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Le 25 juin 1988, dans le salon familial, à Beuzec-Conq (grande banlieue de Concarneau), j’étais devant le téléviseur familial pour suivre la finale du championnat d’Europe de football entre les Pays-Bas et l’Union Soviétique, que l’attaquant Marco Van Basten illumina à la 54ème minute d’une magistrale frappe du pied droit, qui renforça en mondovision sa légende de tueur élégant et l’admiration que j’en avais, même si déjà (et je le suis encore – pour les débats éventuels, rendez-vous à la poubelle du coin, ce sera sans moi) j’étais russophile.

Et donc à lire le sommaire du nouvel opus de Glossop, soit Vania de Bie-Vernet – récemment chroniqué ici pour son album Discreet Industry – dans ses œuvres, épurant de manière improvisée son propre répertoire, à coups de guitare ou de basse et sans autre accompagnement qu’un métronome, le tout en une seule prise, avec ajout ultérieur de pistes rythmiques bastonneuses, l’évocation du Cygne d’Utrecht m’a illico ramené aux temps bénis de ma jeunesse. J’en ai profité pour faire des recherches sur l’autoroute 80, qui apparemment n’existe plus, ou n’a jamais existé. Tant qu’à questionner le passé, allons jusqu’au bout.

Et c’est exactement ce que fait Glossop avec A Young Person’s Guide To The Music Of Glossop, en tabassant littéralement sa propre discographie, à coups de guitares fuzz, de distorsions réjouissantes et de roulements de batterie enfiévrés. Le délicat architecte électronique Vania de Bie-Vernet se mue en barbare de lui-même et saccage tout sur son passage, sur un tempo effréné et jubilatoire. En ce sens, Glossop est bel et bien un enfant fou de Super Apes Label, qui depuis Nantes nous propose depuis tant d’années des galettes inestimables – on attend de pied ferme la prochaine sortie, soit la collaboration entre Delgado Jones et John Trap.

A Young Person’s Guide To The Music Of Glossop n’est en rien la B-side d’un projet parallèle qui s’écouterait par politesse pour la A-side, oh non, loin de là. C’est une œuvre à part entière, riche de riffs et de climats électriques lourds, binaire à souhait mais fine dans son approche presque jazz du krautrock, chargée de vibrations telluriques et d’oscillations telles que ressenties à l’écoute des thuriféraires du genre, The Warlocks et The Black Angels sans la voix, mais les harmoniques bruissent tellement qu’on finit par les entendre, ces voix, fantomatiques, pressées au cœur du mur du son. Il y a bien ici et là une certaine arythmie math-rock, comme sur Arbre Arbre, ou des ramifications (dub sur Dogtown ou blues sur Story Operating), mais dans l’ensemble l’immédiateté, telle que définie dans le postulat de départ – zéro réflexion, instinct à l’os – prévaut, à l’instar du but marqué par Van Basten un soir de juin 1988.

En ce sens, effectivement, le nouvel album de Glossop est un guide, mais pas réservé à la jeune génération (on se doute bien que le titre est ironique), même si au vu de ses goûts douteux, elle devrait en prendre de la graine, c’est à dire laisser derrière elle la musique MIDI jouée à deux doigts et s’emparer d’instruments de musique pour exprimer une créativité mise sous couvercle par les trop nombreuses facilités du monde moderne : on nous présente désormais des artistes vissés le cul sur leurs chaises de gamer passant en revue les 5 142 samples de flûte de pan destinés à l’intro de leur Grand Œuvre sociologisant (les hommes sont méchants / je suis le killer de mon quartier), alors que oui, jouer de la guitare et de la basse, ça fait mal aux doigts et au dos, en plus t’auras aucun succès, mais putain il s’agit d’hygiène sensorielle et intellectuelle, tu frottes les cordes, tu sais changer une ampoule, c’est pareil, tu te bouges, et si jamais tu ne sais pas par où commencer, les 17 titres de A Young Person’s Guide To The Music Of Glossop sont là pour te mettre sur la voie.




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