Musique sérielle, impacte le corps et l’âme. Ça tape (The dissolution of time), ça enfonce (The dissolution of time), ça gratte (The dissolution of time), ça cherche (The dissolution of time)...et nous on suit.
Ambiance intrigante, dansante, une chorégraphie que ne mépriserait pas David Lynch dont certains scénarios reposaient sur la découpe propre et sanglante d’une oreille (Blue Velvet) piétinée dans l’herbe d’été.
Suivons-les, Andreas et Carl. Si c’est une « dissolution du temps » (The dissolution of time) alors je veux bien que celui-ci - le temps - s’étire. Nouvel an 2012. La fumée s’échappe de toutes les cheminées de Berlin-Est. L’air est saturé de ce qu’on y brûle dans les poêles l’hiver : du charbon. On va le chercher dans des sacs entreposés dans des caves collectives. À minuit on tire des feux d’artifices et des pétards dans tous les sens. Ce sont les Turcs qui commencent à midi, ils sont relou, vraiment relou. Tous les chômeurs sont chiants, surtout quand ils sont étrangers, déjà qu’il n’y a pas de boulot, mais en plus ils viennent nous enfoncer dans notre Arbeitlosigkeit sans vergogne. Et puis l’hiver est long, c’est déprimant. Le temps est dissous, le gouvernement dissolu, les êtres humains se font rares dans les rues (pas fous, l’air est glacial), le metallophone sonne glacial d’ailleurs - pas un hasard.
The dissolution of time. La guitare électrique nous emmène dans des ruelles familières et rassurantes, l’orgue se faisant plus menaçant. Les deux s’emmêlent pour étirer ce noeud qui aboutit à un cul-de-sac. La ruelle était impasse, impasse dont le mur était décor ; le décor est un hologramme, l’hologramme est un Alien, l’alien est une plante, la plante est une bactérie, la bactérie est une météorite mais en tout, tout, tout petit. Tout en éloignant son oeil du microscope, l’employé du laboratoire sourit à son propre reflet dans un miroir rond, dévissé : celui du microscope suivant qui a été démonté pour être nettoyé la veille. Le labo est d’une blancheur dégueulasse et aveuglante. The dissolution of time continue à s’étirer jusqu’à rappeler des nappes mélancoliques et pessimistes dont Pink Floyd usait et ré-usait sur Atom Heart Mother.
Le vinyle continue de tourner, tourner, tourner, exhalant des crachats ultra-forts, l’ampli est foutu, les enceintes sont tellement merdiques qu’on ne sait pas si elles ne vont pas rendre l’âme. Mais non. Sommes-nous en 1977 ou en 2322 ?
Insert sur le vinyle, sur les sillons, qui deviennent anneaux de Saturne et voie lactée, étoile endommagée, Abdication, percussions envoûtantes, résonance bizarre, xylophone ou bouteilles de bière vides sur lesquelles taperait un ivrogne H.P.I. ? Aucune idée. Abdication. « Abdication ».
Abdiquons devant tant d’intelligence. Les deux bougres sont décidément très très forts en rituels de Nouvel an et en musique modulaire.