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Troisième épisode de nos chroniques comme des invitations au voyage.... Du voyage dans les plaies mal refermées de la mémoire oublieuse ("Le Tirailleur") à l’errance dans la folie ("Le Captivé").

Ici, c’est le voyage de la découverte, du combat contre le risque de l’oubli, pour la multitude des possibilités d’être.

Faut-il voir des volontés de suprématie égocentrique dans cette démarche humaine de lancer dans l’espace en 1972 et 1973 ces deux sondes Voyager transportant à leur bord de manière symbolique des éléments du patrimoine de l’humanité, d’une série de photographies l’homme sous toutes ses facettes à des extraits sonores tant musicaux que relevant de l’illustration de nos activités...

Imaginez-vous, dans environ 40 000 ans, peut-être des créatures venues d’ailleurs découvriront la musique de Bach, rare vestige de notre civilisation alors disparue.

Prendre la mer, les airs ou une marche, n’est ce pas avant tout l’expression de chaque être vivant de survivre à sa propre dissolution ? Quelque part, le premier tome d’"Antartica" Jean-Claude Bartoll et Bernard Kollé nous ramène à ces questionnements là.

Juin 1910.... Deux expéditions... L’une anglaise avec à sa tête le Capitaine Scott... L’autre norvégienne dirigée de main de maître par Roald Amundsen.... Ces deux là s’affrontent dans une course pour la place du premier au pôle sud.... Mais aujourd’hui, cela fait partie de l’histoire.

Nous entrons dans les territoires des vieux gréements... Vous entendez déjà ce bois qui craque, le langage fleuri de ces hommes rudes, ces Terra Neuvas qui affrontent les mers froides pour remonter les cabillauds dans leurs filets. Vous allez découvrir bien des choses en ces pages, parfois anecdotiques comme par exemple le point commun entre un cabillaud et une morue, ce qu’est un "coupeur", "le patron de pêche", "l’engagement au 5ème".

En quelques dessins, Jean-Claude Bartoll et Bernard Kollé recréent sous nos yeux la vie du port de Cancale au début du 20ème siècle avec ses codes, ses rites et ses corps de métier. On sent l’effervescence des premiers mouvements syndicaux dans un monde où le patriarcat patronal coupe encore le pain d’un signe de croix en bout de table...

Ce sera la jeune et charmante Maureen Le Bannez que nous suivrons, jeune suffragette, symbole d’un féminisme qui ne dit pas encore son nom (d’avant les batailles gagnées et les droits qui vont avec)... Cette Maureen qui ira au bout d’elle même pour vivre ses amours avec le jeune capitaine belge banni Knut Larson.

Vous retrouverez la même fébrilité de lecture, le même plaisir exotique que celui d’un Shackleton à bord de son endurance ou d’un Capitaine Cook sur son Endeavour.

Si comme moi, ce n’est pas le but du voyage qui vous fait rêver mais l’action elle-même de voyager, si la lenteur ennuyeuse aux milles bruits d’un trois mats vous envoûte, si le bruit de la houle contre la coque vous fait frissonner. Si le vent qui s’engouffre dans les voiles réveille en vous l’excitation des origines, si l’ailleurs est toujours plus loin, si le déracinement n’est finalement pour vous que le transport de ses points de repère dans des sables mouvants. Alors seulement, vous sentirez la brise iodée qui vous claquera au visage, l’écume qui viendra vous laver.

A chacun ses fièvres, les miennes ne sont ni tropicales, ni farniente, elles sont de ce langage des ouvriers des eaux, ces sculpteurs des tourmentes, ces bagnards des chemins aquatiques.

Aujourd’hui, en quelques heures, nous pouvons rejoindre ce bout du monde... Pouvons-nous retrouver ces temps où la terre était plate, quand nous étions arrivés au bout des terres, nos embarcations tombaient dans le vide... ? Pouvons-nous retrouver l’excitation des premières découvertes ? Parfois ouvrir un livre comme "Typhon" de Conrad ou "Antartica", c’est comme répandre des leurres pour brouiller les pistes et donner à nouveau envie de reprendre sa marche...

http://www.glenatbd.com/bd/antarctica-tome-1-9782723472791.htm




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