxonne, on sait très bien que ce n’est pas évident… A la limite, on serait belges, peut-être…
Ceci dit, toutes ces excellentes chroniques de « Songs of popular appeal » nous font du bien en temps que groupe. Elles nous galvanisent, nous prouvent qu’on n’a pas tout à fait tort dans nos parti-pris esthétiques… Ajoutées les unes aux autres, elles viennent valider un travail dans lequel on met tout ce qu’on a.
Et l’exercice de la promo, tu vis ça bien ?
Oui, j’aime bien. Je trouve ça marrant. J’adore notamment rencontrer des journalistes plus jeunes, qui ne savent pas ce que j’ai fait avant, et qui s’en fichent comme de leur première chemise à carreaux – et ils ont bien raison, d’ailleurs ! Le fait que j’ai pu être journaliste spécialiste de musique dans un lointain passé n’a absolument aucune influence sur 49 Swimming Pools et la façon dont nous travaillons. Aucune. Je pourrais être gardien de musée, ça ne changerait rien à ma façon de faire et d’écrire... Même Chelsea, on m’en parle moins, et je trouve ça très bien… Je parle là des journalistes et des blogueurs, car à l’inverse, beaucoup de gens dans le public qui apprécient 49 SwP évoquent souvent Chelsea et Melville, et nous parlent de la trace que ces deux groupes ont laissé, et la façon dont ces disques ont compté pour eux, intimement – et ces échos-là, j’aime bien les entendre, évidemment. C’est réconfortant de se dire qu’on n’a pas fait tout ça pour rien – même si le « succès » public n’a jamais été un objectif.
Je vous ai vu jouer à deux des soirées de lancement, on sent vraiment une immense complicité, une grande amitié entre vous, c’est essentiel pour faire de la bonne musique ?
Essentiel, non : je pourrais te citer de nombreux exemples de groupes très créatifs où les types ne peuvent pas se sentir, et où c’est au contraire la friction permanente qui produit de le musique... Mais nous concernant moi et mes camarades, je crois effectivement qu’on ne pourrait pas faire autrement. On aime cuisiner ensemble, visiter des villes comme Berlin ensemble, on aime se faire marrer les uns les autres, c’est une aventure qui dépasse la musique, même si c’est à la musique qu’on la doit.
Il y a Étienne et toi qui constituez une base historique, Fabien que vous aviez croisé en tant que producteur à l’époque de Chelsea, et qui était un ami, et Samuel le « petit jeune » : comment les décrirais-tu chacun en quelques mots ? Comment se répartissent les rôles au sein du groupe ?
Fabien est le pilier central. Il a les clés de la maison, c’est lui qui ouvre les volets le matin et les referme très tard le soir. Il sait rendre concrètes des choses que je ne peux qu’envisager…Etienne est l’artiste total, imprévisible, hyper instinctif, toujours partant pour l’aventure… Samuel est sans doute le musicien le plus structuré, le plus « classiquement rigoureux ». Il nous a apporté du souffle et de l’ambition, et beaucoup de justesse dans nos choix. C’est une sorte de métronome, en fait... Et moi, je suis à plusieurs endroits à la fois ou à la suite, au gré du vent et des sessions – et de mes humeurs, pas toujours archi-cohérentes. Je suis plutôt en première ligne quand on démarre une chanson et que j’apporte une grille d’accords et le chant. Puis je peux être plus effacé, voire un peu paresseux ensuite, presque en retrait…Après quoi je réapparais, et essaye sans cesse d’avoir une parole claire, des convictions précises – car généralement je sais très bien ce que je veux – mais sans étouffer personne. La démocratie absolue n’existe pas en musique, car on ne peut pas statuer sur tout à quatre voix égales. Je dirais que nous sommes une démocratie « relative », le meilleur des scénarii étant quand les choix s’imposent d’eux-mêmes. Sur « Oceans », par exemple, tout s’est fait naturellement. Sur « Diego » et « From the rooftops » aussi. Même pas besoin d’en discuter… A l’inverse, il y a eu des débats assez poussés, voire tendus sur « All metal and glass, this city stands » et « Shiver shiver ». L’amitié est notre bien le plus précieux quand on est en désaccord sur un tempo, ou un choix de mixage. Dans ce groupe, on peut tout se dire, personne ne se vexe. Ou alors jamais plus de cinq minutes.
