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Chez ADA, les bienveillants chroniqueurs ont accès à un fichier partagé, mis à jour au fil de l’eau en fonction des sollicitations, et pigent (gratuitement – kolkhoze culturel) en fonction de leurs sensibilités, ou de leur temps, ou de leurs envies : en stock, on a donc des Gorillaz et des Miossec et des Zaho de Sagazan qui moisissent faute de thuriféraires prêts à mouiller leurs plumes, quand par ailleurs bidule du label culte machin truc accapare toute notre attention. Il faut dire que bidule du label machin truc nous fera un retour amical (un like sur Facebook) – et c’est gratifiant, même si bête comme chou – quand mec mec du label dans la place des gros mecs se fout complètement des retours qu’une bande de geeks attardés fera sur sa dernière sortie, qui se vendra (quoi qu’il arrive) sans l’approbation des mini minus que nous sommes. Écosystème, quand tu nous tiens !

Il en va ainsi du quinzième album de Depeche Mode, groupe O combien admiré de moi dès mon adolescence et qui me voit placer Violator comme (tout simplement) un des meilleurs albums de tous les temps. Je l’écoutais en cachette au lycée, dans ma cambrousse finistérienne, ce n’était pas jugé comme de la musique d’homme. Oui. Les types en mobylette qui ne juraient que par Queen estimaient que Depeche Mode n’était pas viril.

Si cocasse, mais le plouc est amateur de paradoxes : Dave Gahan sur scène, torse nu et vêtu de pantalons moulants en cuir noir, se déhanchant et dansant lascivement, serait moins masculin que les chantres du métal 80s qui jouissaient de l’approbation de mes testiculaires congénères lycéens. Why not, bande de crétins.

J’ai observé d’un œil détaché sur les réseaux sociaux les débats mollement passionnés autour de la sortie de Memento Mori, entre quinquagénaires bedonnants et pasionaria grisonnantes à la Stan Smith percutante : à aucun moment je n’avais envisagé d’écouter ce disque, tant mes passions passées me suffisaient. Alors ce soir, malgré toute ma flemme et mon absence de désir, je m’y colle.

Et donc ? Et donc je baille. Oui, je suppose que j’exagère, et qu’il faudrait plusieurs écoutes pour appréhender fond et formes d’un album copieux, mais j’ai tout simplement la sensation d’écouter un disque des affreux The Bravery, entre lyrisme sans compositions solides et envolées électroniques de bas-étage (ah ces putains de violons synthétiques !!!). Certes, il y a la voix, qui pourrait chanter l’annuaire (et ne s’en prive pas, tant le champ lexical est réduit), et l’atmosphère électronico-ouatée, ici et là quelques trouvailles (My Cosmos Is Mine, dark bloom à souhait), mais dans l’ensemble, l’absence d’inspiration saute aux oreilles. La ballade Soul With Me convoque le pire de Tame Impala (que j’exècre), quand Caroline’s Monkey se fait litanie banale de destins fracassés et Before We Drown lambada discoïde, refrains lourdingues à l’appui, endort l’auditeur. Et je ne parle même pas des sons à la Dua Lipa ou Angele de Always You. Ras-le-bol.

Même pas d’amour déçu, jamais d’amour déçu, à partir du moment où tu aimes tu prends un pari et tu acceptes la possibilité de perdre. Depeche Mode restera à jamais ce groupe qui défonçait les immondes The Smiths et autres saloperies pop molles à la Sarah Records, et je ne parle même pas des débiles qui ne juraient que par Joe Satriani et les Guns N’ Roses.

L’amour déçu, cette affection que l’on porte à tel ou tel artiste, elle est débile, ils vivent en nous et sans nous leurs vies d’artistes : moi, je me tiens à l’écart et n’admire personne, même si je me souviens du petit gars que j’étais dans les 80s, qui avait la vie devant lui, dansant seul dans sa chambre en écoutant en boucle Never Let Me Down Again sur sa platine en plastique orange, rêvant de mondes meilleurs.

Avec Memento Mori, ma boussole indique toujours le nord maussade morbide, ce que confirme le dernier morceau de l’album (Speak To Me), qui à lui seul vaut le détour et restera longtemps en tête, de par sa splendeur crépusculaire : chanson magique à la production dantesque, elle donne autant de plaisirs que de regrets. Proustien à souhait.




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