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Coucher des mots sur un disque, dans ma position de chroniqueur amateur, c’est déjà le quitter, le ranger dans cette cdthéque monstrueuse, comme un cimetière d’éléphants plus ou moins fréquentables. Après lui d’autres suivront, et lui n’existera plus, ne respira plus comme comprimé entre d’autres disques ayant connu le même sort. Mais beaucoup le méritent ce sort, n’ayant qu’étouffé l’auditeur que je suis, ne lui prenant de l’air, alors que j’en réclame, utilisant la musique comme des bouteilles d’une oxygène vitale. Depuis deux ans j’ai construit des sas de décompression, enlevant du cimetière des disques qui ne doivent jamais mourir, construisant un olympe moins écrasant que l’original, un éden simple et savoureux. Depuis deux oui, deux ans, depuis cette rencontre qui bouleversa ma vie d’auditeur, comme trois fois elle avait été. Avec Frànçois and The Atlas Mountains j’ai changé de fusil à eau d’épaule, j’ai escaladé une montagne et j’en suis redescendu diffèrent.

Si l’onirisme est présent, il ne masque pas cette mélancolie incroyable, cette absence de frein à une émotion qui envahie chaque instant de ces chansons. Cette plaine inondable la deviendra rapidement de nos pleurs interminables, car même la pluie se laisse aller en entendant ces chansons tout à la fois personnelles et offertes avec pudeur et poésie. Cette plaine on y gambade avec ceux que l’on aime, quitte à leur faire écouter l’une des chansons d’amour les plus terrible « Moitiée » et cette phrase, comme une enluminure à accrocher sur le mur de la chambre de ma fille chérie « Vis-tu de nuit pour nous voir à moitié ». Cette fille chérie qui aura eu comme premier contact avec la musique avec cette plaine, comme si son entrée dans mon monde devait ne passer que par là. « Friends », « Wonder » « Otages » sont autant de passerelles vers la construction d’une fêlure qui sublime un bien être trop stérilisé. Quand Frànçois chante « Be Water (je suis de l’eau) » c’est une poésie joyeuse, une forme de tribalité qui s’installe, on danse, on croit en tout, en tourne sur nous même pour mieux conjurer un sort qui nous étouffe. Cet étouffement on pourrait le ressentir sur « Year Of Rain » mais une marche d’espoir y est entamée sous un orage grondant. Cette chanson construite comme une œuvre classique avec ses notes suggestives, elle frôle le sublime, histoire de disperser dans l’air des étoiles de béatitudes. Sans chercher la note pure, Frànçois minéralise tout sur son passage, et cette fêlure dans la voix est comme un exorcisme, faisant de l’eau son acteur principal.

Difficile de traduire en mots ce qui paraît si diffcile de traduire en musique. Partons donc ensemble avec ces chansons sous le bras, laissons nous porter par ce vent tout à la fois chaud et humide de nos larmes. « Plaine Inondable » est un esperanto musicale et lexicale, non pas par son mélange de français et d’anglais, mais car dans ce mot eperanto il y a l’espoir que ce disque fait naître, un espoir tendre et mélancolique. On ne quittera jamais cette plaine inondable, au grand jamais. Chef d’œuvre insubmersible et eternel.

PS : une version Vinyle est maintenent disponible chez nos amis de Lejos Discos, label grace à qui j’ai découvert Frànçois. C’est ici que ça ce passe : http://www.lejosdiscos.com/frtienda_lejos_discos.html