La dimension esthétique de votre travail est très importante aussi… On imagine mal votre musique sans elle maintenant. Toi-même, tu fouilles les archives à le recherche d’images, de bandes, et puis il y a Pascal Blua qui fait complètement partie de l’aventure. Comment organisez-vous cette partie du travail ?
Pascal Blua est tombé du ciel au moment précis où nous avions le plus besoin de lui – et pourtant, lui l’ignorait, et nous l’ignorions aussi… Je bricolais des choses, mais sans sa rigueur et sa culture de l’image, qui sont énormes. Depuis qu’il est là, nous sommes un peu passés de la 2D à la 3D. Il donne du volume à ce que nous essayons de faire avec la musique elle-même, à savoir enchanter un peu le quotidien, faire surgir des petits morceaux de beauté ici et là. J’ai un attachement très fort à des groupes qui font ça, qui jettent de la couleur, de la joie, de la grâce, de la bizarrerie aussi, dans l’espace public et collectif. Les Flaming Lips sont les maîtres de ça. Bowie l’a été aussi, longtemps. Et bien sûr Morrissey pendant toute la carrière des Smiths, avec son écriture visuelle, et toutes ses icônes personnelles affichées à tour de rôle, disque après disque, comme dans un feuilleton enchanteur…
Je ne nous compare évidemment pas à tous ces génies, mais à notre niveau, grâce à Pascal, je sens qu’on arrive quand même à laisser des empreintes qui dépassent le chant sonore. La pochette de « Songs of popular appeal », avec cette photo que nous avons choisi ensemble, nous quatre et Pascal, est pour moi bouleversante en ce sens qu’elle dit mieux que n’importe quel discours de quoi il est question dans le disque, musicalement et symboliquement. C’est un disque de paix, de mains qui se tiennent, c’est un moment suspendu. C’est un disque qui célèbre le « faire ensemble »... Et puis il y a ces sortes de rayures sur l’image, qui sont parfaites et pleines de sens...
Je suppose que tu regardes plutôt devant toi, mais jetons quand même un coup d’œil dans le rétro : trois albums pour Chelsea, un pour La Guardia, trois pour Melville, 49 Swimming Pools en est à 3 dont un double, ça commence à peser… Quel regard portes-tu sur le chemin parcouru, que retiens-tu de cette discographie ?
A l’époque de Chelsea, nous étions des gamins. J’avais 22-23 ans quand on a enregistré le premier, 27 ans quand on arrêté après trois albums (et en fait quatre si on compte le mini-album collector « Me and my good friends ») puis lancé Melville... Il y avait dans ce groupe beaucoup de fraîcheur et d’énergie, mais il y a des choses qui manquent d’aplomb, comme le chant, qui n’était pas encore mûr...
Reste que « Nouvelles du Paradis » est pour moi un très bon disque. Une chanson comme « Sacred heart bazaar » ne dénoterait pas sur un album de 49 Swimming Pools. Et puis « Pat Hobby » ou « L’homme de trop », ça se défendait plutôt bien, pour de la pop en français...
Melville, j’en suis très fier. Je pense que c’était pour le coup un album extrêmement abouti, et rigoureux, précis, entier... « La dérive » ou « Mauvais homme » avaient une belle noirceur... Toute cette époque, qui a couru en gros sur sept ou huit années, nous a aussi permis d’apprendre beaucoup auprès de gens comme Ian Broudie, Stephen Street, Phil Vinall ou encore Erwin Autrique, l’un des ingés-son résidents d’ICP à Bruxelles. On arrivait assez facilement à travailler avec ces gars-là, les meilleurs en Europe à l’époque, et si on n’est pas trop mauvais aujourd’hui avec 49 Swimming Pools, c’est aussi parce qu’on a fait nos classes auprès d’eux.
