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Je sais que ça ne fait pas sérieux, mais c’est la première fois que je prends la peine d’écouter un disque de Frànçois & The Atlas Mountains, projet à géométrie variable formé il y a vingt ans à Bristol par François Marry, dont certains albums sortirent sur le prestigieux label américain Domino. Il y a que j’écoute très peu de variété française, la faute à une adolescence passée les deux pieds dans la rivière de pisse des années 80 : atermoiements de chatons mouillés à la Laurent Voulzy + production proprette = je m’enfuis en courant. Mais sachant que le nouvel (et septième) opus de Frànçois & The Atlas Mountains, mûri durant une période de deuil, lorgne plus du côté de Lee Hazlewood (le slow Fleuve des Âges, chant au bord des lèvres et cordes expirantes) que d’Alain Souchon, même si la voix sensible et mélancolique fonctionne à l’économie, je me dis que cet Âge Fleuve vibrant de maturité sensible – faisons abstraction des solos de saxophone et autres rythmiques mollement groovy – fera office de porte d’entrée dans l’univers attachant du Charentais au verbe agile. Portés par des arrangements coécrits avec SiAu, les dix chansons d’Âge Fleuve font la part belle à la délicatesse, à la retenue, à la pudeur : de la pop électronique bleutée aux accents jazzy de Où Mène la Nuit à la salsa feutrée de Aïeul Inconnu, en passant par la ballade Elle s’envole et le très british mid-tempo Party, l’on perçoit dans les textes de François une douleur diffuse, celle d’être, tout autant que celle ne plus être. Le multi-instrumentiste varie les climats ciselés – mention spéciale à Pas Lents Dans La Neige, espiègle ritournelle que l’on fredonnerait volontiers en faisant du vélo au bord d’une rivière, si l’on savait faire du vélo. Niveau invités, l’on retrouve Thomas de Pourquery sur le catchy et liquide Adorer, Malik Djoudi sur la complainte bulleuse et néanmoins effrénée Jeune Versant, ainsi que Rozi Plain sur l’atmosphérique Rappelle-Toi : il est évident que François sait (très bien) s’entourer, livrant une œuvre altruiste (le spleen est universel) et hautement intime : si la variété française reste sans nul doute un fleuve-poubelle, il existe des rus et des rivières tout à fait recommandables.