Pour reprendre le fil des projets successifs, La Guardia était comme un laboratoire, un retour plutôt ludique et tranquille après une longue pause. J’ai pris beaucoup de plaisir à faire ce disque avec Luc Durand (batteur de Melville) et ça s’entend, je pense.
Après une deuxième longue pause est ensuite né 49 Swimming Pools, qui, je l’espère, est un peu l’addition, la synthèse bonifiée de tout ce qui a précédé. En même temps que c’est un retour, dans l’écriture, à mon premier instrument, qui est le piano- - derrière lequel on m’a assis quand j’avais cinq ou six ans. On nous dit beaucoup que nos chansons n’ont pas d’âge, ou alors qu’elles ont une fraicheur quasi-juvénile : c’est peut-être en partie pour ça, à cette innocence que j’ai gardé devant le clavier d’un piano. N’en ayant quasiment pas joué entre 15 et 35 ans, ça m’a évité de m’y user...
C’est quoi la suite de l’histoire ? Vous avez déjà un album en tête ?
Un voire deux, oui. Il y a de belles choses à venir, je pense. Belles pour nous, en premier lieu, pour notre cheminement, la suite de notre apprentissage – car on n’arrête jamais d’apprendre... Et belles à partager, j’espère. Time will tell.
Quel regard porte le journaliste sur l’état de la musique et de son industrie aujourd’hui ?
Soit je me lance dans une réponse un peu détaillée, et on y est encore dans deux jours, tant tout est complexe, bordélique, contradictoire, et au final un peu navrant... Soit je te réponds plus brièvement et je te dis ceci : c’est le souk le plus complet, alors raison de plus pour s’émanciper de tout ça, des modes éphémères, des professionnels de la profession et des rentiers du rock qui se nourrissent sur la bête alors qu’ils ont perdu l’appétit, et continuer à n’en faire qu’à notre tête... Finalement, j’opte pour cette réponse courte, ok ?
Ok, tu continues à suivre les sorties, l’actualité musicale ? Quels sont les groupes ou albums qui t’intéressent en ce moment ? Des gens à suivre ?
Je suis assez peu l’actualité artistique. Bien souvent, quand un nom commence à buzzer, je trouve que tout le monde s’enflamme trop vite, ou alors sur la foi d’un seul titre – avec souvent un album qui ne tient pas ses promesses derrière... A l’inverse, je trouve que certains parcours, album après album, ne sont pas assez soutenus ou célébrés. Conor J. O’Brien, des Villagers (pour citer un seul exemple) est pour moi un immense auteur de chansons, et quelqu’un qui met en place des structurations et des arrangements vraiment admirables. Mais noyés dans la masse un peu molle des chroniques de disques livrées hebdomadairement et mensuellement par les professionnels du jugement instantané, les Villagers ne sont pas beaucoup plus respectés que des bons faiseurs de deuxième division, et je trouve ça affligeant… On a l’impression que l’échelle des valeurs s’est écrasée, et que, d’une certaine façon, tout se vaut, tout se consomme vite, tout s’oublie... J’ai beaucoup de mal avec ça.
Quelle question manque à cette interview ?
Peut-être celle d’une sorte de portrait-robot du songwriter idéal : qui serait-il pour moi, quelles qualités devrait réunir cette espèce de surhomme de la création musicale ? La question est débile mais tentons quand même... Lou Reed pour la force instinctive, Elvis Costello pour l’érudition, Arthur Lee pour la grâce quasi-religieuse, Bowie pour les lignes de chant et le charisme ! En ajoutant pour couronner le tout, chez les plus jeunes, Sufjan Stevens pour la musicalité totale et Ron Sexsmith pour la douceur, la fragilité... Voilà, là, tu as un peu le meilleur du meilleur selon moi. Flippant, non ? Heureusement que ce type-là n’existe pas.
crédit photo : Elian Chrebor